Malgré les équipements militaires aéronautiques et navals exhibés lors des défilés, malgré tout le dispositif déployé entre la Pointe-Denis et Wonga-Wongé pour la sécurité d’un régulier hôte de marque et pour les villégiatures du chef de l’Etat, le Gabon n’a pas pu voler au secours de ses citoyens en danger à 20 mn à vol d’oiseau de sa capitale. Le pays pratique-t-il le leurre à l’irakienne ? Les rafiots voguent toujours dans les eaux du pays et la piraterie maritime n’a pas été éradiquée. Pour un aggiornamento dans la politique de sécurisation des eaux territoriales du Gabon.

 

11 juin 2021, le président de la République à bord d’un patrouilleur de type P200 baptisé Vae Jean Léonard Mbini, offert par la République populaire de Chine. © Twitter.com/PresidenceGA

 

Quid de la Brigade nautique de la Gendarmerie du Port-môle de Libreville où trônent bien souvent deux hors-bords toujours hors des eaux ? Qu’en est-il du patrouilleur de type P200 baptisé Jean Léonard Mbini, d’une vitesse économique 1500 nautiques, offert par la Chine en juin 2021 ? Où sont passés les deux Rodman-66 (patrouilleurs capables naviguer entre 450 et 550 milles sans revenir au port et capables de gérer des tempêtes de force 6) ? Où sont, de même, le bateau de surveillance à propulsion RPM 20, les embarcations rapides de la Gendarmerie nationale, de la Garde Républicaine et de la Direction générale du corps des Sapeurs-pompiers ? A quoi sert donc la demie-dizaine d’hélicoptères ayant défilé le 17 août 2022 et censés, selon les présentateurs officiels, surveiller les côtes nationales et évacuer des personnes le cas échéant ?

Comment donc tout cet équipement, basé dans la province de l’Estuaire donc sur le littoral et surtout à Libreville n’a-t-il pas pu être déployé alors qu’une alerte donnée par l’Esther Miracle, navire en détresse, a pu être captée à Port-Gentil par l’armateur Peschaud et pas par ceux qui sont censés surveiller les eaux territoriales ? Soit l’équipement est rangé sitôt l’exhibition festive terminée ; soit la chaine de commandement pour le déclenchement du dispositif est trop lourde, l’armée gabonaise étant en effet une administration visqueuse dont les hiérarques n’ont jamais la décision, devant toujours eux-mêmes en référer à une plus haute hiérarchie.

Piraterie maritime et brainstorming autour du Président

Ali Bongo à la cérémonie de réception d’un patrouilleur offert par la Chine. Quid du brainstorming qu’il avait initié, trois mois après, sur la sécurité maritime du pays ? © Twitter.com/PresidenceGA

Depuis quelques années pourtant, le Gabon est confronté à une question de sécurité maritime. Le constat est implacable après plusieurs incidents de piraterie et le récent naufrage ayant coûté la vie à 21 personnes. Plusieurs actes de piraterie se sont en effet produits au large des côtes gabonaises. En mai 2020, six membres d’équipage de deux chalutiers ont été kidnappés par 13 pirates armés. En février 2021, un bateau de pêche chinois a été saisi par des pirates. Il y a également eu d’autres actes de piraterie, comme l’attaque de l’OSV Tampen par des hommes armés en septembre 2021. Ce qui naturellement n’est pas sans susciter des interrogations relatives à l’efficacité des moyens de surveillance et de réaction en cas de danger dans les eaux territoriales gabonaises.

Malgré une réunion du président gabonais avec les acteurs concernés par les questions de défense et de sécurité, en septembre 2021, le sauvetage des naufragés de l’Esther Miracle a mis en évidence la lenteur voire le manque de réactivité des entités concernées. La séance de travail entre le chef de l’Etat, son Premier ministre d’alors (Ossouka Raponda) et les acteurs concernés par la défense et la sécurité (ministres de la sécurité maritime, commandants en chef des différents corps et même services de renseignement), visait le renforcement de la stratégie de sécurisation de l’espace maritime gabonais. Rien apparemment n’a été fait par la suite, vu que les entités impliquées ont brillé par leur lenteur ou leur manque de réactivité dans le sauvetage des naufragés de l’Esther Miracle.

Bluff, exhibition de muscles factices, manipulation des esprits ?

Peut-ête le pays pratique-t-il un leurre à l’irakienne. La technique, notamment usitée durant la guerre du Golfe, consiste à duper l’ennemi, l’impressionner, le déstabiliser ou faire diversion en présentant des tanks factices, de répliques d’avions de combats ou des lance-roquettes gonflables. Ce n’est absolument le cas au Gabon, le pays n’étant pas en guerre et n’ayant jamais officiellement acquis des armes factices, mais on pourrait le penser si tant est que les moyens exhibés lors des défilés militaires ne servent qu’à marquer la conscience du public sur les moyens de défense ou de répression et à impressionner les invités de marque.

Or, ce qu’on pourrait appeler tragédie de l’Esther Miracle pourrait toujours se reproduire. Ainsi que l’a confié à Gabonreview un expert maritime international ayant travaillé un bon moment dans les réserves halieutiques du pays, de nombreux bateaux voguant au Gabon «sont des rafiots, ils sont très très souvent en difficulté». Il est donc urgent de rendre opérationnel tout ce dispositif et d’utiliser le matériel acquis autrement que pour les défilés militaires.

Faire attention c’est prévenir, anticiper. Ce n’est pas réagir ou agir a postériori. «Attention c’est devant !», renseigne une rengaine urbaine populaire. Un aggiornamento s’impose dans le secteur maritime gabonais, aussi bien militaire que civil.

