Fermeture de certains commerces par des quidams : Et l’autorité de l’Etat ?

Peu importe les motivations, de tels agissements ne sont pas à l’honneur des pouvoirs publics, tacitement accusés de passivité ou de permissivité par des justiciers autoproclamés.

L’article 17 de la Constitution dispose : «Tout étranger qui se trouve régulièrement sur le territoire national jouit, pour sa personne, sa famille et ses biens, de la protection de la loi.» Même piqué au vif, nul n’a le droit de se substituer aux pouvoirs publics ; soutenir l’inverse, c’est militer pour la chienlit. © GabonReview (capture d’écran)
De mémoire de Gabonais, jamais des citoyens n’ont unilatéralement pris des initiatives d’une telle portée. Jamais des personnes sans légitimité démocratique ne se sont aussi facilement érigées en porte-parole du peuple, défenseurs de la nation et protecteurs des institutions. Jamais de parfaits inconnus n’ont autant eu la liberté de faire leur loi, quitte à saper la cohabitation entre nationaux et expatriés ou à créer une crise diplomatique.
Comme s’ils en ont mandat et compétence, des quidams s’en prennent à des expatriés, leur intimant l’ordre de cesser toute activité. Peu importe les motivations, de tels agissements ne sont pas à l’honneur des pouvoirs publics, tacitement accusés de passivité ou de permissivité par des justiciers autoproclamés. C’est dire si cette situation ne saurait laisser indifférent. C’est surtout dire si elle commande de dépasser les émotions et d’aller au-delà des évidences.
Mutisme assourdissant
Etat organisé, le Gabon est régi par des lois et règlements. Aux termes de ceux-ci, la fermeture d’un commerce ou de toute activité économique peut être ordonnée. En fonction du contexte, de la nature et de la gravité du problème, la décision peut émaner d’un juge ou d’une autorité administrative. Dans tous les cas, elle est exécutée par des personnels assermentés (police, gendarmerie, agents municipaux). Sous aucun prétexte, elle ne peut être décidée par un citoyen lambda. Pour rien au monde, elle ne peut être appliquée par des badauds. Soutenir l’inverse, c’est militer pour la chienlit. Même piqué au vif, nul n’a le droit se substituer aux pouvoirs publics. Même par mesure de rétorsion, personne ne peut décider d’imposer sa loi. Encore moins de s’ériger en redresseur de torts, quitte à s’en prendre à des innocents ou au premier venu.
Face aux débordements de certains compatriotes, les pouvoirs publics devaient rappeler la loi et user de leurs prérogatives. Au lieu de cela, ils s’emmurent dans un mutisme assourdissant. Comme s’ils se sentent dépassés par les événements, ils assistent impassibles à ce spectacle surréaliste. Comme s’ils se retrouvent confrontés à leur propre impuissance, ils laissent à d’autres citoyens la responsabilité de procéder à des recadrages. Pourquoi se comportent-ils de la sorte ? Par volonté de minimiser ces incidents et ne pas leur donner une plus grande résonance ? Par refus de se laisser entraîner dans des querelles de chiffonniers ? Ou par envie d’apporter un soutien implicite à ces initiatives, comme le subodorent certains internautes ? «Il y a toujours des mains noires. On sait comment le pouvoir fonctionne», a lancé l’un d’eux sur Tik Tok. Faut-il laisser courir une telle lecture ?
Arbitraire et vandalisme
Sans minimiser les fautes des uns ou dérapages des autres, le silence et l’inaction ne servent pas les intérêts des pouvoirs publics. Volens nolens, l’image du pays et de notre démocratie s’en trouvent touchée de plein fouet. Après tout, en son article 17, la Constitution dispose : «Tout étranger qui se trouve régulièrement sur le territoire national jouit, pour sa personne, sa famille et ses biens, de la protection de la loi. Il est tenu de se conformer aux lois et règlements de la République». En son article 26, le même texte précise : «Les droits et libertés (…) s’exercent dans les conditions déterminées par la loi, dans le respect de l’ordre public (…) et sans qu’ils puissent porter atteinte aux droits d’autrui.» Les victimes de cette chasse à l’homme ont-elles enfreint des lois et règlements ? Lesquels ? Les justiciers autoproclamés sont-ils garant de l’ordre public ? Ont-ils la légitimité pour restreindre droits d’autrui ? Sur quel fondement ?
Fortement médiatisés par leurs auteurs, ces actes ne relèvent pas seulement de l’arbitraire et du vandalisme. Révélateurs d’une certaine défiance vis-à-vis des institutions, ils sont aussi un pied de nez adressés aux détenteurs de l’autorité publique. Au-delà, ils exposent l’ensemble du pays, désormais accusé de sombrer dans un nationalisme échevelé. Le fameux «chef d’état-major des mapanes» en a-t-il conscience ? Ou veut-il simplement attirer les regards sur sa personne ? Même s’il est tout occupé à organiser les prochaines élections, l’Etat ne peut indéfiniment se taire. Pour son image, pour notre démocratie et pour le pays, il doit réaffirmer son autorité.

2 Commentaires
Bjr. Qui a intérêt à ce que cela se dégrade suivez mon regard ? la seule personne « obligé » d’arrêter cette chienlit c’est le PR lui et lui seul. Car au regard de ce qui se passe les ordres sont mal exécutés. Nous tous, sommes favorables à un Nationalisme tout azimuts mais pas dans le désordre.
O.B disais(paix à son âme) on ne construit pas dans le désordre, en réponse aux partisans de « on ne mange pas la paix ». Cette pensée pourrait s’appliquer ici. Amen.
A cette allure, bientôt les ba Tata Bertille et autres vont recouvrer les taxes auprès des commerçants… Le Gabon est tombé bien bas