En Afrique, notamment francophone, la tentation est grande pour les présidents de transition militaires d’être candidats, quasi-inévitables, des élections présidentielles. Après le Mali et le Tchad, ils pourraient être nombreux à briguer la présidence. Cette tendance, renforcée par des processus électoraux souvent critiqués, soulève des interrogations sur l’intégrité des scrutins et la véritable volonté de démocratisation.

Transition ou Continuation ? Cette dérive électorale qui gangrène l’Afrique. © GabonReview

 

Au Mali, le dialogue national vient de vient d’acter, sous forme de proposition, la possibilité pour le président de la transition, le Colonel Assimi Goita, chef de la junte au pouvoir depuis mai 2021, de se porter candidat à la prochaine présidentielle dont la date reste à préciser.

Au Burkina Faso, le Capitaine Ibrahim Traore, qui ne veut plus se faire appeler «président de la transition», mais plutôt «président du Faso, chef de l’Etat, Chef suprême des armées», s’est octroyé une rallonge de 5 ans de transition, au terme des assises nationales tenues en seulement 24 heures en tout et pour tout, samedi 25 mai à Ouagadougou. Et, cerise sur le gâteau, le remuant chef de la junte burkinabe, au pouvoir depuis presque 20 mois, a finalement reçu l’onction de se porter candidat à la présidentielle prévue au lointain horizon 2029. Sans blague.

Plus près du Gabon au Tchad, le général Mahamat Idriss Deby Itno, qui a prêté serment jeudi dernier, est devenu officiellement président de la République, après avoir été président de la transition durant trois ans, et succédé à son père assassiné en 2021 après 21 ans de règne sans concession.

Il n’est pas nécessaire de revenir sur la manière dont se sont déroulées l’organisation, la gestion et la publication des résultats de la présidentielle tchadienne. Celle-ci ayant suscité un torrent de critiques. L’opposition locale, de nombreux éditorialistes et observateurs avisés de la scène politique nationale ayant en effet vertement remis en cause ces processus, les jugeant entachés d’irrégularités. Seule la CEEAC a estimé que ceux-ci s’étaient déroulés dans des conditions satisfaisantes, rompant avec la complainte généralisée dénonçant leur manque de crédibilité. Un constat dissonant qui n’a fait qu’alimenter la polémique déjà vive autour de ce scrutin controversé.

À travers ce bref aperçu et dans ce contexte, il y a fort à parier les velléités présidentialistes de tous les autres militaires à la tête des transitions en cours sur le continent. Le temps en sera le meilleur révélateur.

Juges et arbitres

Il est une réalité malheureusement ancrée dans de nombreux pays d’Afrique francophone : celui qui organise les élections en sort généralement vainqueur. Cette fâcheuse tendance semble avoir pris les traits d’une vérité incontestable, incontestée dans ces nations où les processus électoraux peinent encore trop souvent à atteindre les standards démocratiques. Un constat amer qui ternit l’image de scrutins censés refléter la volonté populaire, mais qui apparaissent bien trop souvent comme une simple formalité validant la mainmise du pouvoir en place. Deux exceptions notoires en sont les exceptions confirmant la règle : la RDC et le Sénégal où les derniers Chefs d’État en poste, Joseph Kabila et Macky Sall, ont été recalés par la Constitution de leurs pays respectifs qu’ils n’ont pas pu tripatouiller et qui les empêchait de briguer un troisième mandat.

Avec des présidents de la transition candidats à l’élection présidentielle, la tentation de s’incruster au pouvoir devient évidente et même proéminente, tant il est quasiment impossible dans ces conditions de se comporter en bon arbitre tout en étant dans le même temps capitaine d’une des équipes en compétition. Le jeu de l’équilibre et de l’équité se trouvant ainsi largement faussé par celui-là même qui aurait dû être le parfait juge et tenir les différents protagonistes de la présidentielle à équidistance.

Mais, comment rester neutre quand on est soi-même partant, avec une horde de courtisans, d’épouses et de maîtresses qui ne rêvent que d’ors et de privilèges ? Les moyens de l’État seront mis à la disposition du président candidat par des fonctionnaires zélés, proches parents en général, et les cordons de la bourse publique lui seront assurément déliés pour charmer les électeurs. Des électeurs médusés à qui l’ancien président – candidat et déjà futur président – vendra les réalisations faites à-la-va-vite, avec l’argent du contribuable, comme le fruit d’une vision et d’efforts personnels.

De président de la transition à candidat et président de la République dans bientôt, le pas est toujours allègrement franchi en Afrique francophone. Ni à la CEEAC, ni à l’Union Africaine ou à l’ONU, personne n’en dit mot et ne siffle la fin de ce jeu de dupes qui saute pourtant aux yeux.

Aïeul Barack

 
GR
 

1 Commentaire

  1. la chartre dit :

    La chartre africaine de la démocratie en son article 25.4 est claire :
    Les auteurs des coups d’états qui assurent la transition ne doivent pas se présenter à la future élection.

    La chartre du CTRI est donc une violation patente des lois surpa-nationales votées par le Gabon en son temps.

    On fonce!

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