Sogatra : le champ de bataille permanent
Une dette de 19 milliards de francs CFA, un récent changement de direction, des arriérés de salaire, une affiche interdisant entre autres le directeur sortant de la Société gabonaise des transports (Sogatra) d’y accéder : la compagnie des transports en commun n’en a pas fini avec ses déboires.
Bus accidenté en août 2016 sur l’axe Kango-Bifoun (route nationale N°1). Les syndiqués de la Sogatra déclarent 3 ou 4 bus seulement pouvant rouler chaque jour. © gabonactu
En plein changement de direction, et à l’approche de l’arrivée de TransUrb, une entreprise littéralement concurrente, la Société gabonaise des transports (Sogatra), fondée en 1997, reste une zone de conflit. La semaine dernière, à travers une affiche largement partagée sur les réseaux sociaux, le directeur de l’exploitation et de la sécurité, Paterne Dicka, a «interdit d’entrer à la base Sogatra» près de 25 personnes, dont l’ex-directeur général, Bruno Minko Mi Ngwa, suite à la présence de celui-ci sur le site dans la nuit du 31 janvier au 1er février, et alors qu’il a, certes, é té démis de ses fonctions mais n’avait pas encore procédé à la passation des charges.
Arrivé en mars 2019, Bruno Minko a, en effet, été démis de son poste la semaine dernière en Conseil des ministres. Contacté par Gabonreview, il explique qu’il avait l’habitude, durant son mandat, de se rendre régulièrement et nuitamment sur la base de Libreville, afin de vérifier la sécurité des lieux. «Et du moment que le nouveau DG n’a pas encore été placé, je dois continuer à travailler», explique-t-il. Paterne Dicka, le signataire de son interdiction d’accès à la base Sogatra, a été recadré cette semaine par le ministre des Transports, Léon Armel Bounda Balonzi. Selon M. Minko, le directeur de l’exploitation et de la sécurité aurait même été envoyé à la Direction générale des recherches (DGR).
A vue d’œil, les tensions continuent donc de faire rage entre la direction de la Sogatra et les employés, qui ont déjà fait subir plusieurs mois de grève à l’entreprise
Sept mois d’arriérés non soldés
La pomme de discorde reste les arriérés pour un peu moins de 1000 employés. La société subventionnée par l’Etat à hauteur d’environ 4 milliards de francs CFA par an, n’a en effet toujours pas soldé sept mois de salaires non versés en 2018. Le montant total s’élèverait à 2,3 milliards de FCFA, selon la direction. Bruno Minko Mi Ngwa, l’ex-DG, a même fait un passage au service de contre-ingérence du B2 jeudi 30 janvier, afin de s’expliquer sur ces arriérés de salaires, explique-t-il joint par Gabonreview. Il en ressort que ces impayés de salaires de 2018, précédant la prise de fonction de M. Minko, devaient faire l’objet d’un paiement sur 24 mois, via un système de décote sur les salaires, décidé le 22 mars 2019 suite à un protocole d’accord signé au sein de la Sogatra.
Trous dans la comptabilité de 2013 à début 2019
Depuis lors, le système prévu avec décote n’a pas été mis en place, témoigne M. Minko. Celui-ci assure avoir fait l’effort, durant son mandat, de justifier l’utilisation des fonds de l’Etat – chose n’ayant pas été faite depuis 2013, expliquait-il en juillet à Gabonreview, non sans présenter un rapport de Deloitte sur l’état de la Sogatra étayant ses propos.
La direction a toujours mis en avant le manque de moyens et la dette de l’entreprise qui s’élevait, en janvier dernier, à 19 milliards de francs CFA. Le parc automobile n’étant pas assez performant pour engranger des bénéfices, les subventions de l’Etat ont pour l’instant servi à le réhabiliter et à payer les salaires 2019-2020, argumente la direction. Pourtant, le Syndicat des acteurs du transport terrestre (Syatrat) parle de «détournements», et avait même décidé, en juin 2019, de poursuivre à cet effet la Sogatra en justice.
Controverses autour du nombre de bus en activité
Interrogé par Gabonreview, l’ex-DG vante son bilan. Il parle de 55 bus en circulation, d’une dette ayant baissé, partant de 26,5 milliards de francs CFA à son arrivée en mars 2020 à 19 milliards de FCFA aujourd’hui. Il dit aussi avoir appliqué le plan social prôné par l’auditeur Deloitte en baissant les effectifs de 20%, via des licenciements économiques. Le nombre d’employés de la Sogatra s’élèverait à 851 aujourd’hui.
Du côté des syndicats, un autre son de cloche se fait entendre, notamment au niveau du parc automobile. «La situation est alarmante : nous avons à peine 20 voire 25 bus, mais qui ne fonctionnent plus à temps plein, du fait des pannes récurrentes (absence de pièces). Donc, journalièrement, le nombre des bus varie entre 3 et 4 bus», précise Rodrigue Tsanga, président du Syatrat.
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