Le naufrage du navire Esther Miracle afflige la Nation entière comme jamais auparavant. Depuis le 9 mars, le Port-Môle d’où est partie l’embarcation ne désemplit pas. Il est devenu le lieu par excellence du recueillement, des prières, du réconfort, de la sensibilisation, de l’attente et de l’espoir de plausibles survivants. Immersion au cœur de ce qu’il est désormais convenu d’appeler «le lieu du deuil» pour les familles, le peuple et diverses entités. Bel exemple, dans la chaine de solidarité spontanée s’y étant développée, Ceca Gadis, le géant de la distribution, a été surpris comme l’un des plus gros donateurs… très très discret.

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Entre les deux derniers tournants de l’artère unique en boucle du Port-Môle de Libreville donnant sur le quai d’où est parti l’Esther Miracle, la foule grouille. L’endroit a spontanément été transformé en lieu de recueillement, dès l’annonce du drame. Au début, les familles y campaient pour espérer d’éventuelles informations relatives à leurs parents ayant pris la mer dans le navire devenu tristement célèbre. Aujourd’hui, au-delà de cette attente, au regard du temps s’égrenant, de la longueur des recherches, du difficile accès aux informations, de l’imbroglio autour des chiffres, le désespoir gagne du terrain. Les convictions baissent. La possibilité de retrouver des survivants s’amenuise. Mais la foi demeure.

Une chaine de solidarité inédite

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Debout, assis à même le sol, sur des briques, sur des bancs de fortune, sur des chaises en plastique, dans des tentes où papotant par petits groupes sous le soleil brûlant, les Librevillois ayant investi le Port-Môle ont encore espoir. Sur le plus vieux port de l’Estuaire du Gabon, s’est développée une chaine de solidarité sans commune mesure. Des personnes se sont volontairement engagées et mobilisées pour apporter leur aide et appui aux familles ayant élu domicile aux alentours des quais. «J’ai une amie qui a perdu sa maman dans le bateau. Son corps n’a pas encore été retrouvé. On est là pour les accompagner avec les prières», fait savoir une jeune dame venue se recueillir sur un cierge allumé en hommage aux victimes.

Coin de recueillement en réalité, une sorte de chapelle ardente a été érigée dans l’arrière-rue du quai. Des photos des disparus y sont affichées, de même que celles des décédés. Des bougies sont allumées à tour de rôle par des visiteurs. Chacun y va de sa prière. A voix basse, à haute voix ou même en silence. Un tableau de fortune indique les noms des disparus. A la vue de tout ce décor de deuil, de tristesse et de désolation, certains éclatent en sanglot. Mais les chants religieux, les prières, cantiques et même le bavardage les étouffent.

Pendant ce temps, certains rescapés racontent régulièrement le film de cette nuit-catastrophe totalisant déjà six morts, tandis que des prières sont instinctivement étrennées selon les obédiences religieuses des visiteurs. «On prie parce qu’on ne sait jamais. Dieu a le dernier mot et on peut avoir des miracles et retrouver des survivants», explique la maman d’un jeune homme, père d’une fillette d’un an, ayant a survécu dans le naufrage.

Des particuliers, des personnalités publiques n’ont cessé de se relayer sur les lieux pour apporter leur soutien à cet élan populaire du cœur. Parmi ces notabilités, des quidams campant sur les lieux depuis le début citent les exemples du président de la République, du Premier ministre, sur les lieux ce lundi 13 mars au petit matin, après une première visite dimanche, mais aussi les passages des maires d’Owendo et de Libreville, ainsi que du gouverneur de l’Estuaire. Les communautés, les opérateurs économiques, les artistes, les amis du Gabon, tout le monde s’y rend pour apporter un peu de réconfort. «C’est un drame national ! Les Gabonais sont tous parents. Il y aura toujours quelqu’un qui connait quelqu’un qui était dans ce bateau. C’est pourquoi nous venons ici avec espoir qu’un miracle se produise», laisse entendre un cadre des Eaux et Forêts.

L’acte très discret d’une entreprise citoyenne : la Ceca-Gadis

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Nombreuses de ces descentes sur les lieux ne se font pas les mains vide. Coup du hasard durant le reportage de Gabonreview, le groupe Ceca-Gadis, entreprise citoyenne ayant fait ses preuves lors de la pandémie du Covid-19, y a été surprise en plein acte de charité… sans tambours ni trompettes.

Beaucoup plus que d’autres personnalités et entités ayant effectué de bonnes actions au Port-Môle, le N°1 de la distribution au Gabon débarquait des cartons de lait, de thé, de sucre, d’eau minérale, de sardines, de pommes… Approché pour expliquer la discrétion de l’opération, un contremaitre de Ceca-Gadis supervisant des manutentionnaires et visiblement chrétien s’est contenté de décliner une certaine idée de la philanthropie : «comme il est dit dans la Bible, la charité ne se vante point, elle ne s’enfle point d’orgueil, elle ne cherche point son intérêt».

L’action salutaire du groupe qui compte les enseignes Gaboprix, Cecado, Supergros, Géant Ckdo ou Maxi Ckado entres autres, s’inscrit en tout cas dans l’élan de solidarité manifesté dès les premières heures du drame par les Gabonais et les Gabonaises. «Vous voyez ? Ce drame touche tout le monde. Voilà une donation inattendue. Ceca-Gadis vient de donner des tonnes de vivres !», s’est exclamé l’un des visiteurs du lieu de deuil.

Un esprit de corps dans une fourmilière

Comme des fourmis dans une fourmilière, les volontaires engagés ne se lassent pas d’être au service de leurs compatriotes. «On a déjà reçu beaucoup de chose : des matelas, de la nourriture, de l’eau, des toilettes publiques…», indique la responsable d’une sandwicherie dédiée à ce deuil.

A tour de rôle, le service gratuit s’opère. Des sandwiches, de l’eau, des limonades, des biscuits, des fruits sont distribués à ceux qui le désirent. Un donateur anonyme explique que son geste permettra à ceux qui passent leurs nuits à cet endroit de «tenir le temps que mettront les opérations de recherche».

De son côté, la Croix -Rouge gabonaise veille. Ses membres et volontaires sillonnent la foule et les petits regroupements pour s’occuper des cas de détresse. Ils apportent les premiers secours, le cas échéant.

 
GR
 

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