 
GR
 

8 Commentaires

  1. Prince dit :

    Pour ma part cher auteur , je pense que le matériel donc vous faites allusion n’est pas factice mais existe vraiment, le seule problème c’est que ce matériel militaire n’est pas là pour protéger le peuple, il est ĺà pour un seul but , protéger alibongo et son régime c’est tout,réprimer toute contestation souvenez vous que c’est un hélicoptère Gabonais qui a bombardé le QG de ping en 2016 .

  2. yves dit :

    Vous avez tout dit Prince , rien à rajouter

  3. Désiré dit :

    Bonjour à tous,

    J’ai lu cet article avec intérêt. Il présente quelques erreurs techniques et des confusions. Prince les a très bien relevé. S’agissant des quelques erreurs notées, il y a la météo. Un vent de force 6 (vent frais, 29 à 38 km/h) sur l’échelle de Beaufort n’est pas classée en tempête. Une tempête est un vent de catégorie 10 sur l’échelle de Beaufort (89 à 102km). Par ailleurs, la vitesse d’un navire s’exprime en noeuds ou tour/minute. Et la puissance du moteur en chevaux. Par exemple, un moteur de 400 chevaux a une vitesse de 544 km/h (400*1.36).

    La confusion dans cet article est établi sur le rôle de la Marine militaire. Précisément, sa mission est la sécurisation de l’espace maritime gabonais par la force ou la dissuasion. La sauvegarde de la vie humaine en mer n’est pas le rôle de la Marine nationale. En France par exemple, ce sont des bénévoles sauveteurs qui en ont la charge (SNSM). Cette association travaille en coordination avec des Centres Régionaux Opérationnels de Surveillance et de Sauvetage (CROSS; 5 CROSS couvrent les zones maritimes de la France métropolitaine). Ces CROSS reçoivent des appels de détresse, d’urgence ou de sécurité par le canal 16 (numéro international détresse) ou 70.
    Au Gabon, quelles sont les unités techniques habilitées à recevoir les appels de détresse en mer? Quels sont leurs secteurs d’intervention?
    Une autre question me vient à l’esprit. Les gabonais sont-ils prêts à faire de la sauvegarde de la vie humaine en mer leur métier? Je pars du principe que la sauvegarde de la vie en mer doit rester un métier civil et non militaire. Cependant, la Marine militaire peut être d’un appui technique.
    La navigation doit toujours rester un plaisir. Et le rôle du capitaine du navire est de ramener son équipage à « bon port ». Compte tenu de la distance de navigation (côtier, semi-hauturier ou hauturier), le navire doit posséder un armement de sécurité complet pour faire face à la détresse en mer: gilet, feux de détresse, carte maritime, extincteur, GPS, RIPAM, VHF ASN (radio maritime), carte des marais, etc. Et surtout, avoir connaissance de la météo qui donne l’information sur la force des vents et la hauteur des vagues.

    • Lemacom dit :

      Désiré, dans quel monde ou plutôt pays vivez vous pour distraire les gens avec votre commentaire ?
      Merci de vous relire. Les « quelques erreurs notées » que vous tentez d’expliquer dans le premier paragraphe sont si confus qu’on s’y perd encore davantage.
      Essayez le français facile pour mieux nous éclairer.

  4. Galopax dit :

    Arrêtez, svp , avec ce genre d’humour.

  5. Désiré dit :

    Bonjour Monsieur Lemacom,

    Je vis en France. Je suis titulaire d’un permis bateau côtier (6 nautiques=22km par rapport à un abri), d’un permis bateau fluvial et d’un certificat restreint de radiotéléphoniste (CRR=radio maritime). Je ne fais pas de politique. Je suis gabonais de naissance (ayant pris la nationalité française) et passionné de navigation. Le naufrage de l’Esther Miracle me touche énormément parce que de nombreux gabonais y ont perdu la vie pour des raisons diverses. Je lis les différents articles écrits à ce sujet. Par souci de pédagogie, je voulais apporter des précisions et dire ce qui se passe ailleurs en matière de navigation et de sécurité maritime. La culture du nautisme est peu développée dans notre pays d’une part. D’autre part, beaucoup d’ignorances ou de non applications de conventions maritimes internationales mènent à des catastrophes maritimes. Et j’admets votre incompréhension. Ce n’est qu’un constat. Un exemple. J’ai un bateau de catégorie B. La météo m’annonce un vent de 10 (tempête). Un bateau de catégorie B est conçu pour affronter des vents de 8 (grand frais) et des vagues de 4m maximum. Donc je ne sors pas en mer au risque de chavirer. C’est une erreur qui peut conduire votre équipage à la mort. Et vous êtes responsables pénalement. Si vous souhaitez savoir plus sur la nautisme, alors je serais disposé à vous envoyer la littérature sur le sujet. Merci de votre curiosité et de votre intérêt.

    Bonne journée à vous.

  6. Désiré dit :

    Bonjour Monsieur Lemacom,

    Précisions. 1 nautique=1 mille marin=1.852km. Lbv-PG, c’est 144 km par la mer. Donc environ 78 nautiques (144/1.852). La vitesse d’un navire est mesurée en noeuds. 1 noeud=1.852km/h. 1 patrouilleur de type « Félix Eboué » peut naviguer à 20 neouds, donc 44.448 km/h (20*1.852). Ne pas confondre le rayon d’action d’un navire et sa vitesse. Mon intervention s’arrête ici. Je félicite ce Commandant de la marine marchande gabonaise qui a respecté son serment de marin : « venir en aide à un navire en détresse sans mettre en danger son équipage ». J’espère qu’il pourra susciter des vocations en parlant de son métier aux jeunes gabonais.

    Bonne continuation à tous.

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