Diffusion d’informations ‘’brut de décoffrage’’, occultation des versions officielles antérieures, indexation avant jugement de partenaires économiques et même d’une personnalité politique, missions relevant d’un travail d’hercule, la task force pour le règlement de la dette extérieure a tout l’air d’une nouvelle fumisterie. Retour sur son premier coup médiatique et interrogations y relatives.

Les déclarations de l’ANGTI en 2016 contredisent le tout premier buzz médiatique de la task force pour le règlement de la dette extérieure fixant à 65 milliards de FCFA la construction de 6,4 kilomètres de route. © Montage Gabonreview


En janvier 2016, l’Agence nationale des grands travaux d’infrastructures (ANGTI) répondit à un article de
Gabonreview titré «Coût de la route au kilomètre : Le Gabon affole les statistiques». La relecture de cette réponse de l’ANGTI jette le trouble sur les dernières révélations de la task force sur la dette extérieure du Gabon. Relayé par de nombreux médias, Gabonreview y compris, le quotidien L’Union titrait, le 11 novembre dernier, «Comment ils volent l’Etat». Caricaturalement, il a été annoncé que le bitumage de l’axe PK5-PK12 a coûté près de 65 milliards de francs CFA. Une entreprise et un ancien ministre ont été cités : Colas Gabon, filiale de la française Bouygues, adjudicataire du marché de tous les fantasmes, et Christian Magnagna, ministre de l’Equipement et des infrastructures sur la dernière ligne droite du chantier.

Les chiffres de l’ANGTI

Selon L’Union, citant les «services techniques du ministère des TP. Le prix moyen d’un km à Libreville se situe entre 800 millions et 1 milliard de F.CFA.» Sur cette base en effet, 65 milliards de francs CFA pour un tronçon de 6,4km relève d’une facturation hyperbolique. Pourtant, au regard de l’ouvrage, il ne s’agit pas d’un simple linéaire de 6,430 kms. L’infrastructure routière concernée est une autoroute de 2 x 2 voies. Il s’agit donc de 4 voies de 6,4 km. Autrement dit de 25,6 kms de voies normales. Répondant à Gabonreview en janvier 2016 pour y revenir, l’ANGTI parlait d’«un coût d’environ 54,9 milliards FCFA , financés à hauteur de 45 milliards FCFA par une convention de prêt avec la BDEAC, les 9,9 milliards FCFA restant correspondant à la contrepartie apportée par l’Etat Gabonais

Du fait qu’une partie des réseaux d’eau, d’électricité et télécom installés sous la chaussée ou le long de la route devait être déplacée pour laisser place à la nouvelle route, le maître d’ouvrage délégué de l’État Gabonais expliquait alors que sur les 54,9 milliards FCFA du projet, le déplacement des conduites de transport d’eau et la création de nouveaux réseaux de distribution sur l’ensemble du linéaire absorberaient 5,3 milliards FCFA ; le déplacement des réseaux haute et basse tensions coûterait 1,1 milliard FCFA tandis que 2 milliards FCFA seraient consacrés au déplacement des réseaux télécom et fibre optique. «Le coût de la route proprement dite, hors aménagements paysager et connexe, déplacements des réseaux et mesures environnementales et sociales, s’élève à environ 41,3 milliards FCFA, soit 5,9 milliards FCFA/km», expliquait alors l’ANGTI.

L’ANGTI ne l’a pas signifié mais l’enveloppe globale prenait en compte, par ailleurs, le remblai d’une colline entre l’immeuble Beyrouth et le PK7, la construction de deux passerelles piétonnes en béton armé, l’aménagement de trois carrefours giratoires (PK8, Hôpital militaire et PK12) ; des feux tricolores synchronisés au carrefour dit Show-Chaud et à proximité du lycée Djoué-Dabany. Mais aussi l’installation de l’éclairage public et le dédommagement des populations riveraines déplacées. Autant de détails non listés qui pourraient justifier le montant de 65 milliards englouti pour la réalisation du fameux ouvrage. Vraisemblablement informatrice du journal L’Union, la task force sur la dette extérieure ignorait-elle tout cela ou voulait-elle tout simplement se signaler à l’opinion en l’aspergeant de poudre de perlimpinpin ?

Un air d’enfumage à tous les étages

Créée par arrêté présidentiel le 18 octobre dernier et composée de 17 experts supposés, la task force pour le règlement de la dette extérieure ne saurait ne pas disposer de toutes ces données. Ce qui amène à bien d’interrogations. Notamment, pourquoi donc a-t-elle fait incriminer dans la presse l’entreprise Colas un jour avant qu’elle ne soit auditionnée ? Cornaquée par Pierre Duro (chef de mission) et par un certain John Ankeli (presqu’inconnu de Google et évanescent sur LinkedIn), la task force joue-t-elle à émouvoir ou à manipuler de l’opinion ?

