En les menaçant presque explicitement de prison, Brice Clotaire Oligui Nguema semble vouloir dénier le droit de grève aux agents de la SEEG qui réclament leur gratification annuelle. Comme pris dans le piège du populisme que beaucoup redoutaient, le Général-président du Gabon assimile désormais «état d’exception» à «État militaire», au point que des responsables syndicaux auraient été convoqués ce lundi 11 décembre au B2.

De l’état d’exception, Oligui Nguema semble désormais conduire le Gabon dans l’État militaire. © Montage GabonReview

 

Au Gabon depuis l’arrivée des militaires au pouvoir, il semblerait désormais que la grève est un droit garanti aux uns et refusé aux autres. Et parmi les autres, on compte les agents de la Société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG). C’est certainement l’«État d’exception» qui le veut. Sinon, on comprendrait mal la menace d’emprisonnement à peine voilée proférée par Brice Clotaire Oligui Nguema à l’endroit des 2 500 compatriotes qui réclament depuis le 8 décembre dernier le versement de leur gratification annuelle (13e mois). Seulement, le Général-président verrait d’un mauvais œil cette réclamation qu’il perçoit plutôt comme une façon d’«emmerder» les Gabonais.

En évoquant à Ndendé la possibilité de se faire transmettre la fiche de renseignement de chacun de ces agents pour les traquer maison par maison, le patron du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) vient de mettre un pied dans l’autoritarisme. De l’état d’exception dans lequel se trouve le Gabon depuis le putsch du 30 août dernier, on semble inexorablement marcher vers un «État militaire» qui ne dit pas son nom. Avec les militaires à sa tête, le pays semble en passe de rayer de sa législation le droit de grève. À moins que celui ne soit modifié pour le réserver à certains Gabonais au détriment d’autres. 

Populisme et intimidation 

Les menaces du président de la Transition ont été accueillies avec des acclamations dans la foule. Une grande partie des Gabonais les ont approuvées. Plusieurs parlementaires censés défendre les lois en vigueur au Gabon l’ont soutenu, au point qu’un des vice-présidents de l’Assemblée nationale, Geoffroy Foumboula Libeka, dans un post sur Facebook, a semblé limiter le droit de grève des agents de la SEEG à la qualité de leur service. Effarant !

Parmi les plus critiquées, la SEEG est sans conteste l’entreprise à qui l’on adresse le plus de reproches, notamment pour la qualité de ses services. Les délestages à répétition enregistrés ces dernières semaines à travers le pays justifient largement le désamour des usagers à son endroit. Est-ce pour autant que les milliers de Gabonais qui y travaillent et qui subissent également les mêmes délestages n’ont-ils plus le droit de réclamer leurs gratifications ? Les mettre en prison changerait-il la situation peu enviable de l’entreprise ? N’aurait-il pas mieux valu de discuter avec les syndicats que de les menacer de mettre les services de renseignement à leurs trousses ?

Et, voulant à tout pris conserver la sympathie des populations, Brice Clotaire Oligui Nguema flirte désormais avec le populisme. Ce qui prouve que le pouvoir n’est pas encore assis sur des bases solides, au point  de verser dans l’intimidation. Ce lundi 11 décembre, des leaders syndicaux de la SEEG auraient été convoqués à la direction générale des contre-ingérences et de la Sécurité, le fameux «B2», à en croire nos confrères de Gabonactu.com. Le Général-président serait-il en passe de mettre sa menace à exécution ? On espère que non. Mais le signal envoyé est loin d’être rassurant pour la suite.

 

 
GR
 

7 Commentaires

  1. leance dit :

    Votre article est a charge, jamais il n’a interdit la grève il a juste répondu a la SEEG qui menaçais de plonger Libreville dans l’obscurité au cas échant. Est ce la première société qui rentre en grève depuis le 30 aout 2023. Donc selon vous leur menace est légitime des l’instant ou les Gabonais paient leurs factures.

  2. Jean Cruz (Canada) dit :

    Fondamentalement, vu le contexte financier exécrable de la SEEG, l’Etat doit appeler simplement à la médiation et aboutir conséquement à un report du versement de ladite gratification.
    S’il est sans conteste que tout vrai leader doit incessament porter à coeur les préoccupations de la population, mais le peuple est tel un fantôme qui lui-même pourrait pousser aux fautes et errements.
    En définitive, le bon pouvoir est pour le peuple tandis que sa gestion doit être en retrait dudit peuple.

  3. Yann Levy Boussougou-Bouassa dit :

    La communication du président du CTRI est assez… brutale. Quand on a une personne en treillis militaire et qui de surcroit exerce la fonction de chef de l’Etat qui tient ce genre de propos, cela peut effectivement faire tressaillir et craindre à un glissement vers l’autoritarisme.
    Mais en même temps il faut que les compatriotes comprennent que la plupart des droits que l’on juge fondamentaux ne sont pas absolus. Et dans le cas présent les agents de la SEEG dans l’exercice de leur droit de grève devraient tenir compte du principe de continuité du service public. Donc ils ne peuvent pas laisser les gabonais dans l’obscurité ou sans eau (c’est déjà le cas pour cette ressource, mais ce n’est sans doute pas de leur faute) alors qu’ils paient en plus une redevance pour accéder à ce service.

    Dans l’éducation, j’ai parfois vu des agents bloquer complètement les cours et forcer leurs collègues à faire la grève pour des revendications souvent légitimes. Mais ce n’est pas ainsi que les choses doivent marcher. La grève est un droit, pas un devoir. Et la continuité du service dans tout cela ?

