20 ans déjà, en septembre dernier, que Serge Egniga a été éjecté de la terre des hommes par une mort tragique. Artiste phare de la musique gabonaise des années 1990-2000, sa mémoire reste vivace. Considéré comme le «Roi de la rumba» du Gabon, il a laissé derrière lui quelques succès intemporels, dont «Où va la vie», véritable hymne posthume. Retour sur le parcours éclair d’un musicien hors pair, devenu une légende du paysage culturel gabonais.

Serge Nkolo Egniga (1972 – 2003), le «Roi de la Rumba» gabonaise. © GabonReview

 

«Le mort du rail» fut le titre d’une chronique de L’Union par laquelle le journaliste Mbégha Effa s’indignait du crime odieux ayant arraché à la vie l’artiste gabonais Serge Egniga. Musicien majeur de la dernière moitié de la décennie 90 et du début des années 2000, les chansons de celui-ci sont inscrites au burin dans le roc musical du pays. L’enquête n’aurait jamais abouti et le crime est resté impuni. Vingt ans déjà !

Le mort des rails

Dans la nuit du samedi 13 au dimanche 14 septembre 2003, le corps de Serge Egniga est retrouvé sans vie sur la voie ferrée, broyé par un train mais portant étrangement des marques de coups de poignard. Organisées du 15 au 21 septembre de la même année à Libreville, ses funérailles sont un événement culturel géant : La plupart des artistes locaux, surtout ceux de sa génération, lui rendent hommage émouvant ayant culminé par la composition d’une chanson collective et la réalisation d’un vidéo clip émouvant en sa mémoire.

Ce requiem tradi-morderne, comme on dit alors, est indubitablement, l’une des plus belles chansons du début du XXIème siècle gabonais et «Où Va La Vie », ce succès d’outre-tombe, l’un des refrains le plus marquant de cette même période. Serge Egniga, qui semble avoir conçu son œuvre pour un succès posthume, est entré dans la légende et restera résolument un mythe dans l’histoire de la musique gabonaise moderne. Là-haut, au paradis des crooners, le «Roi de la rumba» gabonaise, est sans doute une figure minime du Panthéon des musiciens, mais ses talents de compositeur de balades doivent épater d’autres grands musiciens morts comme le Congolais Tabu Ley Rochereau ou Franco (Luambo Makiadi).

De Lambaréné au studio Mandarine : la rampe de lancement

Serge Nkolo Egniga est né le 11 novembre 1972 à Lambaréné. Il passe son enfance au Lac Onangué. À la faveur de l’émission «Gabon : Une province», il est remarqué, pour sa virtuosité dans le jeu du tambour, par l’homme d’affaire gabonais Jean-François Aveyra. Celui-ci l’enrôle dans son groupe culturel et lui offre un stage-emploi à Yamaha afin qu’il apprenne la mécanique des hors-bords. Il n’y reste que deux ans au terme desquels, voulant se consacrer entièrement à la musique, il demande à son mentor une guitare, instrument qu’il apprend en autodidacte.

Entre temps, il est récupéré par l’Association pour la valorisation et la défense des traditions (AVDT). Il découvre ainsi le studio Mandarine où l’AVDT enregistre des œuvres musicales traditionnelles (Ndjèmbè, Elombo, Okuyi, etc.) dans lesquels il tient les percussions. C’est là qu’intervient sa rencontre avec Jean-Yves Messan, l’homme qui va véritablement transformer le jeune percussionniste en chanteur de premier plan.

Patron du studio Mandarine, Jean-Yves Messan (décédé le 4 juin 2020), auditionne donc ce percussionniste qui prétend savoir chanter et découvre alors un talent qui ne demandait qu’à être encadré. C’est ainsi que parait fin 1997, «G’avilô», le premier album de Serge Egniga. La machine ne s’emballe pas aussitôt et les albums suivants, «Inongo Ayilé» (2001) et «Awè» (2002), ne rencontrent qu’un succès d’estime.

«Inongo Ayilé»

Comme le bon vin, la musique d’Egniga se bonifie en vieillissant et la chanson éponyme de l’album «Inongo Ayilé», une langoureuse ballade, fini par être remarquée par les disc-jockeys et les programmateurs radio. Sur cette lancée, les studios Mandarine commettent l’album «Okambi» dont la chanson «Ignin» décolle avant de provoquer l’apothéose. La comète Egniga est définitivement lancée et le public redécouvre toute sa saga musicale. Egniga devient ainsi la plus grosse pointure de l’écurie Mandarine. L’artiste est invité pour des playbacks et showcases dans de nombreux night-clubs et dans certains mariages. Il passe en scène au Paséo Marti Social club de Libreville, cabaret librevillois à la montée de Louis aujourd’hui disparu, et est l’invité de Martin Rompavet au CCF pour un concert inoubliable.

Un tantinet rustique, la musique d’Egniga puisait son inspiration des chants et rythmes traditionnels mais aussi de ses aînés du triangle Omyène (Akendengué – Rompavet – Ondéno) et si elle est qualifiée de rumba gabonaise, elle est avant tout une musique du cru, du folk moderne pourrait-on dire. Avant de disparaître l’artiste préparait un album qui devait sortir durant les vacances 2004 et le studio Mandarine peaufinait pour décembre 2003 un projet de duo avec Martin Rompavet. Toutes choses qui ne verront plus jamais le jour.

D’avis général, le succès n’avait pas tourné la tête de la jeune vedette.  Serge Egniga se caractérisait par une simplicité et une générosité sans égal. L’homme a traversé l’univers musical gabonais à très grande vitesse et s’est éteint aussi vite qu’une comète. Ainsi qu’il s’interrogeait dans l’une de ses chansons, «Où va la vie» ?

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Serge Makaya dit :

    Oui, c’était un très grand chanteur. Qu’il repose en paix. Akewa polo pour tes belles chansons mon petit frère.

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