À environ 240 jours de la prochaine élection présidentielle au Gabon, les différents camps se mettent en ordre de bataille. S’étant positionnées face au pouvoir sortant, dans un pays où une candidature unique de l’opposition a déjà prouvé sa fécondité, trois catégories se réclamant des forces du changements se font remarquer : les girouettes mercantiles, les vieux chevaux de retour des gambades, et ceux qui, visiblement, en veulent vraiment. Synthèse d’avis et de lectures éparses collectés dans différentes strates sociales du pays.

© Gabonreview

 

Ligue patriotique et panafricaine de défense de la souveraineté (Lippades) conduite par Thierry d’Argendieu Kombila ; Congrès de l’opposition républicaine et patriotique (Corp), constituée d’anciens Upégistes (Bonaventure Nzigou Manfoumbi, Matthieu Mboumba Nziengui, David Mbadinga, Richard Moulomba Mombo,…) et d’autres acteurs politiques tel que Simon Adolphe Evouna dont le parti n’a jamais tenu un seul meeting depuis sa création, mais reste «disponible». Il y a également le bloc réuni autour de Paulette Missambo, Alexandre Barro Chambrier, François Ndong Obiang, Pierre-Claver Maganga Moussavou, Louis-Gaston Mayila et des figures de la société civile, à l’instar d’Albert Ondo Ossa. Les forces de l’opposition à Ali Bongo Ondimba sont éparses, mais les observateurs optimistes pensent que le regroupement le plus solide amènera les deux autres à l’union…

Il va falloir certainement un autre homme de la trempe de Zacharie Myboto, l’initiateur des réunions ayant conduit, en août 2016 à la désignation d’un candidat unique ou consensuel. Car, pour le moment, comme en 2016, quelques contradictions entre les différents groupes peuvent être relevées. Au-delà des idées communes défendues par ces différentes chapelles (élections libres et transparentes, renouvellement du fichier électoral, désignation des nouveaux membres du bureau du Centre gabonais des élections, renouvellement du Conseil national de la démocratie, etc.) des questions se posent sur l’ancrage réelle dans l’opposition de certaines personnalités de ces familles.

Matthieu Mboumba Nziengui, David Mbadinga, Nzigou Manfoumbi : une stratégie pour mieux ‘se vendre’ ?

À environ 240 jours de la prochaine élection présidentielle, on pourrait se poser des questions au sujet de la Convention du congrès de l’opposition républicaine et patriotique (Corp) dont la plupart des partis ou des personnalités soutenaient jusqu’ici l’action d’Ali Bongo Ondimba. Partis membres, pour la plupart, ou personnalités affiliées au conglomérat des formations de la majorité républicaine et sociale pour l’émergence, ces formations politiques et personnalités ont-elles vraiment changé de braquet ? Ou est-ce une «stratégie» élaborée pour mieux «se vendre» dans quelques mois à leur ancien champion ?

Bien d’observateurs de la vie politique gabonaise accordent peu de crédit à leur position actuelle. Qui ne se rappelle, disent certains, des «tee-shirts rouges» de l’UPG de Matthieu Mboumba Nziengui appelant à voter, en 2016, le candidat de la majorité républicaine ? Qui ne se souvient pas de la décision de David Mbadinga de quitter le camp Jean Ping ? Quelques semaines plus tard, l’ancien compagnon de l’historique opposant Pierre Mamboundou prit part au dialogue politique d’Angondjé, fut ensuite appelé au gouvernement comme ministre du Commerce, puis PCA de la Caisse nationale de sécurité sociale. Qui ne se souvient des prises de position de Bonaventure Nzigou Manfoumbi à l’Assemblée nationale depuis son élection comme député de la Douigny ? De notoriété publique l’homme n’a jamais voté contre les projets de loi du gouvernement.  Bref, leur brusque irruption dans le camp de l’opposition a de quoi surprendre. Aujourd’hui, la Convention du congrès affirme d’ailleurs ne pas savoir pour le moment quel candidat elle soutiendra à l’élection présidentielle d’août 2023…

Jean de Dieu Moukagni Iwangou : élucubrations, élucubrations chéries

Le deuxième regroupement quant à lui, la Ligue panafricaine et patriotique de Défense de la souveraineté (Lippades), est essentiellement composé d’anciens proches de Jean Ping, dont certains, à l’instar de Jean de Dieu Moukagni Iwangou, ont goûté au charme et au prestige d’un strapontin ministériel, et qui, comme on peut l’imaginer, ne refuseraient pas d’y revenir. Ce regroupement est composé, selon l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur, et président de la conférence des présidents de la Lippades, «d’hommes intègres et cohérents», «non inféodés à personne», et «libres de leurs idées et de leurs idéaux».

