Dans un contexte où le Gabon tente une réconciliation avec ses racines tout en façonnant l’avenir de sa gouvernance, Jean Valentin Leyama, Député de la Transition, remet en cause le choix présumé du maintien du régime présidentiel à l’issue du Dialogue national inclusif. S’appuyant sur les symboles culturels mis en avant lors de ces assises, il plaide avec force pour l’adoption d’un système de gouvernance collégial et consensuel, inspiré des traditions du «mbandja», seul à même selon lui de rompre avec les dérives de «l’hyper-présidentialisme» hérité de la colonisation. Un réquisitoire cinglant contre le pouvoir personnel qui risque d’alimenter la polémique.

Le Corps de garde, le mbandja ou le mulebe : un système de gouvernance de nos sociétés traditionnelles, fondé sur l’inclusion, ouvert à tous, dans une égalité de droits. © GabonReview/Souvenirs du Gabon

 

Jean Valentin Leyama, hiérarque du parti Reagir, député de la Transition et membre de la Commission Économie au Dialogue national inclusif. © D.R.

Il n’y a pas de doute, plusieurs symboles forts le montrent, le Dialogue national inclusif qui se tient en ce moment est placé sous le sceau de la restauration de nos valeurs ancestrales. Plusieurs panneaux d’affichage géants dans la ville le proclament. Heureuse coïncidence, plusieurs places ou ronds-points accueillent désormais des statues géantes représentatives de nos objets culturels. Mais le fait le plus marquant demeure incontestablement le logo du Dialogue National Inclusif lui-même : un corps de garde au sein duquel plusieurs acteurs assis devisent.

Le Corps de garde. Le _mbandja_. Le _mulebe_. Voilà le système de gouvernance de nos sociétés traditionnelles. Un système fondé sur l’inclusion : le _mbandja_ est ouvert à tous, dans une égalité de droits. Un système de gouvernance collégiale fondé sur le consensus et la recherche permanente du compromis en cas de désaccords. Il y a, bien entendu, un chef, un régulateur, un modérateur choisi pour sa sagesse et sa capacité à porter la parole de la communauté et à défendre les intérêts de celle-ci. Ce chef est entouré de ses « adjoints » qui forment ensemble « Un Conseil des Sages ». Du reste, la gouvernance traditionnelle de nos villages et quartiers a quasiment préservé ce modèle.

Sur le plan institutionnel comment conserver l’esprit du _mbandja_ ? Comment faire en sorte que personne ne soit exclu de la gestion de la chose publique ? Comment s’assurer que le consensus va prévaloir et que la quête permanente du compromis soit la règle ? C’est par la proportionnelle intégrale assortie d’un seuil de suffrages, que l’on garantira que toutes les forces vives, que toutes les communautés aient des chances d’envoyer au moins un représentant au _mbandja_. Car dans le système majoritaire qui régit nos élections, l’appartenance à un parti politique puissant ou à une communauté dominante est déterminante. Quelles sont, en effet, les chances pour un Pygmée, un Tsogo, un Varama, un Ndassa ou un Simba d’accéder à la représentation, quelle que soit la pertinence de ses idées ou de ses propositions, sauf à s’assimiler ou s’allier à une communauté dominante ?

Dans une deuxième étape, les participants au _mbandja_ ainsi constitué désignent un « Conseil des Sages » de 9 membres, à raison d’un représentant par province, et ce « Conseil » sera régi par un système de présidence tournante au cours du mandat.

On comprend donc que le régime présidentiel, hérité du colon, même édulcoré en semi-présidentiel, est aux antipodes de nos us et coutumes.

Et si ce régime présidentiel était à l’origine des malheurs du Gabon au cours de ces 56 dernières années, cette hyper-présidentialisation qui tend à installer un monarque de droit divin à la tête du pays, un autocrate qui a droit de vie et de mort sur tous, qui pourvoit ou qui dépouille, qui commet tous les méfaits et n’est responsable devant personne, qui élimine par son pouvoir exorbitant de nomination et par un usage inconsidéré des fonds publics et des fonds de souveraineté, tous les contre-pouvoirs, qui assujettit les forces de sécurité et de défense, les institutions, l’Administration, qui instaure une gestion patrimoniale, familiale et clanique dans le fonctionnement de, qui s’organise par différentes manœuvres pour s’éterniser au pouvoir.

Si, comme cela sembler se dessiner, le Dialogue National Inclusif conclut au maintien du régime présidentiel en cours, la désillusion générale est à plus ou moins brève échéance, inéluctable.

NB : Une grande partie de ce texte a fait l’objet d’une contribution du Parti RÉAGIR, déposée au Ministère de la Réforme des Institutions.

Jean Valentin Leyama

Secrétaire Exécutif du parti REAGIR

Député de la Transition

Membre de la Commission Économie au Dialogue National Inclusif.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Marcus Garvey dit :

    Je suis parfaitement d’accord avec Jean Valentin Leyama. À peine sortis de la dictature d’un système cynique, voici que les Gabonais veulent créer un système présidentiel qui donnera la possibilité à son détenteur d’user des mêmes méthodes que l’ancien régime diabolique.

    Cessons de copier bêtement les régimes politiques exogènes. Suivons notre propre chemin culturel en réactivant les savoirs ancestraux et construisons un régime politique propre et adapté à nos us et coutumes. Oui, il faudrait s’inspirer du modèle d’organisation politique et sociale d' »Olêbè – Mulebè – Mbandja » pour bâtir un nouveau Gabon.

    Ayons l’audace de montrer au monde entier que les Gabonais sont inventifs, que nous sommes capables d’inventer notre propre système politique qui n’a rien à voir avec les systèmes politiques importés et inadaptés à nos réalités.

    Enfin, pour que tout le monde puisse participer à la gestion de la cité, il faudra effectivement instaurer l’élection à la proportionnelle

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