En portant plainte contre Ali Bongo à Paris, New York, Londres et Libreville, Bertrand Zibi Abeghe ouvre une brèche historique et la voie à une émancipation de la justice africaine. Malgré les critiques, son initiative courageuse pourrait inspirer d’autres justiciables du continent à défier les juridictions occidentales, jusque-là jugées inaccessibles. Espérant que les juristes africains s’en emparent pour gagner en indépendance, Abslow interroge : un pas vers l’émancipation du droit africain ?

Bertrand Zibi a osé porter plainte à Ali Bongo sur les places fortes internationales, considérées par les Africains comme des «citadelles juridiques inatteignables». © GabonReview

 

Il y a quelques jours, Bertrand Zibi Abeghe a porté plainte à Ali Bongo Ondimba auprès des procureurs de Paris, New-York, Londres et Libreville. A peine rendue publique par ce dernier dans une déclaration pleine de bon sens, les Gabonais, ces intellectuels funambules s’en sont saisis avec la même ironie qu’on leur connaît sur des sujets aussi importants.

Par ignorance, par pur cynisme ou par simple jalousie à l’égard d’un homme, certes au passé sulfureux, mais qui a réussi, par sa bravoure et son charisme, à se tailler une veste de patriote incorruptible plus proche du héros que du lâche, comme d’innombrables compatriotes qui le critiquent sans avoir jamais rien fait de notoire, les Gabonais minimisent ces plaintes simultanées qu’ils jugent inutiles.

En effet, tous ces juristes cartouchards de l’UOB, membres des barreaux improvisés de nos chaumières, sont sortis de leurs cabinets d’expertise d’un droit du quartier, pour venir nous faire entendre combien cette initiative était une énième distraction de Bertrand Zibi, sous-entendant clairement qu’il serait toujours à la recherche du buzz et que de toute évidence, ces procédures fantaisistes n’avaient aucune chance de prospérer.

Très bien ! Mais au-delà de cette simpliste démarche, il ne serait pas dénué d’intérêt pourtant de relever le caractère inédit de ces plaintes. Dans l’histoire de l’Afrique, s’il est coutume de voir les justiciables occidentaux venir porter plainte aux citoyens Africains dans nos juridictions, l’inverse n’a pas toujours été courant. Pourquoi les Africains rechignent-ils à porter plainte dans les juridictions occidentales pour des faits commis chez eux ?

En effet, en dehors des tribunaux spécialisés dans les affaires commerciales et en lien avec les crimes de guerre, les tribunaux occidentaux ont rarement été sollicités par des citoyens africains pour des crimes de droit commun commis sur leurs territoires.  C’est ce « complexe d’infériorité juridique » qui fait de la démarche de Bertrand Zibi, que certains veulent relativiser, une première.

Oser porter plainte à Ali Bongo sur ces places fortes, considérées par les Africains comme des «citadelles juridiques inatteignables», est suffisamment courageux pour être relevé. Cela emporte une certaine dose de décomplexe des Africains vis à vis des juridictions occidentales. Et le fait que des avocats des mêmes juridictions aient trouvé défendables ces plaintes, signifie bien qu’il y a de fortes probabilités qu’elles prospèrent.

En effet, après avoir commis des crimes et délits nombreux dans l’exercice de leurs fonctions, on a souvent vu des justiciables africains, parfois les pires dicteurs, se réfugier dans des «paradis juridiques» où ils se sentent à l’abri des poursuites des juges africains, misant opportunément sur les complications liées à longueur des procédures, d’une part, et à la complexité et à la divergence des normes juridiques, d’autres part.

Cette démarche nouvelle est un sillon tracé par Bertrand Zibi Abeghe, du moins au Gabon, qui risque fort bien et devrait d’ailleurs pouvoir inspirer d’autres justiciables gabonais et africains, victimes d’abus et de crimes en tout genre. D’ailleurs, il n’a pas fallu deux jours pour que la société civile gabonaise lui emboîte le pas, pour ouvrir un autre front juridique en portant plainte à Ali Bongo et à son épouse Sylvia Bongo sur les mêmes chefs d’accusation.

Il ne reste qu’à espérer que ces plaintes, qui constituent des contre-feux aux plaintes par opposition aux plaintes instruites dans les mêmes juridictions par les avocats d’Ali Bongo et Sylvia Bongo, soient suivies de manière très rapprochée et pérennes, par les avocats de nos plaignants qui, il faut bien le reconnaître, n’ont pas nécessairement les mêmes moyens que la dynastie Bongo Ondimba.

Ce qui est le plus dommage, c’est que la magistrature gabonaise et africaine se tiennent à l’écart de cette dynamique qui, faut-il le rappeler, est une forme d’émancipation du droit gabonais et africain, vis à vis du droit occidental. Les contre-feux juridiques ainsi allumés par les Gabonais et les africains sont une réponse et une riposte appréciable à l’hégémonie supposée des juges occidentaux sur les juges africains.

ABSLOWMENT VRAI !

 
GR
 

3 Commentaires

  1. Jean Jacques dit :

    Haine, jalousie et termine par la fjolie,le Président il était policier,ou militaire ?Avez vous les preuves ou chercher encore une autre prison pour fausse accusation.

  2. DesireNGUEMANZONG dit :

    Bonjour,

    Il faut rappeler que le Gabon (1) a signé et ratifié le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale (CPI) qui est dorénavant habilitée à juger les questions des crimes contre l’humanité et des crimes d’agression.

    En revanche, de nombreux pays ne l’ont pas ratifié. Ce sont les cas des Etats-Unis (ont signé mais pas ratifié) et de la Russie (ont signé mais pas ratifié). D’autres pays n’ont ni signé ni ratifié le Statut de Rome.

    Un point important: il n’y a aucune rétroactivité des crimes avant 2002 (date de création de cette court). Il existe aussi, depuis 1945, une Cour Internationale de Justice (CIJ) chapeautée par l’ONU apte à trancher les différends entre Etats. Son rayon d’action reste très marginal.

    La démarche de Monsieur B. ZIDI est censée. Nos juristes sont des paresseux (frileux) qui ne défendent aucune cause noble. Tout juste bon à servir le régime et à défendre leur statut. Une bande à part. Il y a eu R. Badinter qui a défendu en 1981 la loi contre la peine mort. Quel juriste gabonais a défendu les exécutions à l’arme à feu au bord de mer au temps du parti unique? Lequel (celui qui critique la démarche de M. B. ZIDI) s’est érigé en défenseur des victimes de 2009 et 2016? Il est temps pour eux d’avoir une conscience plus humaniste.

    Quand on est Président de la République, et qu’on a failli à sa tâche, il est un temps où la justice frappe de sa main lourde pour juger les délits et crimes ayant été commises durant l’exercice de sa fonction (mandat). Car ce régime a commis des crimes atroces dont certains ne se rendent nullement compte (J’accuse Jean-Jacques). C’est un déni absolu appelé aussi biais de statu quo (2). « Nemo censetur ignorare legem » veut dire « nul n’est censé ignorer la loi ». Monsieur et Mme Bongo sont des justifiables comme les autres. Alors ils devront répondre de leurs crimes en tant que responsables et « présumé(e)s coupables ». Traiter toute une nation de la manière dont ils l’ont fait « peut constituer un crime contre l’humanité et d’agression ».

    Cordialement.

    (1) 34 pays africains ont signé et ratifié le Statut de Rome;
    (2) Se traduit par la résistance au changement et une attitude mentale dans laquelle toute nouveauté est perçue comme engendrant plus de risque que d’avantages.

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