Liquidation Gabon Poste : «Le Gabonais a cette manie de se nourrir de la misère des autres»
«Le Gabonais se nourrit de la misère des autres». C’est ainsi que les porte-paroles du Collectif des anciens agents de Gabon Poste, liquidée dès 2005, Eugène Rembendambya, et Patrick Bertrand Mackaya, justifient et résument le calvaire des 797 anciens employés de cette ancienne entreprise étatique. Dans l’interview ci-dessous accordée à Gabonreview, ces anciens postiers révèlent, une quinzaine d’années après, l’absence d’un Plan social alors que beaucoup d’argent a été décaissé par l’Etat. Ils citent des noms et pointent les responsables de ce qui apparaît comme détournement.
Gabonreview : En tant que membres éminents du Collectif des ex-agents de Gabon Poste dont la liquidation a été décidée en deux Conseils des ministres, en décembre 2005 et mars 2006, que pouvez-vous dire de cette affaire pendante depuis une quinzaine d’années ?
Eugène Rembendambya : Quinze ans après, nous pouvons dire que nous sommes à la case départ parce que la liquidation, en elle-même, ne s’est pas passée dans les règles de l’art, selon ce que l’Etat a voulu. L’Etat a voulu qu’on prenne un certain nombre de dispositions. Il y avait un Arrêté 0044 du ministre des Finances de l’époque, Paul Toungui, en lieu et place d’un texte de loi qui déclinerait les missions du liquidateur et du Comité de Liquidation, devenu Comité de privatisation, avec la mise en place d’un plan social qui aurait atténué les effets pervers de la perte des emplois par les postiers. Mais, on est encore à ce niveau-là. Rien n’a avancé. Même le secteur poste, quand vous l’observez, personne n’a trouvé son compte là-dedans.
Rien n’a avancé, dites-vous, tout en dénonçant des irrégularités dans la procédure de licenciement et de liquidation, ainsi que le traitement infligé aux anciens agents de Gabon Poste. Mais encore ?
Il est manifeste, ce mauvais traitement, parce que les agents de Gabon Télécom ont eu la chance que les Marocains viennent avec leur technicité. Mais, les notres ? Regardez la technicité de Gabon Poste en elle-même. Il n’y a rien. On avait demandé au cabinet Analysis de faire toutes les simulations. Le plan de liquidation pour licenciement économique prenait en compte la Poste. Regardez la Poste, il n’y a rien. Prenez en compte le départ des agents, sur tous les plans. Et maintenant, le plan social devait être mis en place par un atelier Plan social. Cet atelier Plan social était imposé au Comité de privatisation par l’arrêté dont nous parlions et il allait déterminer les conditions de départ des agents. Ils ne l’ont pas mis en place, même si, à minima, les agents savaient qu’ils perdaient.
Quand vous dites »ils», de qui s’agit-il ?
Ceux qui avaient en charge la mise en place de l’atelier Plan social, notamment le président du Comité, M. Meye Bika, avec le liquidateur Pierre Obame. Nous avions même deux liquidateurs, M. Mpira Victor qu’on a évincé et qui n’avait même pas commencé et on a mis le liquidateur Pierre Obame, un vieux outillé. Mais, ils n’ont pas mis en place les ateliers qui étaient exigés par l’Arrêté. Ils ont donc préféré étouffer ce travail technique qui aurait permis d’avoir une lisibilité quant à ce processus de liquidation.
Vous avez introduit des recours au Conseil d’Etat qui vous étaient favorables, notamment à propos du reversement dans la Fonction publique des anciens agents fonctionnaires et contractuels de Gabon Poste. Qu’en est-il depuis lors ?
Cette question est intéressante et interpelle les autorités sur la manière de gérer. Comment pouvez-vous avoir une société de l’Etat où on dit aux gens que vous êtes liquidés par un Arrêté ? On fait perdre aux agents qui travaillaient, sous statut, leur emploi par un arrêté. Le Conseil d’Etat n’a fait que le rappeler en disant que «ce sont des personnels de l’Etat. Il fallait simplement les reverser. Ils n’allaient pas refuser les salaires de l’Etat». C’est le Conseil d’Etat qui, en prenant, un avis, a imposé, 18 mois après, le reversement de ces personnes-là à la Fonction publique qui, peau de chagrin, il y a encore une deuxième tranche qui n’a pas été reversée et dont les dossiers sont en instance à la Fonction publique.
