Aucun démocrate ne peut se satisfaire de la prolifération de partis politiques sans ancrage dans la société. Mais, un péril encore plus grand menace désormais notre démocratie : le recul du pluralisme politique et l’atonie du débat public.

Dans un pays où le fichier d’état-civil n’offre aucune garantie de fiabilité, pourquoi exiger 12.000 adhérents avec numéros d’identification personnel ? Est-ce une manière détournée de soumettre la population au flicage ou de domestiquer le personnel politique ? © GabonReview (image virtuelle)

 

Aucun démocrate ne peut se satisfaire de la prolifération de partis politiques sans ancrage dans la société. Sous le régime déchu, l’opposition n’avait pas de mots assez durs pour dénoncer les manœuvres de la majorité d’alors. Appuyé par des institutions à sa solde et acquises à la logique du «Diviser pour mieux régner», le Parti démocratique gabonais (PDG) n’avait de cesse de créer ou attiser des conflits afin d’affaiblir ses adversaires. En mars 2023, les principales forces de l’opposition en firent l’expérience, chacune d’elles ayant été secouée par une crise interne, très vite qualifiée de scission par une administration prompte à offrir un statut aux dissidents sous des appellations de nature à semer la confusion. Ainsi, à côté de l’Union nationale (UN), du Rassemblement pour la patrie et la modernité (RPM) et de Les Démocrates (LD), naquirent l’Union nationale initiale (UNI), le Rassemblement héritage et modernité (RHM) et Les Démocrates libres (LDL).

Prime aux praticiens du péculat 

Pour mettre un terme à de telles pratiques, faut-il modifier la loi en vigueur ? Pour assainir le jeu politique, faut-il durcir les conditions de création ou de reconnaissance ? Adopté mardi dernier par l’Assemblée nationale, le texte transmis au Sénat répond-il à cette exigence ? À en croire certaines indiscrétions, on peut en douter. On peut même avoir le sentiment d’une grave atteinte à la liberté d’association, si essentielle au fonctionnement de la démocratie et à l’éclosion de cette «culture de citoyenneté responsable» naguère vantée par le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI). Cherchant à plaire et non à faire leur travail, les députés ont gravé dans le marbre les lubies du Dialogue national inclusif (DNI). Ce faisant, ils ont accouché d’une loi à la fois inefficace, difficilement applicable et attentatoire à une liberté fondamentale.

Pourquoi donner à cette loi un caractère rétroactif ?  N’est-ce pas une manière de nier l’histoire et minimiser les souffrances endurées tout au long de 35 dernières années ? N’eût-il pas été plus honnête de proclamer la dissolution pure et simple des partis politiques ? Dans un pays où le fichier d’état-civil n’offre aucune garantie de fiabilité, pourquoi exiger 12. 000 adhérents avec numéros d’identification personnel (NIP) ? Est-ce une manière détournée de soumettre la population au flicage ou de domestiquer le personnel politique ? Plus prosaïquement et comme le dit le député de la Transition Jean Valentin Léyama, «quels sont les partis qui ont aujourd’hui les moyens (de parcourir le pays pour recueillir ces 12. 000 signatures)» ? Ségrégation par l’argent ou prime aux praticiens du péculat ? On voudrait réduire le jeu politique à une compétition entre anciens et actuels détenteurs du pouvoir d’Etat, on ne ferait pas autrement.

Loi politicienne

Plus curieux et moins pertinent est le saucissonnage de la classe politique. Si le distinguo entre parti politique et «parti politique représentatif» peut se comprendre, les critères énoncés semblent douteux. Élection majeure par excellence, la présidentielle n’est nullement prise en compte dans cette définition. Pourquoi demander aux partis d’avoir impérativement des élus si le premier d’entre eux, à savoir le président de la République, n’est pas pris en compte ? Ne fallait-il pas se limiter à l’exigence de participation ? Après tout, selon la Constitution, les partis politiques ont une seule et unique mission : concourir à l’expression du suffrage universel. Autrement dit, ils ont l’obligation de participer aux élections soit en présentant soit en soutenant des candidats. Cette option a, du reste, prévalu lors de la présidentielle du 12 avril dernier, la plupart des partis ayant choisi de soutenir la candidature de Brice Clotaire Oligui Nguéma. Doit-on les blâmer ? Nul n’aurait l’outrecuidance de le faire.

