Estimant que son «seul cas, remet en cause fondamentalement la parole officielle du gouvernement qui prétend que le Gabon est un État de droit, où les citoyens jouissent de leur liberté d’expression  et de la pluralité d’opinions politiques», Privat Ngomo revient sur les cas de Bertrand Zibi Abeghe, Pascal Oyougou, Roland Désiré Aba’a Minko, Kelly Ondo Obiang et l’étudiant Ballack Edwin Obame Mebiame. Il entend «développer un plaidoyer (…) qui révèlera à la communauté nationale et internationale le grossier et odieux mensonge du gouvernement gabonais qui affirme, avec aplomb, qu’il n’existe pas  de détenus politiques dans les geôles de la prison centrale de Libreville au Gabon.»

Privat Ngomo demande aux Gabonais de donner de la voix, de rejoindre la campagne citoyenne de libération des prisonniers politiques en produisant une petite vidéo exigeant simplement la libération de tous les prisonniers politiques. (Ici, clôture extérieure de ‘’Sans-Famille’’, principal pénitencier du Gabon). © D.R.

 

Privat Ngomo, informaticien, ancien prisonnier politique, Responsable général du NewPower. © D.R.

Si les autorités judiciaires du Gabon, qui ont le pouvoir de restreindre les libertés des citoyens, intégraient dans leur cursus professionnel, un stage en immersion dans la prison centrale de Libreville, notamment au quartier Prévention A, surnommé  « la Chine », cela leur permettrait de réfléchir à deux fois, avant d’envoyer leur concitoyens, parfois innocents, dans ces camps de concentration déshumanisants. Ou du moins, ils essaieraient d’améliorer les conditions de la vie carcérale dans le principal centre de détention national dont ils ignorent totalement les réalités. Les magistrats gabonais devraient passer, au moins une fois dans leur vie, une petite nuit sur une couche mitée, sale et malodorante des quartiers carcéraux de Libreville … Ils apprécieront !

Qui mieux qu’un ancien détenu de la prison centrale, qui a passé 9 jours dans le quartier « la Chine » et 10 mois dans le quartier fonctionnaire « Spécial B » pour vous décrire la vie en milieu carcéral au Gabon.

Je suis Privat Ngomo, informaticien, fonctionnaire de la République gabonaise, cadre supérieur à l’Agence Nationale des Infrastructures Numériques et des Fréquences (ANINF) rattachée à la présidence de la République. Passionné d’arts, de cultures et d’humanités classiques kamites, je suis surtout un homme de principes et de valeurs. Et, c’est justement au nom des valeurs républicaines de justice, de liberté et de souveraineté que je me suis levé, deux jours avant la date du 14 juillet 2019, fête nationale française, pour adresser à la France un message hautement politique. Afin d’être bien entendu par cette dernière, j’ai volontairement interrompu la circulation routière pendant près de 10 minutes aux abords de l’ambassade de France à Libreville. Ce fut l’Opération « Lumumba ».

Le code pénal gabonais du 4 juillet 2019, sanctionne ce délit mineur d’entrave à la circulation routière d’une simple contravention, voire d’une amende oscillant entre 75.000 Fcfa et 250.000 Fcfa. Dans un Etat de droit, j’aurai été délesté de cette modique somme et aurai regagné librement mon domicile. Au lieu de cela, j’ai été gardé à vue de manière abusive, plus de 72 heures, soit 5 jours exactement, au mépris du code pénal. De là, j’ai été déféré directement à la prison centrale de Libreville où j’ai passé 10 longs mois, loin de mon épouse, mes enfants, ma famille et de mes différentes activités.

Mon seul cas, remet en cause fondamentalement la parole officielle du gouvernement qui prétend que le Gabon est un Etat de droit, où les citoyens jouissent de leur liberté d’expression et de la pluralité d’opinions politiques. Ce démenti cinglant est aussi valable pour Bertrand Zibi Abeghe qui, d’ancien allié du pouvoir Bongo-PDG, avait décidé de rompre avec ce régime dans une allocution officielle mémorable du 23 juillet 2016. Pour avoir simplement critiqué dans ce discours, la mal gouvernance et la corruption au sommet de l’Etat gabonais, il est incarcéré depuis plus de 4 années à la prison centrale de Libreville. Il est évident et clair que c’est un règlement de compte politique.

Pascal Oyougou lui aussi, paie cher le fait d’être un fils de la province du Haut-Ogooué qui a eu l’outrecuidance de créer une association, celle des Altogovéens libres qui avaient décidé de sortir de la tutelle politique Bongo-PDG dans laquelle ils ont été embrigadés depuis 1967. Cet affront politique et son soutien affiché à Jean Ping, vaut à cet ancien cadre supérieur de l’ASECNA, jusqu’à ce jour, une incarcération à durée indéterminée.

Roland Désiré Aba’a Minko, quant à lui, incarcéré depuis 3 ans était candidat à la dernière élection présidentielle d’août 2016. Son désistement en faveur de Jean Ping, véritable vainqueur de cette élection, fait de lui un ennemi du régime Bongo-PDG et par conséquent, un prisonnier politique.

