L’UdB sur les fonts baptismaux : Passé recomposé…

Au lieu de laisser entrevoir des perspectives de renouvellement de la pratique politique, l’Union démocratique des bâtisseurs (UdB) ravive le souvenir d’heures peu glorieuses.

Le président de la République a préféré composer avec le passé ou le recomposer, au lieu de le solder. Mais, peut-on parvenir à la «félicité» en frayant avec les bénéficiaires de la corruption et pratiques contraires à la vertu publique ? © GabonReview
Annoncé de longue date, le «parti présidentiel» a été porté sur les fonts baptismaux le 5 juillet dernier, au cours d’une cérémonie fastueuse. Dénommé «Union démocratique des bâtisseurs (UdB)», il sera dirigé par le président de la République, secondé par l’actuel ministre de l’Environnement, de l’écologie et du climat. Élu en indépendant, grâce au soutien des forces sociales les plus représentatives, Brice Clotaire Oligui Nguéma apparaîtra désormais comme un chef de parti et non plus comme un leader au-dessus des partis. Même s’il revendique son attachement à l’«inclusivité», il sera contraint d’agir dans un esprit d’exclusivité. Plus alarmant, de par sa composition, le Conseil stratégique national (CNS) de son parti donne du grain à moudre aux sceptiques, faisant craindre un retour aux heures les plus sombres de notre histoire : outre le tout premier Premier ministre d’Ali Bongo, on y retrouve le leader de la défunte et tristement célèbre Association des jeunes émergents volontaires (Ajev).
Ombre rédhibitoire
Dès le départ, nombre d’observateurs se sont inquiétés de l’activisme des ténors du régime déchu, mettant en garde contre leur éventuel recyclage. Si l’ombre de Paul Biyoghé Mba ou Brice Laccruche Alihanga semblait rédhibitoire, leur présence n’est pas de bon augure. N’en déplaise aux flagorneurs de tout poil, l’un symbolise le sectarisme le plus étroit, l’autre les transgressions les plus blâmables du régime déchu. Longtemps présenté comme «une souris élevé dans les sacs d’arachides» du Parti démocratique gabonais (PDG), le premier est l’un des artisans du hold-up électoral de septembre 2009, le concepteur de la purge administrative d’octobre de la même année, communément appelée «Tsun’Ali». Quant au second, il a été au cœur des manipulations juridiques et institutionnelles consécutives à l’accident vasculaire et cérébral d’Ali Bongo, s’autorisant à limoger le vice-président de la République ou le ministre de la Défense, sans se soucier des risques y associés.
Certes, comme tous les humains, ces personnalités sont perfectibles. Certes, elles ont eu le temps de méditer sur leurs fautes. Certes, le premier peut se prévaloir d’une longue expérience et d’un art consommé de la tactique. Certes, le second est passé par la case prison, où il a été victime des pires sévices. Mais, on ne saurait leur donner l’absolution aussi facilement. N’ayant jamais fait amende honorable, s’étant toujours refusé à reconnaître leur responsabilité dans les outrances d’Ali Bongo, ils ne semblent pas prêts à se réinventer. Coutumiers des opérations en eaux troubles, ils ne semblent disposés ni à agir dans la transparence ni à se prêter à une quelconque reddition des comptes. Bien au contraire. Peut-on parvenir à la «félicité» en frayant avec les bénéficiaires de la corruption et pratiques contraires à la vertu publique ? Le «Gabon nouveau digne d’envie» peut-il se bâtir sur les conseils d’adeptes du cynisme politicien ? Si on jugera sur pièces, on peut en douter.
Signaux peu rassurants
Au-delà de ces erreurs de casting, l’organisation en elle-même suscite des réserves. Pourquoi un vice-président par province ? L’UdB est-elle un regroupement de personnes ayant des idées et un projet politique en partage ou une juxtaposition de représentants de circonscriptions administratives ? Pis, comment comprendre la nomination de dirigeants de partis légalement reconnus au sein d’une structure en création ? Comment interpréter la trop forte présence de ministres, parlementaires de la Transition et membres du cabinet présidentiel dans ses instances décisionnelles ? Comment ces personnes vont-elles répartir leur temps entre activités publiques et activités partisanes ? Doit-on y voir un retour d’ascenseur, une marque de gratitude ou plutôt les prémices de la naissance d’un parti-Etat voire d’un Etat-UdB ? D’un point de vue institutionnel, tant de choses restent à clarifier. En tout cas, il y a des raisons de se faire du mouron.
D’une manière générale, l’UdB envoie des signaux peu rassurants : au lieu de laisser entrevoir des perspectives de renouvellement de la pratique politique, il ravive le souvenir d’heures peu glorieuses. Comme on a pu le lire sous la plume de nombreux internautes, le scénario de sa naissance avait «des allures de retour au parti unique». Cette impression suscite réserves et quolibets au sein d’une partie de l’intelligentsia, toujours en attente d’«une véritable rupture, au-delà des visages et des discours», selon la formule de Michel Ongoundou Loundah, sénateur de la Transition. Confronté à cette demande, le président de la République a préféré composer avec le passé ou le recomposer, au lieu de le solder. L’Histoire dira si ce choix fut le bon.

3 Commentaires
L’UdB c’est le serpent PDG qui a mué.
Bjr. Paragraphe 2, Poser les questions, c’est déjà y répondre. Amen.
Laccruche est un bandit double de faussaire. S’associer à lui en dit long sur Oligui et son projet pour le pays