Contrairement aux sous-entendus de cette loi d’essence politicienne, les partis politiques ne sont ni des institutions de la République ni des instruments d’exercice du pouvoir. Leur rôle premier n’est ni de conquérir le pouvoir ni de servir de béquille ou de relais aux détenteurs du pouvoir d’Etat, mais de permettre aux citoyens de s’identifier à des courants de pensée, choisir leurs représentants et faire entendre leurs voix. De ce point de vue, ils  doivent contribuer à la mobilisation des citoyens et à la formation de l’opinion publique. Si leur prolifération peut paraître préjudiciable, un péril encore plus grand menace désormais notre démocratie : la réduction drastique de leur nombre, synonyme de recul du pluralisme politique voire d’atonie du débat public.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Mone fame dit :

    Une revue générale des pays où la gestion de la souveraineté au nom du peuple par la démocratie, permet d’affirmer que sous tous ces cieux, ce concept est bel et bien sous contrôle ou encadré.

    En Europe du Nord, très avancés dans cette matière, une première ministre d’un pays de cette zone géographique a dû rembourser au trésor public national, l’équivalent de 15€ occasionnés au titre de dépense pour l’usage du téléphone installé dans leur maison, par son conjoint, qui prenait à travers ce canal les nouvelles de leur fille installée à l’étranger pour raison d’études.

    Que dire du Gabon pays où, pour la toute première fois de son histoire, le peuple évolue vient de se mettre inexorablement et graduellement sur les rails de la démocratie et vers un recouvrement effectif de sa souveraineté consacré par la fraîche adoption d’une constitution

    Bien naturellement, comme on dit chez moi a Makingonio, cette bourgade logée en pleine jungle équatoriale ne s’est pas construite en un jour, c’est convenue de ce que beaucoup reste à faire afin d’asseoir un cadre réellement au service du développement du pays et de l’épanouissement véritable de ses populations spoliées sans vergogne et sans état d’âme jusqu’à l’avènement du CTRI ce 30 août 2023.

    Et, au demeurant, tous autant que nous sommes devront œuvrer vers cet objectif et auquel cas votre contribution est à saluer

    Le régime défendu bec et ongle par Billie Alain, dont le pédigrée ne peut inspirer autre chose que du dédain lorsqu’il ne s’agit pas de la tristesse, en ce que ce jeune homme a contribué à enfoncer le pays dans les abysses, est bien derrière nous,

    Heureux que le temps ait aussi accompli sa part de mission pour avoir révélé la vraie nature des uns et des autres, d’abord cette personne qui s’est avérée n’être qu’un individu de petite facture, désormais éntennàillee par un bracelet électronique pour signaler ses positions et déplacements depuis et hors de la gaule, ce petit individu qui a imposé au Gabon le règne d’un autre dont un neveu de la compatriote qui s’est affichée en être la génitrice, a requis un test ADN pour tout simplement confirmer la filiation génétique.

    Que dire de Billie Alain, dernier avatar d’un régime usurpateur ayant fait partager avoir eu comme mentor celui que Foccart Jacques a déploré au Gabon pour soutenir le soldat Bongo et donner un
    change à la population à l’ère de l’écroulement du mur de Berlin accompagné d’une vague de
    démocratisation en Europe de l’Est et en Afrique particulièrement.

    Ce chemin constitué d’apprentissages doit résolument être emprunté par nous tous car inédit et ceux qui ont eu l’outrecuidance de l’emprunter avant l’heure ont été sacrifiés, et Billie Alain compte parmi les bourreaux.

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