Suite aux dernières sorties du clan Ali Bongo : Sans tabou

Résidant de toute évidence à Londres, le président déchu et sa famille nucléaire font feu de tout bois. Ne pouvant écrire l’histoire à rebours, il faut analyser leurs agissements avec froideur et pour en tirer les conséquences.

Ali Bongo n’est peut-être plus au pouvoir, mais il reste un acteur doté d’un nom, d’un réseau et d’un coffre-fort : trois leviers que nul stratège sérieux ne devrait mépriser. © Ludovic Marin/AFP
La politique n’étant pas une science exacte, il ne faut ni surinterpréter ni sous-estimer les agissements d’Ali Bongo et son entourage immédiat. Sans tabou, il faut les analyser. Résidant de toute évidence à Londres, dans le confort douillet de leur villa du quartier huppé de Mayfair, le président déchu et sa famille nucléaire font feu de tout bois. Le 3 juillet dernier, son épouse et son fils aîné proclamaient leur détermination à ne pas se taire «face à la terreur et à l’injustice», affirmant avoir «accumulé de nombreuses preuves audios et vidéos irréfutables (qu’ils remettront) à la justice française». Quelques jours plus tard, ils diffusaient des enregistrements gênants, mettant en cause l’indépendance de la justice. Comme si cela ne suffisait pas, le 18 du mois courant, le principal concerné annonçait son intention de continuer à «écrire l’histoire du Parti démocratique gabonais (PDG) et à servir le Gabon, avec la même détermination, la même fidélité à (leurs) valeurs».
Make noise
Comme tous les ténors du PDG, Ali Bongo et les siens ne se sont jamais imaginés en marge des sphères de décision, loin des lambris et ors de la République. Si le coup de force du 30 août 2023 fut à leurs yeux un coup de Jarnac, le comportement de leurs affidés d’hier les insupporte au plus haut point. En leur entendement, leur sort actuel est immérité, injuste et pas à l’avenant de leur engagement pour le Gabon et son peuple. De leur point de vue, leur chute n’est pas la conséquence de leurs errements et d’une mal gouvernance endémique. Elle résulte plutôt de la déloyauté et de l’ingratitude de personnes et cercles maternés par eux. C’est le sens profond de la tirade de Noureddin Bongo Valentin : «Est-ce que tu réalises ça ?», lancé à son comparse Ian Ngoulou. C’est aussi le sens du «make noise» d’Ali Bongo à l’adresse de leurs amis.
Que cherchent l’ancien président de la République et sa famille ? Maintenir l’héritage du PDG ? En reprendre le contrôle, même par procuration ? Peser sur les élections législatives et locales à venir ou sur le débat politique ? Se venger ou obtenir justice, c’est-à-dire un procès équitable ? Ces questions doivent être mises sur la table et débattues au sein des instances de décision.
Après tout, le fils aîné d’Omar Bongo Ondimba ne sera jamais un Gabonais lambda. Au-delà des appréciations personnelles, il ne sera jamais un quidam à traiter avec légèreté. Ancien ministre des Affaires étrangères, ministre de la Défense nationale une décennie durant, président de la République pendant 14 ans, il gère ou fait partie de réseaux divers et inimaginables. Légataire universel d’un patrimoine colossal, ayant eu le temps de se constituer le sien, il dispose de moyens financiers impressionnants. Pour toutes ces raisons, ces déclarations doivent être analysées avec minutie, retournées dans tous les sens.
Recul et lucidité
Depuis quelques jours, Ali Bongo défraie la chronique, mais ses agissements ne semblent pas pris au sérieux. Sur les réseaux sociaux, nombre d’observateurs se satisfont de le brocarder ou de revenir sur sa gouvernance hérétique et son bilan calamiteux. Au sein des institutions, ses déclarations laissent de marbre, au point où personne n’a jugé utile de réagir à sa dernière sortie ou d’apporter des clarifications sur son statut. Est-il en exil ? Où exactement ? En Angola ou en Grande-Bretagne, comme cela semble être de plus en plus plausible ? Comment s’est-il retrouvé là-bas ? Avec quel passeport se déplace-t-il ? A-t-il le droit de faire des déclarations publiques ? Bénéficie-t-il d’une totale liberté d’action, quitte à interférer dans la vie politique du Gabon ? À ces questions aussi, il faut apporter des réponses précises et documentées. Au-delà, il voir comment minimiser les impacts de la situation présente.
Comme quand il s’agit d’Alain-Claude Billie-By-Nzé, des zélateurs et défenseurs autoproclamés de Brice Clotaire Oligui Nguema ruent dans les brancards à chaque agissement d’Ali Bongo, de son épouse ou de son fils aîné. Mais, l’ancien président de la République n’est pas son dernier Premier ministre. Sur la scène internationale et dans les sphères de décision, il a une tout autre envergure, une autre image. Il a surtout d’autres entrées, d’autres accointances et d’autres leviers d’action. Demandé par une partie de l’opinion, un mécanisme de justice transitionnelle aurait sans doute permis de les neutraliser. Ne pouvant écrire l’histoire à rebours, il faut maintenant en tirer les conséquences et anticiper sur le futur. Avec froideur, recul et lucidité.
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2 Commentaires
M. OLIGUI a géré la situation des anciens dirigeants du pays avec beaucoup de légèreté. Un beau matin on découvre que M.Ali Bongo et sa famille sont en Angola, comment cela a t-il été possible au regard de tout ce qui leur est reproché?
Ces gents ne connaissent que le pouvoir, ils vont tout tenter pour revenir au sommet de l’Etat, ne serait- ce que par l’entremise de leurs thuriféraires. Si le PR actuel qui les a côtoyés n’en est pas conscient, nous avons des raisons de nous inquiéter. Le pouvoir n’est pas fait pour les tendres et autres naïfs, pour l’exercer il faut être en mesure de faire certaines choses, sinon on peut avoir l’impression d’une cour de recréation.
Bjr. Morceau au choix : « Ne pouvant écrire l’histoire à rebours, il faut maintenant en tirer les conséquences et anticiper sur le futur. Avec froideur, recul et lucidité ». Ne pas le faire serait faire preuve de passivité, d’atonie bref ouvrir un couloir propice à une déstabilisation. les autorités actuelles en sont conscientes. Wait and see. Amen.