Dans une vidéo abondamment partagée sur la toile, Ibrahim Zoumano, Gabonais, conseiller du raïs de la communauté musulmane du Gabon, appelle les musulmans à voter pour Ali Bongo lors de la présidentielle attendue. Entre récupération politique et tollé sur les réseaux sociaux, Ali Akbar Onanga Y’Obégué, lui aussi conseiller du raïs, a vite fait d’appeler l’opinion au discernement dans le débat politique. Dénonçant une tentative d’influencer les choix politiques des musulmans gabonais, il a annoncé la suspension d’Ibrahim Zoumano et rappelé à la raison Pierre-Claver Maganga Moussavou, l’un des acteurs ayant fait de la récupération politique après la publication de ladite vidéo.

Ali Akbar Onanga Y’Obégué entouré des siens le 24 mai 2023 à Libreville. © Gabonreview

 

«Nous condamnons fermement l’appel du conseiller du raïs Zoumano Ibrahim invitant « les musulmans du Gabon » à s’inscrire sur les listes électorales dans le but de « voter pour notre frère Ali Bongo Ondimba, notre candidat le raïs de notre communauté »», a déclaré le 24 mai le conseiller spécial du raïs de la communauté musulmane du Gabon. Ali Akbar Onanga Y’Obegue réagissait à la vidéo de son frère musulman, un Gabonais musulman né au Gabon et originaire de la province du Haut-Ogooué, ayant créé une confusion dommageable en matière électorale, s’apparentant à une tentative d’influencer les choix politiques des musulmans gabonais et allant à l’encontre des principes de neutralité et de liberté de conscience essentielle dans la société démocratique et laïque qu’est le Gabon.

«L’immixtion du religieux dans la politique est interdite»

«Pour le raïs de notre communauté, Hadj Ali Bongo Ondimba, pour le Conseil supérieur des affaires islamiques du Gabon, ainsi que pour tous les responsables musulmans gabonais, la laïcité est un pilier fondamental dans notre pays garantissant l’égalité de traitement de tous les citoyens quelles que soient leurs convictions religieuses ou philosophiques», a-t-il dit. Rappelant que la séparation entre les affaires religieuses et l’État est une valeur et un principe, il a indiqué que la communauté musulmane prend ses distances vis-à-vis de cette déclaration. «Nous rappelons que parmi les principes fondamentaux de notre communauté contenus dans la Charte, il y a le respect de lé séparation entre la religion et la sphère politique», a insisté Ali Akbar Onanga Y’Obegue signifiant que «toute immixtion du religieux dans le politique est interdite».

En clair, a-t-il soutenu, chacun doit librement exprimer ses convictions politiques indépendamment de sa foi. S’il reconnaît à Ibrahim Zoumano le droit d’appeler qui il veut à voter qui il veut, il regrette qu’il se soit exprimé en qualité de conseiller du raïs engageant ainsi la communauté musulmane et par conséquent manquant à ses devoirs et obligations dans le cadre de ses fonctions qui plus est, en période électorale. Une réunion s’est donc tenue au CSAIG et décision a été prise de «suspendre Ibrahim Zoumaho de ses fonctions jusqu’à nouvel ordre», a-t-il informé. «Chacun a le droit d’exercer son vote en tenant compte des programmes politiques des idées et des solutions proposées par les candidats», a-t-il argué s’appesantissant sur le fait que la politique étant un espace inclusif, la religion ne devrait pas être utilisée pour influencer les convictions politiques des fidèles ou des citoyens.

De haut en bas, capture d’écran de la vidéo d’Ibrahim Zoumano et Pierre-Claver Magagna-Moussavou. © Gabonreview/D.R.

À bas la stigmatisation des autres !

Ali Akbar Onanga Y’Obegue a réitéré l’engagement de la communauté musulmane envers les principes de laïcité, respect de la diversité et de la diversité de conscience en désapprouvant la récupération politique après la sortie d’Ibrahim Zoumano. Homme politique, Pierre Claver Maganga Moussavou s’en est servi en proférant des «invectives». «Nous comprenons que le contexte préélectoral  peut être passionné, mais nous tenons à souligner l’importance de la modération et du calme et rappelons qu’il faut éviter tout langage incendiaire ou toute déclaration qui pourrait sembler stigmatisante envers une partie de la population», a-t-il interpellé. Dans son discours, Pierre Claver Maganga Moussavou a pour ainsi dire, mentionné la poursuite des musulmans dans les bureaux de vote et affiché son intention d’inviter les Gabonais d’autres confessions à voter en fonction de leurs religions.

Le conseiller spécial du raïs et les siens y ont vu une rhétorique alimentant les divisions et les tensions au sein de la société gabonaise. Un discours aussi polarisant que discriminatoire qui ne pourrait être toléré dans un pays où «chaque voix compte». «Nous vous appelons à réfléchir à l’impact de vos paroles et à la responsabilité que vous portez en tant que responsable politique de premier plan dans notre pays», a-t-il dit à son endroit. Estimant que les déclarations d’Ibrahim Zoumano et de Pierre Claver Maganga Moussavou ne représentent pas les valeurs de la société gabonaise, Ali Akbar Onanga Y’Obegue et les siens ont invité l’opinion à «faire preuve de discernement et à rejeter toute tentative de division». Dans ce cadre, ils ont prôné la tolérance, le respect et l’égalité pour la consolidation du vivre-ensemble.

 

 
GR
 

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