Jaillie des murs de «Sans-Famille», la sinistre prison de Libreville, la Ntcham s’est répandue dans les ruelles populaires comme une déferlante musicale irrépressible. Née des codifications chorégraphiques de détenus, cette danse de la liberté reconquise s’est muée en véritable phénomène de société au Gabon. Coup d’œil sur ce courant culturel ancré dans les racines populaires et portée par ses figures charismatiques : L’Oiseau Rare, Général Itachi ou Eboloko.

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Dans les bars enfumés des quartiers populaires de Libreville, une nouvelle épopée musicale locale prend de plus en plus ses quartiers. Dès qu’une sono libère les premières notes puissantes de Ntcham, quasiment par réflexe, les corps se lèvent et se mettent en mouvement dans une démonstration frénétique de cette danse devenue phénomène de société au Gabon.

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Cet ovni musical et chorégraphique surgit d’on ne sait où, détrône auprès des jeunes, surtout des quartiers populaires, des genres musicaux géants de la scène africaine comme l’Afrobeat nigérien ou l’Amapiano sud-africain. La Ntcham a en effet supplanté à Libreville ces genres au succès pourtant planétaire, pour s’imposer en reine incontestée des nuits gabonaises.

Un mariage entre tradition et modernité

Née d’un étrange mariage entre le rap, l’Afrobeat et les sonorités traditionnelles d’Afrique centrale, la Ntcham est un pur produit du terroir, made in Gabon. Une légende tenace voudrait même que cette danse électrisante ait été codifiée à l’origine par des malfrats détenus dans la sinistre prison centrale de Libreville.

«Le terme Ntcham signifie littéralement ‘la bagarre’ dans l’argot local. D’où ces pas de danse très percutants, avec les poings fermés, comme pour combattre et retrouver la liberté !», commente Grégoire Obiang, anthropologue à l’Université Omar Bongo.

Si la Ntcham irrigue désormais tous les milieux sociaux, elle puise ses origines aux racines les plus populaires du Gabon. «C’est bien plus qu’un simple style musical, c’est un véritable mode de vie !», s’enthousiasme Obiang. «Cela se traduit par des codes vestimentaires très stricts : jeans serrés, bandanas, baskets de marque et maillots siglés sont de rigueur

Des figures emblématiques et des thèmes universels

Dans ce déluge de sons hybrides entre tradition et modernité, émergent des figures aussi charismatiques qu’improbables. À l’image de l’Oiseau Rare, d’Eboloko ou du « Général » Itachi, véritables icônes de la Ntcham. Leurs textes désinvoltes charrient indistinctement l’argot local et un français des quartiers. Et leurs morceaux ultra-cadencés cumulent déjà des millions d’écoutes sur les plateformes de streaming.

De la violence des rues aux peines de prison en passant par l’amour et la quête d’un emploi, les thèmes abordés par ces sangles fiévreuses transcendent les réalités locales. Portée par des rythmes endiablés, une incroyable énergie et un sens de la fête communicatif, la Ntcham aurait assurément de quoi conquérir bien au-delà des frontières gabonaises. Avis aux producteurs, mécènes et promoteurs artistiques.

 
GR
 

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