Selon l’arrêté présidentiel établissant sa création, la taskforce pour le règlement de la dette extérieure est chargée de «passer en revue le fichier de la dette extérieure et s’assurer de son exhaustivité ; confirmer l’exécution des prestations et la livraison des marchandises ; vérifier la régularité des sociétés au regard du paiement des taxes, droits et contributions dues aux différentes administrations ; arbitrer les décisions en vue du paiement ou de l’annulation de la dette ; définir les termes et assurer le suivi du règlement de la dette.» Y parviendra-t-elle au regard de ses premiers couacs et de la spectacularisation de son travail ?

Tout ceci rappelle qu’en 2014, le Gabon avait réclamé à la filiale locale de Total le paiement de 805 millions d’euros d’impôts découlant d’un contrôle fiscal portant sur les exercices 2008 à 2010. La compagnie pétrolière jugea ce redressement fiscal «dénué de tout fondement». Au terme d’un bras de fer surtout médiatique, l’affaire déboucha, sans aucune explication de part et d’autre, sur un règlement à l’amiable en 2015.

Spectacularisation de l’audit

Aux yeux de l’opinion, les dernières révélations de L’Union pointent une association compromettante entre Colas Gabon et des responsables au sein de l’administration. Simple procès d’intention ou fait avéré ?

S’étonnant en tout cas de cette spectacularisation de l’audit en cours de la dette extérieure, un ancien cadre du ministère des TP s’étonne de la réécriture des faits jetés sur la place publique et de l’incrimination de facto d’une entreprise et d’un ancien membre du gouvernement : «l’attribution du marché de reconstruction de la section PK5-PK12 à Colas est intervenue suite aux signatures, le 14 Juillet 2015, par l’ancien ministre de l’Habitat, des Infrastructures et des Transports, Mme Emmanuelle Mattei, elle-même ancienne directrice générale de l’ANGT, et leurs différents collaborateurs dont certains ont même connu des détentions préventives.  Le marché de 55 milliards avait reçu, conformément au Code des marchés publics, un avis de non-objection et le fameux visa d’opportunité.» Pourquoi en effet Christian Magnagna a-t-il été cité par le quotidien ? De mémoire de gabonais, celui-ci était ministre des Mines lorsqu’en 2016 les travaux furent lancés, toutes conventions bouclées.

En mai 2018 à la faveur d’un remaniement du gouvernement, Christian Magnagna fut affecté au ministère en charge des Infrastructures.  Le chantier de l’axe PK5-PK12 était alors à l’arrêt du fait de l’épuisement de la ligne de crédit ouverte à la BDEAC. Pour relancer et achever les travaux en 2018, le conseil des ministres autorisa la signature d’un avenant de 4 milliards de FCFA, présenté par l’ANGT, maître d’Ouvrage. Ce qui permis la poursuite et la fin des travaux… contrôlés par l’ANGT. Entité jadis présidée par le président de la République himself, l’ANGTI a été dissoute en conseil des ministres le 2 octobre 2020, sans que son bilan n’ait été dressé. La task force chercherait-elle des boucs émissaires ? L’avant-première de ses travaux avec les révélations sur Colas pourrait le laisser penser. En tout cas, si elle veut se montrer à la hauteur de l’enjeu, la task force doit d’abord dégager les responsabilités au niveau de l’ANGTI. Mais là il n’y a pas d’argent à rattraper.

Doutes et perspective de procès

La task force vise avant tout les entreprises internationales ayant acquis des marchés publics au Gabon. On ose croire qu’elle prendra toutes les précautions possibles. Pour rappel, rien que sur les différends internes, le Gabon dépense chaque année environ 8 milliards de francs CFA pour le paiement des dommages-intérêts du fait de la perte de procès. À l’international, ces amendes prennent des proportions hyperboliques. À titre d’exemple, 7,215 milliards de francs CFA dans le procès contre KCI Groupe et 65 milliards réclamés par Webcor. Cotées en Bourse pour la plupart, les entreprises internationales visées par l’opération de recouvrement au forceps ne vont certainement pas rester impassibles à une corrosion de leur image de marque et de leur réputation. Chaud devant, pourrait-on dire.

