Suite aux investitures à l’UDB : Rendez-vous manqué

La liste des candidats de l’Union démocratique des bâtisseurs (UDB) ayant douché leurs espoirs de renouveau, les observateurs recommandent au président de la République de s’inscrire dans la rupture.

Certes, Brice-Clotaire Oligui Nguema s’est toujours posé en homme de rassemblement. Certes, il a toujours prôné «l’inclusivité». Mais, pour avoir accueilli des transfuges de partout et de nulle part, son parti s’est mis en position délicate. © GabonReview
Les changements de régime induisent toujours des attentes. Ayant mis fin au règne d’une dynastie cinquantenaire, Brice-Clotaire Oligui Nguema a bénéficié d’un fort soutien populaire, au point d’être élu sans coup férir. Même si le pilier «Gouvernance et institutions» de son projet de société était peu détaillé, les populations ont cru en un renouveau, dans les idées, la pratique politique comme dans les hommes. Las, la publication de la liste des candidats de l’Union démocratique des bâtisseurs (UDB) ayant douché leurs espoirs. Au seuil des prochaines joutes électorales, le président de la République se retrouve dans une situation peu habituelle : se définissant comme «la force qui brise les chaînes de l’immobilisme», son parti est cependant perçu tantôt comme un clone du Parti démocratique gabonais (PDG), tantôt comme une machine à recycler le personnel du régime déchu.
Stratégie à courte vue
Génératrice de doutes, cette impression n’est pas de bon augure. Même si la perspective d’une cohabitation des majorités n’est pas à l’ordre du jour, on ne peut anticiper la réaction des électeurs. Seront-ils disposés à accorder leurs suffrages à d’anciens ministres d’Ali Bongo ou à d’anciens dirigeants et élus sortants PDG ? Dans leur quête de renouveau, ne risquent-ils pas de renvoyer tout le monde dos-à-dos ? Certes, Brice-Clotaire Oligui Nguema s’est toujours posé en homme de rassemblement. Certes, il a toujours prôné «l’inclusivité». Mais, pour avoir accueilli des transfuges de partout et de nulle part, son parti s’est mis en position délicate. Déjà, dans une lettre datée du 5 du mois courant, la secrétaire générale du PDG se veut claire : sa formation politique se réserve le droit de faire jouer les dispositions de la loi électorale, quitte à solliciter l’invalidation de certaines candidatures UDB.
D’ici à la validation des candidatures, nombre de candidats UDB devront montrer patte blanche. Au-delà de sa dimension juridique, cette exigence souligne le caractère hasardeux d’une stratégie à courte vue. Elle traduit aussi une incapacité à rompre avec certaines pratiques. Adressée à un parti censé «porter haut les valeurs républicaines et morales», elle met en lumière des manquements à la vertu publique. Comment exiger «la discipline, le civisme et la citoyenneté» en s’accommodant du contournement des procédures ? Comment garantir «la neutralité, la transparence et l’intégrité» sans s’assurer du respect de la loi, fut-elle critiquable ? Comment promouvoir «le patriotisme, la loyauté et la probité» en frayant avec des professionnels de la transhumance politique ? Comment défendre «le travail, le mérite, le sens de la responsabilité et de la redevabilité» en s’ouvrant aux renégats de tout poil ?
Soupçons de favoritisme ou d’arrangements politiciens
Depuis la publication de la liste des candidats UDB, un fait suscite la curiosité : l’usage de «démissions antidatées». Moult fois dénoncé, y compris par la députée de la Transition Justine Judith Lékogo, ce procédé est révélateur d’un reniement. Comment l’UDB a-t-elle pu le tolérer ? Par manque de vigilance ? Ce serait un aveu ou de dilettantisme ou de laisser-aller. Par manque de temps ? Ce serait le signe d’une certaine impréparation. Après tout, les dispositions du Code électoral sont connues de tous. Dès après l’annonce de la date des élections, tous les observateurs l’ont dit et redit : pour compétir, les personnes tentées par la démission devaient le faire avant le 27 mai, date-butoir. Sans jeter de l’huile sur le feu ni préjuger de la détermination d’Angélique Ngoma, on peut se demander si l’UDB n’est pas tombée dans son propre piège. En tout cas, elle semble ne plus avoir toutes les cartes en main, sa destinée étant conditionnée par l’attitude du PDG.
Si elle laissera des traces, cette séquence historique ne laissera pas un souvenir impérissable. De nombreuses candidatures, peut-être même toutes, seront certainement validées. Mais il subsistera toujours des soupçons de favoritisme ou d’arrangements politiciens avec le PDG. En sa qualité de président-fondateur de l’UDB, Brice-Clotaire Oligui Nguema dispose-t-il d’outils pour conjurer une telle perspective ? De toute évidence non, son cabinet étant dirigé par un des meilleurs affidés d’Ali Bongo. Pourtant, lors de sa création, l’UDB fut aussi présenté comme une réponse à l’«aspiration au renouveau» exprimée par les populations. Par leurs réserves, les observateurs ne dénient pas au président de la République le droit de choisir. Ils lui recommandent plutôt de s’inscrire dans la rupture. Pour longtemps, les investitures à l’UDB ressembleront à un rendez-vous manqué.

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