Comment 197 milliards CFA se sont évaporés dans les coulisses du pouvoir. Symbole d’une ambition nationale trahie, le Fonds gabonais d’investissement stratégique (FGIS) apparaît aujourd’hui comme le théâtre d’un naufrage programmé. Une enquête d’Africa Intelligence révèle que l’institution censée bâtir l’après-pétrole a sombré dans les dérives de palais, les alliances douteuses et la prédation financière. D’un rêve souverain, il ne reste qu’un champ de ruines administratives où s’affrontent les héritiers d’un système à bout de souffle.

Né pour préparer l’après-pétrole, le FGIS aura surtout nourri la voracité du système Bongo. De 197 milliards CFA à peine 10 % subsistent : le rêve souverain s’est mué en gouffre national. © GabonReview

 

Jadis présenté comme le joyau du «Gabon émergent», le Fonds gabonais d’investissement stratégique (FGIS) n’est plus qu’une épave financière échouée sur les récifs du pouvoir. Média d’investigation réputé pour sonder les coulisses des élites africaines, Africa Intelligence signe une enquête explosive : «La structure dotée de près de 300 millions d’euros [près de 197 milliards de F.CFA] est aujourd’hui à l’agonie. Miné par les luttes de pouvoir et les dérives financières, le fonds a failli à sa mission de développer une économie hors pétrole

L’empire Mickoto : une monarchie sans comptes ni comptes rendus

Sous la houlette de Serge Thierry Mickoto Chavagne – «aussi discret qu’influent», ancien de BGFIBank, proche de Maixent Accrombessi et époux d’Audrey Bongo Ondimba -, le FGIS s’est mué en principauté financière. Africa Intelligence évoque « une gestion opaque, quasi artisanale », dépourvue d’audit depuis 2016, et des « investissements hasardeux», bien éloignés des standards internationaux.

Les fiascos s’enchaînent : Tropical Holding, Banque gabonaise de développement, Comptoir gabonais de collecte de l’or… autant de projets engloutis dans la nébuleuse des détournements et des passe-droits. L’enquête rappelle la plainte d’IBL, partenaire mauricien, après un détournement de 1,6 milliard FCFA impliquant Alfred Bongo, demi-frère de l’ancien chef de l’État.

L’ombre du businessman franco-marocain Yariv Elbaz plane, elle aussi, sur ce désastre : le FGIS avait investi 5 milliards  de F.CFA dans ses sociétés Agriland et InfraPPP. Résultat ? «Aucune des deux entreprises n’a mené le moindre investissement», écrit Africa Intelligence qui soutient avoir épluché les comptes. Les sociétés ont été purement et simplement liquidées.

Le rêve dévoyé d’une nation post-pétrole

La démesure n’a pas épargné la culture. Le projet African Music Institute, imaginé par Ali Bongo comme une fabrique panafricaine de talents, a englouti 5,7 milliards de F.CFA pour finir en friche. Le média révèle que derrière le mystérieux sigle “ACPA” se cachait une société-écran, administrée par… Serge Thierry Mickoto lui-même. Tout un symbole.

Puis vint Akim Daouda, promu en 2020. Son arrivée devait marquer la rupture. Mais l’homme hérite d’un gouffre : «Il ne restait plus que 13 milliards de francs CFA de liquidités», note Africa Intelligence. Pire encore : l’État, en pleine crise du Covid, «réquisitionne 54 milliards appartenant au FSRG pour boucler son budget», une opération «pourtant illégale».

Après la chute, le pillage

Depuis le coup d’État du 30 août 2023, l’histoire du FGIS se confond avec celle de sa déchéance. «Les services de sécurité multiplient les enquêtes ; les cadres du fonds sont auditionnés les uns après les autres», rapporte Africa Intelligence.

Sous le régime de transition, la tutelle du FGIS glisse de la présidence vers le ministère de l’Économie, où le tout-puissant Henri-Claude Oyima tisse sa toile. Le média révèle qu’il a exigé que «le président du conseil d’administration du FGIS soit désigné administrateur de l’ensemble des neuf filiales du fonds» et que les dividendes soient désormais versés directement au Trésor public.

Ainsi s’achève l’épopée d’un fonds conçu pour préparer l’après-pétrole et qui finit, ironie du sort, aspiré par les vieux démons de l’État prédateur. Un chef-d’œuvre de promesses gâchées, un miroir de la gouvernance gabonaise : brillant à sa naissance, opaque à sa maturité, et crépusculaire à sa fin.

 
GR
 

3 Commentaires

  1. Serge Makaya dit :

    Des projets démesurés pour perdre tout. A Ntare Nzame. Si seulement cet argent aurait servi à construire des maisons pour les Gabonais, au moins on n’aurait rien perdu. Les maisons auraient été bien là et utiles pour les familles Gabonaise. Pitié de ce pays riche et rempli de corrompus. A Ntare Nzame. Pitié.

  2. Akoma Mba dit :

    Oyima ministre des Finances. Ali Baba et ses 40 voleurs sous notre essor vers les détournements et pendant ce temps l’Etat incapable de payer les factures des médicaments et encore moins dette envers les fonctionnaires. Eh oui on va sûrement accuser Billie bi Nzé.

  3. messowomekewo dit :

    Ces gens sont capables uniquement du pire, vous allez donner raison à ceux qui doutent de la sincérité de ces quidams. Le système est toujours en place, malgré le jeu des chaises musicales. Peut-être A2O aurait pu nous en libérer. On fait une parodie de procès contre sylvia et Nourrédine, leurs noms n’apparaissent pourtant pas dans le scandale du FGIS, ceux qui étaient à la manœuvre sont libres comme le vent, cela s’appelle la justice des vainqueurs. Nous dans les mapanes de LBv comprenons très bien qu’i s’agit d’une funeste distraction, les véritables fossoyeurs du pays sont hélas toujours à la baguette.

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