Intègres ? Cohérents ? Mais où Moukagni Iwangou est-il allé chercher cela ? «Non inféodés à personne» ? Si ce ne sont pas des appels du pied, qu’est-ce alors ? Thierry d’Argendieu Kombila, président du regroupement, souligne pour sa part «qu’à la différence des autres opposants», les 12 partis membres de la Lippades, eux, reconnaissent Ali Bongo Ondimba comme président de la République. «Tout est dit !», estime un député LD ayant préféré conserver l’anonymat.

Maganga Moussavou dans une coalition ? Bizarre…

Le troisième groupe paraît plus solide aux yeux de l’opinion. Les politiques Paulette Missambo (Union nationale, UN), Alexandre Barro Chambrier (RPM), François Ndong Obiang (Réagir), Louis-Gaston Mayila (UPNR), les membres de la société civile, Albert Ondo Ossa, et les autres contruisent, pièce après pièce, le puzzle de la solidarité, avec leur appel à l’unité de toutes les forces du changement.

Il n’en reste pas moins que la présence à leurs côtés de Pierre-Claver Maganga Moussavou (Parti social-démocrate, PSD) suscite des remous dans l’opinion. Nombreux dans l’opinion se demandent, en effet, si ce dernier qui a toujours fait cavalier seul au moment des élections, présidentielles surtout, adoptera définitivement une posture unitaire.

Plus que 240 jours pour avoir une capacité de vaincre

Ainsi se présentent aujourd’hui les différents pôles de l’opposition gabonaise : il y ceux qui paraissent modérés et donc prêts à tout, et ceux qui tentent de faire bouger les lignes.

Quelques questions subsistent tout de même : quelle autorité morale de l’opposition parviendra à confédérer de nouveau les principales forces du changement autour d’une candidature unique ou consensuelle comme en août 2016 ? Vraisemblablement Paulette Missambo et François Ndong Obiang y travaillent. Mais, très actif dans les négociations de couloirs ayant amené à la candidature unique de l’opposition en 2016, le pasteur Georges Bruno Ngoussi, fondateur de l’Eglise internationale Nazareth, le veut-il encore aujourd’hui ? En tout cas, par son impact dans l’opinion, l’opération du 18 août 2016 avait permis d’unifier les différents candidats de l’opposition autour de Jean Ping. Le modèle d’août 2016 n’exercerait-il plus de force d’attraction au sein de l’opposition ? Trop tôt pour le dire.

Un nouveau chapitre politique s’ouvre dans lequel la stratégie ne sera pas la chose la moins importante. «Bien que l’élection présidentielle soit à deux tours, la capacité de se rassembler dès le premier tour, de se battre ensemble, pour une capacité de vaincre ne peut manquer dans cette stratégie. Privilégier des tactiques personnelles au détriment de l’intérêt collectif, voilà ce que ne veulent pas les Gabonais», souligne le député LD cité plus haut. «Dans les tourments que va sans doute traverser le Gabon dans quelques semaines, nous devrons mettre en sourdine nos émois, mettre nos attitudes à l’unisson de la nation et être unis autour d’un idéal : parvenir à l’alternance, car l’état du pays exige un comportement brave», affirme un proche d’Alexandre Barro Chambrier.

La prochaine élection présidentielle aura lieu en principe en août 2023. À la différence des dernières consultations électorales, ce scrutin sera à deux tours.

 
GR
 

2 Commentaires

  1. CYR Moundounga dit :

    Bjr. En effet, l’équation de l’autorité morale capable de fédérer se pose. le reste c’est de la haute transhumance politique. Inutile même ici d’égrener les « équilibristes » nous les connaissons par cœur. Amen.

  2. NGOMAH dit :

    ça n’est pas à l’opposition de dresser l’analyse pessimiste précédente mais à l’avenir du Gabon face à une  » opiniâtreté incredible  » à faire comme si de rien n’était.

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