Revenant sur l’entretien accordé au quotidien L’Union par la présidente de la Cour constitutionnelle, le 23 mars dernier, un universitaire ayant requis l’anonymat prend le contre-pied des assertions de Mme Mborantsuo, qualifiées de mise en scène, d’auto-satisfecit et de plaidoyer pro domo. Non sans faire des remarques, il pose des interrogations et rectifie l’historiographie livrée par l’illustre interviewée.

© Gabonreview

 

Je vous partage ci-dessous les impressions que je tire de la lecture de l’interview que le président de la Cour Constitutionnelle, madame Marie Madeleine Mborantsuo, a accordée au quotidien gouvernemental L’Union, à l’occasion du 30e anniversaire de notre juridiction constitutionnelle.

Je dois avouer que cette lecture ne s’est pas faite sans effort de ma part. En effet, depuis 2009, j’avais pris l’engagement de ne plus lire un journal que je considère comme un instrument du Pouvoir établi, une caricature de la pensée unique.

Lorsque je l’ai dit à un de mes amis, il m’a répondu, sans me convaincre, que cette décision était trop radicale, voire une erreur, qu’il fallait au contraire scruter L’Union, pas seulement pour « les Avis et Communiqués », mais pour savoir ce que mijotent les tenants du Pouvoir établi. C’est dans cet état d’esprit que j’ai lu l’interview de madame Marie Madeleine Mborantsuo.

Je la décompose en trois parties correspondant chacune à un centre d’intérêt déterminé :

– Une première partie à vocation historiographique où madame Marie Madeleine Mborantsuo rappelle les grandes étapes de l’histoire de la Cour Constitutionnelle, de sa création en 1992, à aujourd’hui ;

– Une deuxième partie que je qualifie d’hagiographique, puisque madame Marie Madeleine Mborantsuo s’y prête à l’autosatisfaction vis à vis d’elle-même et par rapport à l’institution qu’elle chapeaute d’une main ferme depuis trois décennies;

– Une troisième partie qui ressemble à un plaidoyer pro domo. Madame Marie Madeleine mborantsuo qui n’est ni sourde ni aveugle entend les récriminations des Gabonais et voit le temps s’écouler. Elle relativise le rôle de la Cour Constitutionnelle dans la dérive monarchique dans laquelle s’est engagé le Pouvoir établi depuis l’avènement d’Ali Bongo à la tête de notre pays. Est-ce la peur du jugement de l’histoire, ou la crainte du jugement dernier ? Chacun s’en fera sa philosophie.

I – Une chronique historiographique.

Madame Marie Madeleine Mborantsuo commence par rappeler le contexte et les conditions historiques qui ont présidé à la création de la Cour Constitutionnelle. En effet, c’est lors de la Conférence nationale de 1990 que s’est imposée l’idée d’un organe arbitral chargé de « veiller à la naissance de l’Etat de droit démocratique et d’asseoir le pluralisme politique ». C’est ainsi qu’un « Conseil National de la Démocratie » fut mis en place, qui s’est ensuite transformé en Cour Constitutionnelle.

Dès sa création, la Cour constitutionnelle a été dotée « de larges prérogatives, de l’indépendance et de l’autorité nécessaires pour contrôler l’action des autres institutions pour qu’elles exercent leur action dans les limites prescrites par la Constitution ». Mais madame Marie Madeleine Mborantsuo apporte immédiatement une précision importante, quand elle déclare que la Cour Constitutionnelle est « l’émanation des pouvoirs publics et non du peuple ». Autrement dit, la Haute juridiction est davantage redevable au Pouvoir établi qui l’a créée, qu’au peuple gabonais qui ne l’a pas sécrétée. C’est cette posture originaire qui explique, à la fois la tendance de la Cour Constitutionnelle à toujours trancher en faveur du Pouvoir établi, et le peu d’ardeur qu’elle met à protéger et à défendre les droits et les libertés fondamentaux des Gabonais. C’est ce qui l’a autorisé, lors de la transition de 2009, à « faire preuve de créativité » devant le silence de la Constitution en vigueur sur les modalités de mise en œuvre de la transition. C’est en vertu de la même posture que, plutôt que de s’en tenir aux dispositions de l’article 13 de la Constitution qui sont d’une clarté cristalline, elle a préféré se substituer au constituant et au législateur, en y introduisant la notion « d’empêchement temporaire » inexistante dans la Constitution, juste pour sanctuariser le pouvoir d’Ali Bongo pendant sa convalescence.

