Kounabélisme : Un désastre moral

On ne peut avoir soutenu, défendu et vanté le trucage électoral et en découvrir subitement le caractère nocif. C’est dire si le climat politique est kafkaïen, loufoque et chargé d’incertitudes.

Si Jean-François Ndongou abjure sa foi d’antan, ce n’est certainement pas par conviction. C’est manifestement par volonté de plaire, pour s’assurer une place au soleil. S’il encense l’action du gouvernement Oligui Nguéma, c’est forcément par fidélité à lui-même et par attachement à une méthode jusque-là payante pour… lui-même. © GabonReview
Même en faisant montre de cynisme, personne n’a imaginé un des principaux artisans du hold-up électoral de 2009 se muer en contempteur d’Ali Bongo. Pourtant, lors de la rentrée parlementaire, Jean-François Ndongou l’a fait. Sans se soucier de l’effet, il a dénoncé les «dérives (d’un) passé marqué par la mauvaise gouvernance», suscitant hilarité et étonnement dans l’assistance. C’est dire si le climat politique est kafkaïen, loufoque et chargé d’incertitudes. À l’orée d’élections législatives censées parachever la «restauration des institutions», l’opinion ne sait plus à quel saint se vouer tant les repères sont brouillés, tant il semble difficile de se faire une idée de la sincérité et de l’authenticité d’une certaine classe politique, uniquement attirée par les feux faustiens du pouvoir et prête à tout pour exister.
Logique d’irresponsabilité
Pour se faire une idée de l’ampleur de ce désastre moral, il suffit de regarder le positionnement actuel des compagnons de la première heure d’Ali Bongo. Pour en mesurer la portée, il faut analyser leurs agissements et déclarations. On ne peut avoir soutenu, défendu et vanté le trucage électoral, l’usage immodéré de la force, la purge administrative, la désarticulation de l’administration au profit de fameuses agences, les réformes juridiques et institutionnelles à l’emporte-pièce, les nominations hors de tout cadre légal et en découvrir subitement le caractère nocif. Même en plaidant la naïveté ou le droit à l’erreur, on ne peut s’absoudre à si bon compte. Sauf, bien entendu, à s’inscrire dans une logique d’irresponsabilité, à se considérer comme un pantin ou à s’infantiliser. Est-ce le message envoyé par ces ténors du régime déchu, hérauts autoproclamés de «notre essor vers la félicité» ? A en perdre son latin…
Ayant organisé le vaudeville électoral d’août 2009 puis orchestré la répression policière en sa double qualité de ministre de l’Intérieur et ministre de la Défense, ayant contribué à la perte d’influence de l’organe de régulation de la communication, passé d’institution constitutionnelle à autorité administrative sous sa présidence, Jean-François Ndongou ne peut accabler Ali Bongo sans susciter des interrogations sur sa loyauté et sa capacité à défendre les principes ou à porter ses idées. Et pour cause : dans ses anciennes fonctions, il avait la possibilité sinon de porter des réformes novatrices, du moins d’infléchir certaines positions ou de plaider pour davantage de méthode. Au lieu de cela, il s’est illustré par des idées conservatrices voire rétrogrades. Ainsi, lors du Dialogue d’Angondjé, il s’était opposé à une présidentielle à deux tours. Ce «n’est pas nécessairement un gage d’affirmation d’une bonne démocratie», avait-il lancé, affirmant : «Le deuxième tour a comme inconvénients (…) d’emmener les candidats (…) à construire des alliances de circonstance, incohérentes, contre-nature et non productives.»
Pratique hideuse
Des années auparavant, cette propension à se poser en relais de la bien-pensance l’avait conduit à œuvrer au maintien du statuquo sur des thématique comme l’élargissement de l’espace civique ou la défense des libertés publiques. Ni la loi sur les réunions publiques ni celles relatives aux associations, aux syndicats ou aux partis politiques ne firent l’objet d’une attention de sa part. En tout cas, il ne les fit nullement évoluer. Tout comme il ne s’intéressa ni à l’encadrement juridique des opérations de maintien de l’ordre ni à la codification de leur mise en œuvre. S’il abjure sa foi d’antan, ce n’est certainement pas par conviction. C’est manifestement par volonté de plaire, pour s’assurer une place au soleil. S’il encense l’action du gouvernement Oligui Nguéma, c’est forcément par fidélité à lui-même et par attachement à une méthode jusque-là payante pour… lui-même.
Venant de ténors du régime déchu, les félicitations adressées au gouvernement doivent être reçues non comme une marque de reconnaissance, mais comme de la simple flagornerie. À la limite, elles peuvent être comprises comme un piège tant elles sont de nature à installer le président de la République dans une bulle, quitte à le couper du réel. Après tout, l’histoire a déjà montré jusqu’où peuvent aller leurs auteurs et comment ils peuvent accompagner un leader au bord du précipice. Hier comme aujourd’hui, les panégyriques relèvent du kounabélisme. Véritable entrave à la bonne gouvernance, ça reste une pratique hideuse, à combattre avec vigueur si l’on veut bâtir un «édifice nouveau».

