Adoptée depuis le 9 septembre 2021 et promulguée, la nouvelle loi sur le foncier met à mal les promoteurs immobiliers non concernés par cette loi. Alors qu’elle est censée s’attaquer aux promoteurs ayant des concessions cédées par l’Etat mais qui ne les mettent pas en valeur, l’actuel ministre s’en servirait pour s’en prendre aux promoteurs n’ayant aucune convention avec l’État. Exaspérés, ils sont montés au créneau le 16 décembre pour dénoncer l’asphyxie de leurs activités.

Les promoteurs immobiliers lors de leur conférence de presse. © Gabonreview

 

S’il avait fait parler de lui en tant que directeur général de l’Agence nationale de l’urbanisme des travaux topographiques et du cadastre (ANUTTC), le très discret ministre de l’Habitat aurait décidé de faire de même, en s’attaquant aux promoteurs immobiliers disposant pourtant des titres fonciers régulièrement obtenus. Il se servirait de la nouvelle loi sur le foncier pour les asphyxier.

Réunis au sein de la Confédération des professionnels gabonais de l’immobilier (CPGI), ils ont donné de la voix le 16 décembre pour dénoncer cette mise à mort. «L’objectif visé par le ministre en prenant cette ordonnance est d’affaiblir la corporation des promoteurs immobiliers mais au-delà, d’anéantir tous les efforts de l’Etat pour la facilitation de l’accès au foncier et au logement social», a déclaré le président de la CPGI, Harry Octavianus Olympio Engone.

Cette loi, ont-ils indiqué, donne à l’Etat le droit de récupérer des parcelles mis à la disposition des promoteurs immobiliers avec qui il a signé des conventions, en cas non mise en valeur de celles-ci. Or, dans l’application, les équipes du ministre de l’Habitat l’opposeraient aux non concernés, c’est-à-dire les promoteurs qui n’ont pas signé une convention de concession avec l’Etat. Ce qui lèse dangereusement les activités de ces derniers. «Nous sommes menacés et traités de promoteurs fantômes. Aujourd’hui mes bureaux sont fermés à cause de plusieurs mois d’impayés», a déclaré Lino Carlos Boussamba, directeur général de GIMBTP Sarl.

Disposant d’un titre foncier cédé en toute propriété sans convention avec l’administration, il a pour cette année une commande de 500 logements à livrer 50 par 50. «L’ordonnance nous empêche de faire les morcellements. Aujourd’hui notre investissement est à plus de 2 milliards. Quand on demande au ministre ce qu’il en est, il ne répond jamais et son directeur de cabinet nous répond que nous sommes sous le coup de l’ordonnance 04 qui oblige à la mise en valeur des parcelles», a-t-il expliqué.

Olivier Nang Ekomie sur le banc des accusés

Réunis au sein de la CPGI, des promoteurs immobiliers souhaitent avoir un interlocuteur avec qui travailler sereinement. © D.R.

Lorsque l’ordonnance était prise, ces promoteurs espéraient un toilettage du secteur pour leur permettre de travailler dans de meilleures conditions. «Mais non. Tout ce qu’on fait se trouve entraver et on nous dit même que nous n’avons fait aucun aménagement. Ce qui est faux. Nous avons un cahier des charges pour livrer des maisons et bien plus. Pourquoi cet acharnement ?», a poursuivi Lino Carlos Boussamba désappointé.

«Quand on devient propriétaire, on est libre de jouir de son bien», a pour sa part lâché Roger Mabaka, directeur général de Sofiga. Insistant sur le fait que leurs titres fonciers ne sont pas concernés par la concession qui relève d’un contrat entre l’administration et les promoteurs, il rappelle qu’ils ont été obtenus à l’issue des cessions. «Et même les travaux exécutés sont visibles à l’œil nu. Comment dire qu’aucun aménagement n’a été effectué ? Ce qu’ils disent c’est qu’ils s’attaquent aux promoteurs privés qui ont des très grands espaces», a-t-il ajouté.

Ayant acheté pour sa part auprès de l’Etat une parcelle de 132 ha à Okolassi pour un programme immobilier, la SCI Cuffo assure que l’actuel ministre de l’Habitat, à l’époque directeur général de l’ANUTTC, «d’une façon illégale», avait fait prendre une hypothèque à hauteur de 19,8 milliards. «Lorsque j’ai mené une action en direction du DG de l’ANUTTC, actuel ministre de l’Habitat, il a refusé de me recevoir», a fait savoir le patron de la SCI Cuffo. Harry Octavianus Olympio Engone dénonce en outre des «combines» organisées par l’ancien directeur de cabinet d’Ali Bongo en complicité avec l’actuel ministre de l’Habitat pour bloquer certains projets immobiliers.

Le Parlement à la rescousse

«Le décret pris ne permet pas au Gabon de réaliser des programmes immobiliers», a indiqué Harry Octavianus Olympio Engone. A en croire son propos, pour que l’Etat signe une convention avec une société privée un programme immobilier, le ministère de l’Habitat devrait mettre à disposition une parcelle viabilisée de 100ha. Ce qui serait impossible, l’Etat ne pouvant que mettre à disposition «un bout de forêt» dont la déforestation est estimée à 5 milliards et des études techniques pour le même coût. «Ça veut dire en termes clairs que le ministre de l’Habitat demande à travers cette ordonnance aux sociétés privées d’investir environ 10 milliards de francs CFA avant de signer une convention avec l’Etat. Aucune société ne dépensera jamais 10 milliards avant de commencer à rêver de devenir propriétaire terrien», a-t-il commenté.

Disant ne pas avoir voulu, au départ, saisir le Parlement parce que ne sentant pas concernés par le texte qui insistent-ils, devrait s’appliquer aux promoteurs privés ayant signé des conventions avec l’Etat, ils comptent désormais le faire. «Nous allons saisir le Parlement pour demander la mise en place d’une enquête parlementaire pour savoir ce qu’il se passe à l’ANUTTC et au ministère de l’Habitat», ont-ils annoncé. «Le ministre de l’Habitat abuse de son pouvoir pour s’attaquer aux promoteurs qui n’ont aucun engagement avec l’Etat», ont-ils ajouté. «Notre objectif est d’apporter librement notre contribution à la politique du chef de l’Etat en matière d’habitat social. Nous voulons avoir en face de nous un ministre capable de nous accompagner».

 
GR
 

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