    Les agents de la SEEG ont des droits, les autres gabonais aussi. Cependant sur le coup j’aurais souhaité de la part du président du CTRI une communication plus diplomate, pédagogue avant un éventuel coup de semonce.

  4. DesireNGUEMANZONG dit :

    Bonsoir,

    Monsieur Le Général Brice Clotaire Oligui Nguema n’est pas un politicien. Il semble que ce soit un inconvénient ou une force. Car la communication militaire est verticale et brutale. Il faut le savoir. Dans le monde militaire, les ordres ne se discutent pas. Notre pays a besoin d’ordre et de rigueur.

    Il est vrai qu’il aurait pu déléguer son Ministre de la Communication pour faire une déclaration ou son Ministre du Travail pour rencontrer les syndicalistes pour une conciliation.

    Mais il y a un fait patent : la SEEG n’est pas une entreprise aux bénéfices exceptionnels. S’il y a pas de bénéfice, alors il n’y a rien à distribuer aux salairiés d’une part. D’autre part, il faut rappeler que Monsieur Le Général B.C. Oligui Nguema a fait des sacrifices en renonçant à son salaire de « Chef d’Etat ». En tenant compte du mois de décembre 2023, ça fait 1.083.333.333 Fcfa. Il a contraint les représentants de la nation à faire de même.

    Pourquoi les agents de la SEEG ne ferait pas de même dans ce contexte exceptionnel en comprenant que cette prime est dans l’impossibilité d’être versée? Lire les articles 29, 30, 31 et 32 de la Charte de la Transition révisée leur serait un bénéfice.

    La SEEG est dépendante de l’Etat gabonais (en tant qu’actionnaire majoritaire) en termes de subventions et de (re)capitalisation. Il vaut mieux des subventions pour équilibrer le compte d’exploitation de l’entreprise (ou pour maintenir les actifs à long terme) qu’un 13ème mois. Pour le moment! Car, la structure financière de la SEEG est déséquilibrée à l’heure actuelle. Son besoin en fonds de roulement est négatif: les actifs à court terme ne permettent pas de faire face aux passifs à court terme.

    En conclusion, le problème n’est pas la remise en cause du droit de grève. Mais plutôt celui du bon sens qui n’est ici la chose la mieux partagé par tout le monde!

    Cordialement.

  5. Gayo dit :

    Je l’ai dit, Oligui vient de commettre sa première grosse bourde. Malheureusement il semble n’avoir rien compris dans sa lecture du Prince: agir dans la discrétion, soigner son image pour se faire aimer par le peuple. Comment a-t-il pu croire que menacer publiquement d’utiliser les services de renseignement telle la gestapo contre les leaders des syndicats pouvait être productif. Omar et Ali était des cancres mais je ne sais pas s’ils auraient pu faire une telle bourde. Je vais te dire Oligui ce qu’aurait fait le Prince: Avec l’aura et la légitimité que tu as en ce moment, ce n’est pas le moment de montrer les muscles contre la bas peuple dont fait partie les syndicalistes, tu aurais pu rencontrer les leaders et les meneurs discrètement pour négocier pour qu’ils accepte d’attendre. Et même ces menaces directes étaient utiles, ils peuvent aussi se faire discrètement en rencontrant les concernés toi-même. Oligui commence à gaspiller la fête de la liberation. Oligui des excuses peuvent aussi se faire discrètement envers les leaders syndicaux ou publiquement envers les 2500 agents de la SEEG que tu as insulté. N’oublie pas l’arrogance et le mépris ont fait tomber Ali Bongo, tu n’as fait que cueillir une mangue trop mûre. Même si tu es militaire, tu seras plus facile à faire tomber qu’Ali Bongo, si le peuple te tourne le dos et commence à tirer à boulet rouge sur ton régime. La question qui se pose: Oligui est plus intelligent que les Bongo ou c’est le même QI quand voit ce qu’il vient de faire? Oligui est-il aussi arrogant et méprisant envers le peuple que Ali Bongo où il a de la considération pour la dignité et les libertés de chaque gabonais? C’est sûr qu’un pays comme le notre a besoin pour commencer d’un homme fort pour le redresser pour imposer l’esprit de sacrifice qui est un passage obligé pour sortir de là où nous nous trouvons. Mais n’oublie pas Oligui, la discrétion pour cette actions, écouter le peuple et ne pas afficher du mépris lorsque tu ne penses pas comme lui t’aidera à garder la main. Je dirai même dire que tu étais en position de forcer les agents de la SEEG à consentir à ce sacrifice, mais la méthode que tu viens d’utiliser n’est pas la bonne et ne passera pas.

  6. Mezzah dit :

    Je suis surpris de voir toute cette haine déversée sur les agents de la SEEG. Je ne vais revenir sur le droit de grève qui est un droit constitutionnel, le remettre en cause est recul démocratique. C’est une énorme tâche noire sur le CTRI, que l’on veuille ou pas.
    Je voudrais ici rappeler que quand les organes du CTRI se mettent en place, le Gouvernement par le Ministères des Finances a commencé par régler les arriérés des primes des régies financières alors que nous dit-on les caisses de l’Etat sont vides. Alors pourquoi cette politique de deux poids deux mesures ?
    Enfin concernant la com du PR, je pense que beaucoup de choses sont à revoir.

  7. Mezzah dit :

    Les déclarations du PR sur les syndicalistes ne sont pas avantageuses politiquement pour lui-même. En effet il est certain que si l’élection présidentielle avait lieu dimanche prochain et qu’il était candidat, il perdrait à tous les coups au moins 5000 voix (2500 agents SEEG étant en couple). Sur un petit pays comme le Gabon ça fait beaucoup. Donc vigilance Monsieur le PR de la transition.

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