Maintenant, quand on est liquidé, vous avez le solde de tout compte. On vous paie seulement le service rendu, le préavis, mais vous êtes liquidés. Les agents ont donc estimé que la seule porte de sortie pour eux était le Plan social, parce qu’on liquide en 2007 et ce n’est qu’en 2009, devant les manquements, que sur la base de l’Arrêté 0044, on interpelle le chef de l’Etat pour dire : «vous êtes au sommet de la hiérarchie, mais voilà ce que nous avons obtenu du rapport du département juridique de la Primature, qui permet qu’on mette en place le Plan social». Il a donné des instructions au ministre Luc Oyoubi qui a mis en place une Commission ad hoc. Ceci sans que les responsables du Comité de privation ou du Comité de liquidation ne se soient souciés des postiers. Ils ne se sont interrogés sur rien du tout. C’est plutôt nous, les postiers, qui sommes partis au département juridique de la Primature sous le Premier ministre Paul Biyoghé Mba. Il a permis que nous apportions notre dossier au chef de l’Etat qui, dans son discours, s’occupait de justice social, en disant «je ne serais heureux que si tous mes compatriotes le sont». Il a donc eu une lecture objective en demandant de mettre en place une Commission ad hoc. C’est comme si vous allez au tribunal, vous n’avez pas eu gain de cause et vous vous référer à la juridiction supérieure. Cette Commission, composée des inspecteurs du travail qui avaient qualité et prérogatives d’inspecteurs plénipotentiaires, du Secrétaire général 1 en charge du Travail et de l’adjoint 2 en charge de l’Economie, du Conseiller juridique, du directeur de cabinet.
Felix Onkeya Secrétaire du Comité ayant été écarté par le ministre. Car, n’ayant aucun document remis par ses prédécesseurs lors de sa prise de fonctions. Les décisions ou conclusions soldant le payement du plan social que prendrait la Commission devaient s’imposer à toutes les parties, même au Chef de l’Etat. De mauvaise foi, Félix Onkeya brandit jusqu’à ce jour un faux courrier qu’il a fait valider au ministre Akagha Mba, -alors fraichement installé ne connaissant pas la réalité du dossier au moment de sa passation de service en remplacement du ministre Luc Oyoubi- portant ordonnancement d’un payement de six mois sans que la Commission, dans sa composition et nous les bénéficiaires n’en soyons informés, passant outre les conclusions du rapport et les annotations du ministre Oyoubi pour leur mise en œuvre.
Plus d’une quinzaine d’années après le début de ce dossier, après les recours au Conseil d’Etat et même à la Cour constitutionnelle, finalement qu’est-ce qui entrave la finalisation de la liquidation de Gabon Poste ?
C’est cette manie que le Gabonais a de se nourrir de la misère des autres. Ils ont trouvé que c’était le maillon faible des processus de privatisation et ils vont s’en mettre plein les poches. Le rapport de la Commission ad hoc sortira les minima, parce qu’il y avait eu des propositions, des hypothèses hautes qui avaient été formulées par le Cabinet Deloitte & Touche. Nous avons demandé 24 mois, mais la Commission a retenu une transactionnelle de 12 mois au vu de la situation financière difficile que traversait le pays. Le liquidateur, qui ne connaissait pas le fonctionnement de la société quand il est arrivé, a oublié qu’il y avait des congés et divers autres droits. Lors de l’examen tripartite des dits droits entre la Commission, l’employeur et les agents, on a retenu qu’il y avait deux mois de congés à payer et des titres de transport de 1. 500.000 francs CFA, s’inspirant de la jurisprudence Gabon Télécom. Voilà ce qui été retenu dans le rapport qui s’imposait aux parties et le Comité de privatisation était exclu dans la procédure. Lorsque la Commission se met en place, on a demandé à M. Onkeya qui est Secrétaire de privatisation, devant son supérieur hiérarchique, un seul document qui lui aurait été transmis par ses prédécesseurs, il n’avait aucun document sur la liquidation, sur l’état des lieux de la liquidation menée par Pierre Obame. On l’a exclu de la Commission pour qu’il ne soit pas juge et partie, parce que même en n’ayant pas les documents, il affirmait à tout-va, urbi et orbi, que les postiers ont eu leur Plan social. Y avait-il une vérité cachée ? Car ces propos nous rappelaient étrangement les assertions du ministre Blaise Louembé qui affirmait, avec étonnement, que : «Mais, j’ai déjà payé le Plan social de Gabon Poste quand je gérais le département des finances !». Alors où est passé cet argent ?