2 Commentaires
Bjr. Morceau au choix: « On ne peut avoir soutenu, défendu et vanté le trucage électoral, l’usage immodéré de la force, la purge administrative, la désarticulation de l’administration au profit de fameuses agences, les réformes juridiques et institutionnelles à l’emporte-pièce, les nominations hors de tout cadre légal et en découvrir subitement le caractère nocif ».
En français facile, vanter un poison qui « a marché et perduré » et le boire soi même est il possible ?
Voila pourquoi la pratique comme le dis le texte est hideuse et porteuse des miasmes et pustules cancérigènes nauséabondes à même de GENER la volonté qualitative et lumineuse du retour vers la félicité. Qui mieux que ces élections pour en démontrer ce retour, sauf que pour paraphraser le document en sont dernier paragraphe :
« venant de ténors du régime déchu, les félicitations adressées au gouvernement doivent être reçues non comme une marque de reconnaissance, mais comme de la simple flagornerie. À la limite, elles peuvent être comprises comme un piège tant elles sont de nature à installer le président de la République dans une bulle, quitte à le couper du réel.
Entre Qui vivra verra et wait and see vous choisissez quoi ? Amen.
Voilà ce que Montesquieu déclarait sur les courtisans du monarque : « L’ambition dans l’oisiveté, la bassesse dans l’orgueil, le désir de s’enrichir sans travail, l’aversion
pour la vérité, la flatterie, la trahison, la perfidie, l’abandon de tous ses engagements, le mépris des devoirs du citoyen, la crainte de la vertu du prince, l’espérance de ses faiblesses, et plus que tout cela, le ridicule perpétuel jeté sur la vertu, forment, je crois, le caractère du plus grand nombre des courtisans, marqué dans tous les lieux et dans tous les temps. Or il est très malaisé que la plupart des
principaux d’un État soient malhonnêtes gens, et que les inférieurs soient gens de bien; que ceux-là soient trompeurs, et que ceux-ci consentent à n’être que dupes. » Cela laisse songeur, camarades.
Au début de la transition, certains acteurs de cette transition appelaient à la mise en place d’une commission vérité et réconciliation pour éviter une réécriture de l’histoire et panser les plaies. Malheureusement cette commission n’a jamais vu le jour et les tam-tams se sont tus (sauf du côté dune certaine opposition). Cependant, il reste la mémoire des contemporains. Même enfouie sous un amas de mensonges, la vérité finie par être découverte. Et si on peut aisément enlever à un Homme sa liberté, il est plus difficile d’embastiller sa pensée et ses souvenirs. Les gabonais sont nombreux à penser et à se souvenir… même s’ils n’ont pas l’air.
cordialement