Un individu au passé judiciaire lourd, se présentant comme le «chef d’État-major des Mapanes», impose depuis plusieurs semaines sa loi dans certains quartiers de Libreville. Samy Boucalt, ainsi se nomme-t-il, fait fermer des commerces tenus par des Béninois, en toute impunité. Dans un contexte de tensions économiques et politiques entre le Gabon et le Bénin, ses agissements inquiétants menacent de raviver les braises d’un conflit communautaire.

Laisser Samy Boucalt agir en toute impunité, c’est offrir une étincelle capable d’embraser les relations déjà fragiles entre le Gabon et le Bénin. © D.R.

 

L’affaire Samy Boucalt illustre à quel point l’absence d’intervention des autorités peut transformer une querelle de quartier en crise nationale. Ses démonstrations de force, filmées et relayées sur les réseaux sociaux, interrogent sur la capacité de l’État à protéger tous les habitants, quelle que soit leur origine, et à préserver les relations diplomatiques avec le Bénin, partenaire historique du Gabon.

Un repris de justice en quête de pouvoir

Menaces verbales, coups de pieds dans la marchandise, intimidations, injonctions de fermeture : Samy Boucalt et ses hommes à l’œuvre. © D.R.

D’après des sources de l’ancien État-major général des Mapanes, Samy Boucalt est un ancien coupeur de route et aurait écopé d’une peine de treize ans de prison pour divers crimes, notamment des enlèvements de femmes, avant de bénéficier d’une libération controversée (sources internes à l’ancien État-major des Mapanes). Ancien lieutenant de Gaël Koumba Ayoune – le véritable «Général des Mapanes» – il aurait profité du départ de ce dernier pour l’Europe afin d’orchestrer un «coup d’État interne» et s’autoproclamer chef d’un nouvel État-major.

Boucalt se présente aujourd’hui en treillis et tee-shirts camouflage, entouré de quelques acolytes vêtus de noir ou de blousons type Bomber, pour intimider les commerçants béninois. Il est par ailleurs présenté, selon ces mêmes sources, comme le fils d’Eliane Ndombi Moussavou, épouse Boucalt, ancienne élue du Parti démocratique gabonais (PDG) dans le 1er arrondissement de Tchibanga.

Provocations dans un climat diplomatique tendu

Les méthodes de Boucalt s’inscrivent dans un contexte déjà sensible. Depuis août 2025, des incidents à Lambaréné liés à l’attribution de places de marché et de nouvelles restrictions économiques visant certains secteurs occupés par des expatriés béninois ont ravivé les crispations.

Des messages nationalistes se propagent sur les réseaux sociaux, alimentant un climat de suspicion. La récente fermeture de commerces béninois par Samy Boucalt et ses hommes, filmée et largement diffusée en ligne, pourrait attiser un ressentiment réciproque. Le spectre de représailles contre la communauté gabonaise vivant au Bénin (étudiants civils et militaires) n’est plus un simple fantasme : plusieurs internautes évoquent déjà la «loi du Talion».

Alarmes citoyennes et inertie des autorités

Face à ces dérives, des voix s’élèvent. Le militant Bernard Christian Rekoula, figure de la société civile et cofondateur du Copil citoyen, dénonce des «intimidations physiques filmées et appels aux meurtres» et interpelle directement les autorités : «Retenez une seule chose : le seul responsable aux yeux de la communauté internationale, c’est Brice Clotaire Oligui Nguema

Dessinateur et caricaturiste gabonais considéré comme l’une des figures emblématiques de l’art graphique gabonais et observateur de la société gabonaise, Pahé renchérit : «Samy Boucalt, il faut l’arrêter. Parce qu’il est inconcevable de voir ce qui se passe… On ne sait pas comment ça commence, mais on ne sait pas comment ça va finir.»

Pour l’heure, silence radio du côté des institutions. Ni le ministère de l’Intérieur ni les forces de l’ordre ne semblent agir, alors même que des vidéos montrent des policiers spectateurs des exactions. Laisser Samy Boucalt imposer sa loi, c’est accepter que des milices privées menacent la cohésion nationale et les relations diplomatiques. C’est aussi fragiliser l’image d’un Gabon qui se veut État de droit.

 
GR
 

0 commentaire

Soyez le premier à commenter.

Poster un commentaire