Longtemps reléguée à la marge du récit national, la diaspora gabonaise incarne pourtant l’un des plus puissants leviers de transformation du pays. Jeune, instruite, connectée aux grands courants de l’innovation mondiale, elle demeure trop souvent exclue des choix politiques structurants. Dans cette tribune engagée, Hugues Awanhet Ntawanga* appelle à une refondation du lien entre la République et ses enfants de l’extérieur, non par symbolisme, mais au nom d’une stratégie nationale assumée.

La diaspora n’est pas une option. Elle est une chance. Elle est un accélérateur. Elle est une conscience critique. © GabonReview

 

Hugues Awanhet Ntawanga est un anthropologue et intellectuel gabonais, né en 1976. Il s’est illustré notamment par ses travaux académiques autour des correspondances interreligieuses au Gabon et par une réflexion critique sur des enjeux sociopolitiques contemporain dans le pays. © D.R.

La diaspora gabonaise est l’un de nos plus grands trésors, mais aussi l’un des plus négligés. Pendant trop longtemps, l’État l’a considérée comme une périphérie sociale, et non comme une force centrale pour le développement. Il est temps de renverser cette logique. Il est temps que le Gabon prenne enfin au sérieux ses enfants de l’extérieur.

Le Gabon a cette chance rare : une diaspora jeune, instruite, dynamique. Dispersée entre l’Europe, les Amériques, l’Asie et d’autres régions d’Afrique, elle est l’un des rares groupes sociaux du pays à avoir un accès direct à des environnements hautement compétitifs, à des systèmes de savoir et d’innovation de pointe, à des réseaux professionnels internationaux. C’est une richesse inestimable, mais c’est aussi un potentiel dramatiquement sous-utilisé.

Une citoyenneté amputée

Aujourd’hui, le lien entre la République et sa diaspora est à la fois fragile et flou. Il se manifeste essentiellement au moment des scrutins électoraux, dans des conditions souvent précaires, ou dans la douleur des familles expatriées confrontées à l’abandon en cas de décès, de maladie ou de précarité extrême. Nos étudiants à l’étranger, souvent brillants, se battent seuls, sans bourse, sans orientation, sans filet. Nos travailleurs en situation administrative instable subissent l’humiliation du silence.

Et pourtant… malgré cette distance et ce désintérêt institutionnel, la diaspora n’a jamais cessé d’aimer son pays, ni de contribuer à son développement : transferts de fonds, soutien familial, conseils techniques, projets associatifs, engagements militants.

Un tournant historique à saisir

Nous sommes à un tournant historique. Le changement politique actuel ouvre une brèche. Il permet de repenser notre vivre-ensemble, nos priorités nationales, nos institutions. Il offre surtout une opportunité unique d’intégrer enfin la diaspora dans le cœur du projet républicain gabonais.

> C’est pourquoi je plaide pour l’inscription de la diaspora dans la Constitution comme levier stratégique du développement national.

Ce n’est pas une faveur. Ce n’est pas un geste symbolique. C’est une décision stratégique. Des pays comme l’Inde, la Chine, le Maroc ou le Rwanda l’ont compris depuis longtemps. Ils ont investi dans leur diaspora, et les résultats sont là : retours d’experts, transferts technologiques, investissements privés, influence culturelle. Le Gabon peut et doit suivre cette voie.

Des propositions concrètes pour un nouvel élan

L’inscription constitutionnelle n’est que la première étape. Elle doit s’accompagner de mesures législatives et programmatiques fortes :

  • Représentation parlementaire effective des Gabonais de l’étranger, avec des députés dédiés, élus dans des circonscriptions extérieures ;
  • Création d’un Haut-Commissariat pour la gestion des projets de la diaspora, en lien direct avec la Présidence et le Parlement, pour faciliter les initiatives structurantes, piloter les partenariats et assurer une cohérence nationale ;
  • Lancement d’un Fonds de solidarité diaspora, pour répondre aux urgences sociales (décès, rapatriements, situations de détresse) ;
  • Déploiement d’un programme “Diaspora & Compétences”, pour inciter les experts à contribuer à l’enseignement, à l’innovation, à la formation professionnelle ;
  • Mise en place d’un cadre d’incitation fiscale et juridique pour les projets d’investissement des Gabonais de l’extérieur.

Une nouvelle citoyenneté gabonaise, sans frontières

Ce que je défends, c’est une vision inclusive de la nation. Le Gabon ne se limite pas à son territoire. Il se vit et se pense aussi depuis l’extérieur.

Je veux une République qui considère la diaspora non comme une exception administrative ou une simple réserve financière, mais comme un pilier de sa transformation.

Je veux un État qui regarde ses citoyens de l’extérieur comme des partenaires égaux, porteurs d’idées, de solutions, de savoirs.

Je veux que chaque Gabonais, où qu’il vive, se sente pleinement citoyen – non pas tous les cinq ans, mais chaque jour.

Conclusion : le Gabon du XXIe siècle se construira avec tous ses enfants

En donnant à la diaspora une place pleine et entière dans notre vie publique, nous ne faisons pas une concession : nous posons un acte de lucidité politique. Nous reconnaissons que la société gabonaise est devenue transnationale, que ses ressorts de développement sont éparpillés, mais connectés.

> La diaspora n’est pas une option. Elle est une chance. Elle est un accélérateur. Elle est une conscience critique.

Le Gabon de demain ne pourra réussir sans elle.

*Hugues Awanhet Ntawanga – Docteur en anthropologie, politologue et candidat indépendant aux élections législatives à la circonscription Europe, Amérique et Asie.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Biswe dit :

    La diaspora gabonaise…une « entité » informe a laquelle on a bien du mal donner une représentation claire. Quelle est-elle? De combien de compatriotes parle-t-on , pour quelle dispersion dans le monde et pour quelle valeur ajoutée…réelle? Bref, beaucoup questions qui attendent certainement des éclaircissements!

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