Apparemment beaucoup d’argent a été décaissé par l’Etat, mais le problème des anciens postiers n’a toujours pas été résolu, le Plan social n’a pas été exécuté. Que s’est-il passé ? Où est allé cet argent ?
Beaucoup d’argent est sorti parce qu’il y avait une ligne budgétaire en 2013 de 49 milliards de francs CFA. On a travaillé avec la Commission, le Secrétaire adjoint à l’Economie, Hamidou Okaba, un drafting de 19 milliards concernant ces deux tranches de régularisation, notamment les 12 mois, les 2 mois de congés et le reliquat des droits légaux. Au lieu qu’on paie les 12 mois, parce que le rapport a été transmis par la Commission à M. Oyoubi qui, lui, à son tour l’a remis à M. Onkeya avec l’annotation «Mise en œuvre et exécution».
Mais soudainement, le ministre Oyoubi quitte l’Economie, on nomme le ministre Akagha Mba, deux ans après, c’est à ce moment-là que sous notre pression, Onkeya fait une proposition de courrier, d’ordonnancer la dépense par le ministre Akagha Mba et on va simplement constater au Budget qu’on a juste six mois qui sont payables. On est devant un fait accompli. Le contrôleur financier fait, lui-même, constater que derrière l’état de paiement des Postiers, il y a une liste en dessous glissée par Félix Onkeya ; liste dans laquelle ses comparses et ex-collègues du Comité de liquidation dont Meye Bika, ci-devant directeur de cabinet du premier ministre ; Jean-Marie Ogandaga, conseiller du ministre ; Pierre Obame, liquidateur ; Moundziegou, conseiller juridique ; Jean-Jacques Ngome… la liste est longue.
Il y a aussi tout le personnel du Comité de privatisation à qui il devait plusieurs mois d’arriérés de salaire malgré son autonomie financière. Et pourtant, il se clame bon gestionnaire alors qu’il a mené le Comité de privatisation à sa dissolution en Conseil des ministres. En lieu et place des véritables architectes de la Commission, ces opportunistes financiers, budgétivores sont rentrés dans cet état de paiement comme s’ils étaient devenus des postiers, n’ayant rien apporté de constructif et s’étant opposés, en permanence, avant le processus que ces pères et mères de familles ne soient accompagnés dans leur perte d’emploi par l’Etat.
Les six maigres mois sont donc payés et dans le document, il évoque déjà que ce processus met fin à la liquidation. Mais c’est absurde ! Il paie ces six mois et il attend de régler le reliquat des droits légaux qu’il ne doit même pas toucher parce qu’il s’agit des droits consacrés par le Code du travail. Les congés et les titres de transport sont consacrés par la situation contractuelle ou les statuts des uns et des autres. Et ça a été payé. Il faut rappeler que lorsqu’on est liquidé on a un solde de tout compte et le liquidateur doit apurer toutes les dettes et désintéresser tous les créanciers. Mais le Comité a liquidé les agents en les laissant endettés auprès des banques. C’est ce qui nous a valu, après saisine de la Cour constitutionnelle, qu’elle s’intéresse, de près, à la situation des droits, selon le dispositif constitutionnel. C’est comme cela que certaines créances bancaires ont été annulées sur intervention de la Cour constitutionnelle pour violation des droits socioéconomiques des postiers. Voyez-vous, sur tous les plans, sur tous les angles, le Comité n’a rien fait.
Vous êtes encore et toujours dans le combat pour réclamer vos droits. Que réclamez-vous aujourd’hui ?