Pour sa mission ponctuelle qui, selon certaines indiscrétions, coûtera aux caisses de l’Etat la bagatelle de 16 milliards de FCFA, la task force pour le règlement de la dette extérieure ne se substitue-t-elle pas à la Cour des comptes, au contrôle parlementaire ou à l’Autorité nationale de vérification et d’audit ? Celle-ci ainsi que la Direction générale de la comptabilité publique et du trésor, la Direction du budget et des finances publiques, la Direction générale de la dette, celle des impôts, celle des douanes et droits indirects… avaient-elles absolument besoin d’être regroupées au palais de la présidence pour travailler ? D’où vient donc cette idée ? Et si ce n’était qu’une «frappe» de plus ? Entité aux allures de fumisterie, la structure éphémère pourra-t-elle vraiment aider le Gabon à réduire le volume et les intérêts de ses créances extérieures ? Chiche !

 
GR
 

6 Commentaires

  1. Omva dit :

    A propos !!!

    « Dans un article accusateur publié par Le Confidentiel d’Echos du Nord du mardi 26 octobre et intitulé : « Le trésor inépuisable sous Yann Koubdje à BGFI », on découvre l’existence d’un réseau de camouflage et de détournements délictueux des deniers publics mis en place par la présidence de la République avec la complicité d’une banque privée (BGFI-la banque des Bongo). Yann Koubdje serai au cœur de cette maffia ».

    Source:
    https://mingoexpress.com/kleptocratie-emergente-au-gabon-yann-koubdje-bgfi-et-largent-des-gabonais/

    Extrait:
    « …Plus profond que « le tonneau des Danaïdes », avec la seule différence qu’il a toujours été bien garni. Pendant des années, Yann Koubdge a géré un compte du temps où il était à BGFI. Il s’agit du compte n°4000304100 21008951013-55, intitulé « RE-PUBLIQUE GABONAISE – TRE-SOR PUBLIC ». Vous l’aurez compris, il est question non pas d’un compte seulement, mais de deux comptes distincts simplement couplés, qui ont toujours été provisionnés pour les besoins de trésorerie de la présidence de la République. Et pour d’autres besoins. Une sorte de compte fourre-tout. Il reçoit les royalties du pétrole et toutes les recettes issues du pétrole et tout type de bonus liés aux activités extractives. Mais ce compte était également indiqué aux sociétés parapubliques pour tous leurs dépôts au Trésor, comme les règlements d’une ardoise d’impôt. »…

  2. Fiona Fiona dit :

    Effectivement, les banques de développement ont des politiques de sauvegarde environnementale et sociale. La norme 5 exige un plein et entier dédommagement des gens impactés par me projet. Et il y a des normes et modalités de calcul Il y a, en outre, les menacanismes de restauration des moyens d’existence des populations impactées. Tout ça est à la charge du projet et coûte cher, très cher. Dans une zone aussi 0euplee que PK5-Pk12, ça a du coûter très cher. LA fumeuse task force le sait elle ? J’en doute

  3. Malo dit :

    Menace, coercion et enfumages ont été toujours à l’ordre du jour de la task force. Il est vraiment curieux qu’elle s’en soit jusqu’ici tirée d’affaire malgré l’immensité de son incompétence et ses méthodes dignes de la pègre, lors du soit disant audit de la dette intérieure.

  4. Gayo dit :

    Ali Bongo. Arrête de créer une administration bis avec des enfumeurs illetrés, sans experience de vie professionnel, qui n’ont jamais su c’est quoi se battre et réussir. Ton fils et toi avez été des paresseux à l’école. Comment pouvez-vous pensez vous et ceux qui vous ressemblent que vous pouvez être efficaces dans des domaines necessitants des capacités et des outils intellectuels pointus et écartants les cadres sur lesquelles le Gabon a investi pour qu’ils soient outillés? Les agences ont été un échec tu continues avec des administrations bis. Tu les crée pour faire des frappes. Si dirigeant amateur que tu e incapable de réformer et remdre cette administration qui nous coûte trop cher pour la laisser condamner à l’échec, tes gens qui travaillent hors du cadre institutionnel et qui ne sont des professionnels sont condamnés à échouer avec toi parcequ’ils ne comprennent rien et save rien. A commencer par Nourredine rentré de Londre sans diplôme et qui est piètre model pour la jeunesse. Comme toute votre famille. Même les maires et députés qui ne peuvent lire un discours quels textes ils peuvent lire, comprendre et mettre en application?

  5. UDFR dit :

    Sénat Gabon: 102 membres pour un pays de 1.5 millions d’habitants….cherchez l’erreur…

  6. Roger Gilles dit :

    Tout est dit. Rien à ajouter. Est-ce que l’union peut avec l’accord de l’auteur de l’article le publier dans son intégralité? Parce que cette clarification n’est finalement lue que par une poignée de personnes alors que l’enfumage à déjà produit l’effet recherché. Les ripoux ce sont les donneurs de leçons dont les entreprises abusent de surfacturations dans la réalisation des marchés publics. Incompétence à tous les étages.

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