Ce n’est donc pas l’annulation récente de deux arrêtés gouvernementaux manifestement non confirmes à la Constitution qui effacerait la partialité maintes fois éprouvée de la Cour Constitutionnelle.

II – Une hagiographie.

Madame Marie Madeleine Mborantsuo fait montre d’auto-légitimation et d’auto-satisfaction quand elle parle d’elle-même, ou quand elle glorifie l’action de la Cour Constitutionnelle. Évoquant les conditions de son élection à la présidence de la haute juridiction, madame Marie Madeleine Mborantsuo affirme que c’est par ses seules qualités, et grâce à un bon lobbying, qu’elle a été choisie par ses pairs alors qu’elle était « la plus jeune ». Aujourd’hui, il est indiscutable que madame Marie Madeleine Mborantsuo peut revendiquer de grandes compétences en matière de droit constitutionnel. Mais en 1992, notre pays disposait déjà de grandes compétences en matière de droit constitutionnel, soit à l’université, soit au sein du Parlement et du Gouvernement, soit dans la société civile. Madame Marie Madeleine Mborantsuo manque donc d’humilité quand elle prétend que c’est sur la base de ses seules compétences qu’une spécialiste des finances publiques, déjà à sa place à la tête de la juridiction financière, a été préférée à des constitutionnalistes plus aguerris. La vérité est que son choix a obéit à des considérations politiques et a procédé d’une décision discrétionnaire du président Omar Bongo.

La même tendance à l’autosatisfaction apparaît lorsqu’elle évoque les succès de la Cour Constitutionnelle, sa jurisprudence « qui fait autorité à l’intérieur et est citée en exemple à l’extérieur », des compétences s’exerçant uniquement « sur le terrain du droit et du respect des droits et libertés fondamentaux », le statut de « membre fondateur de nombre d’instances de coopération et d’échanges entre juridictions similaires ». A force de longévité à la tête de la haute juridiction, madame Marie Madeleine Mborantsuo en est arrivée à confondre sa personne physique avec l’institution qu’elle préside depuis trois décennies. En se répétant que la Cour Constitutionnelle c’est moi, elle a fini par se prendre pour un deus ex machina ou un monstre hors de tout contrôle.

III – Un plaidoyer pro domo

Madame Marie Madeleine Mborantsuo essaye de profiter de cette interview pour minimiser sa responsabilité dans le blocage politique du pays. Elle conseille à l’opposition de faire connaître ses propositions pour améliorer le dispositif électoral qui est la principale entrave à la démocratie dans notre pays. Mais les recommandations qu’elle suggère sont celles qui ont toujours été proposées par l’opposition, par la société civile, et depuis l’élection présidentielle de 2016 et les élections locales et législatives de 2018, par les missions internationales d’observation des élections : un fichier électoral truqué, le poids excessif du ministère de l’Intérieur et ses démembrements dans le processus électoral, la nécessité de revoir l’organe de gestion des élections dans son statut juridique, son mode de fonctionnement et le mode de désignation de son présent, les problèmes liés à l’exercice des libertés publiques et au financement de la vie politique.

Ce qui surprend dans cet appel du pied, c’est que madame Marie Madeleine Mborantsuo fait mine d’ignorer que le blocage vient, non pas de l’opposition qui a tout à gagner de la transparence électorale, mais du Pouvoir établi qui craint de tout y perdre. Plutôt qu’à l’opposition, c’est au Pouvoir établi que devrait s’adresser cette interpellation. De même, pour se départir de toute responsabilité dans la crise politique qui s’est déclarée à la tête de l’Etat depuis la maladie d’Ali Bongo et qui a eu des conséquences incalculables sur la gouvernance générale du pays, madame Marie Madeleine Mborantsuo se défausse sur le Parlement et le gouvernement, en indiquant, certes à juste titre, qu’il ne revient pas à la Cour Constitutionnelle de prendre l’initiative de la déclaration de vacance de la présidence de République, mais, « soit aux bureaux des deux chambres Parlement statuant ensemble à la majorité des deux tiers de leurs membres, soit au Gouvernement statuant à la majorité des deux tiers de ses membres ». La question qui s’impose dès lors est de savoir sur quelles dispositions de la Constitution et de la loi organique sur la Cour Constitutionnelle s’est-elle appuyée pour reformuler les dispositions de l’article 13 de la Constitution, en y ajoutant « l’indisponibilité temporaire » ?