Nous réclamons l’entièreté obtenu par la Commission ad hoc. La Commission ad hoc a transmis un rapport qui conférait aux postiers 12 mois sur la transactionnelle. Je voudrais rappeler que la transactionnelle de 12 mois n’est que le minima, que la plus belle fille du monde qu’est l’Etat nous a donné. Les autres ont eu 40 mois, 26 mois et tout. Nous avons entendu M. Onkeya aux prises avec les agents de l’Arcep qui lui demandaient 57 mois et plus. Il leur martelait que l’Etat ne donnait que les minima de 12 mois. Et nous sommes curieux qu’il ait présenté, sans revenir au résultat de la Commission, 6 mois au Budget qu’il doit nous payer. Et il dit que ce sont ces 6 mois que le chef de l’Etat a donné.
Mais le chef de l’Etat connait le droit, il connait tout ce qui se passe. Il n’est pas au sommet de l’Etat pour donner 6 mois à des postiers alors que les minima que donne l’Etat sont de 12 mois. Dans le rapport, ils ont mis 12 mois, la transactionnelle, au lieu des 24 mois que les postiers avaient demandé. Et lui, il paie 6 mois. Il nous reste donc sur la transactionnelle, six mois qu’on demande. Nous demandons l’application intégrale du rapport de la Commission ad hoc. Et pour le paiement du reliquat des droits légaux, M. Onkeya paie 2 mois. Qui lui a suggéré de payer les deux mois ? Sur les 1.500.000 francs CFA de transport, il paie 400.000 francs.
Mais c’est absurde de sucrer les droits des travailleurs. Il vient affirmer, dans une interview, que les postiers ont refusé le Plan social lors des négociations d’avec le ministre René Ndemezo’o Obiang, en présence du ministre délégué aux Finances Alexandre Barro Chambrier. Il n’y a jamais été, c’était plutôt Fidèle Magouangou, son prédécesseur qui y était. Il vient claironner que les postiers ont refusé un Plan social. Il n’y a jamais eu de proposition de Plan social. Et il dit que les agents étaient sous convention collective. Les postiers n’ont jamais été sous convention. Les postiers avaient le statut particulier des fonctionnaires, des agents contractuels de l’Etat et de droit privé. C’est Alfred Mabika, à qui ils ont refilé la Poste et qui en a fait ce qu’elle est aujourd’hui, qui avait décidé de mettre les agents de la Poste sous convention, jusqu’à faire signer des contrats à durée déterminée aux fonctionnaires. La Poste qu’il reprenait sous la gouverne du Comité de privatisation et ses sommités. Nous sommes tombés très bas dans le management des ressources humaines. Cette confusion aura des répercutions grave jusqu’à ce jour, car parvenus à la retraite, ces hybrides «made in Onkeya-Mabika» ne savent plus à quels saints se vouer pour toucher leurs pensions retraites.
Pour suspendre cet entretien, peut-être qu’il y a des choses que vous auriez aimé dire et qu’on a omis de vous demander.
Nous voulons dire que nous avons encore saisi le chef de l’Etat pour avoir le paiement intégral des plus-values du rapport. C’est tout ce qu’on demande. On ne demande pas quelque chose qu’on aurait de plus ou de moins. Tant en ce qui concerne l’esprit et la lettre, nous restons dans les travaux qui ont été menés en régularisation de la démission du Comité de privatisation face à l’exigence de la mise en place de l’atelier Plan social prévue en Conseil des ministres de décembre 2005 qui a acté le processus de liquidation.
2 Commentaires
Bientôt la rentrée scolaire vas commencer nous qui avions notre argent bloqué a la poste banque en fait comment pour faire inscrire nos enfants à l’école si déjà plusieurs d’entre nous ne travaillent plus que la poste banque trouve des solutions pour nous permettre de récupérer nos sous à la poste j’ai plus 300mille a la poste je cherche a récupérer on argent
poste banque trop c,est hooo mon fils a eu son bac ya 3ans il ne pas sortir plus de 4millions a la poste impossible de debloquè cette somme que la poste banque trouve vite une suite bientot la rentree scolaire ,