A la lecture de cet interview, l’impression générale qui se dégage est celle d’une mise en scène bien orchestrée. La complaisance de l’intervieweur est si affligeante qu’à aucun moment, il n’a osé poser les questions qui fâchent comme sa longévité à la tête de la haute juridiction, ni relancé le président de la Cour Constitutionnelle lorsque ses réponses pouvaient paraître incomplètes ou insatisfaisantes, ce qui n’honore pas le noble métier de journaliste. Les lecteurs de L’Union ont découvert un exercice artificiel, inauthentique, où les questions et les réponses étaient convenues et traitées d’avance.

Auteur : Anonyme

 
GR
 

6 Commentaires

  1. Milangmissi dit :

    Rien à rajouter,
    mborantsuo n’a aucun recul sur elle même, elle qui ne s’est jamais dessaisie par éthique vu ses relations avec les bongo
    et le journaliste Dieu seul sait s’il a compris le sens de son métier

  2. ada dit :

    Kia Kia kia kia kia … mon frère tu me fais rire dèh ! Excuse moi , mais malheureusement 99% des journalistes gabonais de gabon première , Teleafrica, gabon24 ( ceux-là ils sont pires des vrai Tsougoudja ils se prennent pour des blancs), l’Union sont une vraie honte pour cette profession parfois quand j’avais le courage de regarder les interviews (je pense que la dernière que j’ai eu le courage de regarder c’était 2021) de nos journalistes à la télé, je comprenais ce que ressentaient les hommes quand ils suivent un match de foot lorsque le joueur n’a pas pu marquer alors qu’il avait tout pour le faire.
    Dans tous les cas belle analyse.

  3. Inch'allah dit :

    Claire et limpide, et tout est dit.
    Je dis dire pour ma part que ca va a près de 15 ans que je ne regarde plus le rtpdg, je ne lis plus l’union. Bien que vivant au Gabon.
    Mes derniers souvenirs c’est que l’actualité …c’est a la présidence, la politique et les regroupement du pdg. 90% de leur sujet c’est cela…!!!!
    j’ai passé mon tour.

  4. Roger Gilles dit :

    Rien de neuf sous le soleil. Et la grosse plume qui a pondu les lignes kilométriques et le journaleux, vous semblez oublié qu’il y a quelques mois,cette juridiction a voté une loi qui transforme en délit,toute critique venant de la presse ou de particulier dirigée contre La Cour, ses membres ou ses décisions.
    On attend le premier qui sera condamné pour se rappeler qu’une telle loi existe et s’en émouvoir. Pourtant il existe des universitaires, des juristes, où étaient ils? Les médecins après la mort ils sont très forts au Gabon. La bouche,la bouche,encore la bouche,les lumières qui brillent uniquement dans leur salon. Vous allez encore vous tapez les Bongos pour longtemps.

  5. Likassa dit :

    Putain un jour, putain toujours…

  6. GABON d'abord dit :

    Je suis un peu surpis par ce message et je me demande concretement ce qui se passe dans la tete de cette dame. En tant qu’instrument du pouvoir, elle a valide toutes les fraudes electorales du systeme et meme apres les scrutins sanguinaires de 2009 et 2016. Et voila MBORANTSOUO qui vient acheter un publireportage avec des pseudos commentaires qui viennent accuser l’Union. TOUT le monde sait que l’union comme beaucoup de quotidiens nationaux est acquis au pouvoir et ce n’est pas elle qui vient nous l’annoncer. Pourquoi attirer l’attention sur l’Union et se dedouaner du pouvoir ? Quand on a ete l’artisan de la souffrance et de la mort de milliers de Gabonais sous l’autel des richesses jusqu’a sacrifier des propres membres de sa famille et se donner une etiquette de chretienne et mere de famille, il n’ya qu’un Dieu pour le voir.
    Madeleine, apres cette vie sur terre ou tu as vendu ton ame il ya une autre, qui elle est eternelle. Adresse toi a ton createur et fais ta redemption aupres de lui car pour nous, tu nous a fait tellement de mal que seul l’amou du divin te sortira d’un enfer deja programme…..pour l’eternite (En esperant que tu comprennes cette notion qui est tellement eloignee de ta realite)

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