Le lieutenant Kelly Ondo Obiang, tout comme l’étudiant Ballack Edwin Obame Mebiame, sont eux aussi de jeunes patriotes portés par un indicible et irréversible sentiment d’amour et de souveraineté pour leur patrie. En posant certains actes courageux dans le pays, ces jeunes gabonais, comme d’autres patriotes dans le monde, veulent simplement voir leur pays devenir enfin un véritable Etat souverain et démocratique où la liberté d’expression et la pluralité d’opinions politiques sont respectées. Arrêtés au début de l’année 2019, ils sont emprisonnés depuis plus d’un an. Et la liste est loin d’être exhaustive.

Pour les avoir tous côtoyés pendant près d’un an en prison, je pourrais développer un plaidoyer impeccable pertinent de vérité qui révèlera à la communauté nationale et internationale le grossier et odieux mensonge du gouvernement gabonais qui affirme, avec aplomb, qu’il n’existe pas de détenus politiques dans les geôles de la prison centrale de Libreville au Gabon.

La dépénalisation récente de l’homosexualité au Gabon, le soutien indéfectible de la main obscure de la France officielle et des réseaux et la parole mensongère et officielle du régime gabonais ont triomphé, malgré les graves privations des libertés des citoyens gabonais et les atteintes régulières et répétées aux droits de l’homme au Gabon. Ainsi, lors de la 74ème session, tenue le 13 octobre 2020, le gouvernement gabonais a été élu membre pour 3 ans au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU. Le site en ligne « infosGabon » dans sa parution du 14 octobre 2020, sous la plume de Saint-Paul Meviane, a livré le panégyrique suivant : « De l’avis d’observateurs, le Gabon doit son élection à ce poste grâce à la promotion des droits de l’Homme devenue une priorité  pour le chef de l’Etat, Ali Bongo Ondimba. Au de-là de ce que l’élection du Gabon ne faisait l’ombre d’aucun doute, il se trouve que ces dernières années le pays était devenu un modèle en matière de respect des droits de l’homme. « Le Gabon  est un modèle en matière d’égalité homme-femme ainsi que de la protection du droit des homosexuels », rappelle une fonctionnaire onusienne ! « Le Gabon est l’un des pays où la liberté de la presse est la mieux assurée et l’un des rares où les violences politiques sont inexistants », poursuit-elle ! » Une insulte faite à la mémoire de tous les martyrs gabonais, tombés le 31 août 2016 au quartier général du président élu Jean Ping, lors de la crise post-électorale.

Si les citoyens gabonais, au premier chef desquelles les élites de tous les secteurs confondus, ne donnent pas de la voix pour démentir publiquement cette nouvelle imposture, alors le monde entier croira réellement que le Gabon est une démocratie, comme pourrait l’être la Suède ou le Japon, et que  ce régime mérite bien sa place dans cet éminent conseil de l’ONU. C’est tout le sens que nous avons donné, Georges Mpaga (ROLBG) et moi-même (NewPower), au lancement de cette campagne citoyenne qui doit d’une part :

– démentir la version officielle gouvernementale et d’autre part ;

– exiger la libération immédiate et sans condition de tous les prisonniers politiques.

L’implication massive de tous les Gabonais conscients et agissants à cette campagne citoyenne de libération présentera deux avantages certains : (1) mettre dans une posture inconfortable le nouveau membre du Conseil des Droits de l’Homme à l’ONU qui devra répondre de ce deuxième son de cloche populaire étouffé jusqu’alors, puis (2) permettre à coup sûr la libération au moins de Bertrand Zibi Abeghe et Pascal Oyougou dont la durée de détention préventive est déjà largement dépassée et par conséquent, illégale.

La campagne citoyenne de libération des prisonniers politiques est, je le crois fermement, le prélude à l’érection d’un véritable Etat de droit. Notre pays ne se construira pas si tous les citoyens amoureux de la liberté, de la justice, de la vérité  et de la démocratie restent muets devant l’iniquité et craignent une dictature qui, finalement, se nourrit de leur peur.

Citoyennes et citoyens gabonais, donnez de la voix, rejoignez la campagne citoyenne en produisant une petite vidéo exigeant simplement la libération de tous les prisonniers politiques, plus particulièrement Bertrand Zibi Abeghe et Pascal Oyougou. Si nous n’arrêtons pas l’incendie chez le voisin, par indifférence ou par peur de brûlures, le vent le portera irrémédiablement vers notre demeure où nous finirons quand même… par nous brûler.

La sagesse africaine ne doit pas seulement être proclamée, elle doit être actée.

Privat Ngomo

Informaticien

Ancien prisonnier politique

Responsable général du NewPower

 

 

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GR
 

2 Commentaires

  1. MOPTY dit :

    Très belle tribune percutante et d’un tel réalisme.
    Qui mieux que Privat NGOMO, ancien prisonnier politique, injustement incarcéré pendant 10 long mois pouvait défendre la cause des autres détenus politiques toujours incarcérés?
    Voici UN qui a le courage de donner de la voix…BRAVO Mr NGOMO
    Pourquoi d’autres personnes qui se disent de l’opposition se taisent? Pourquoi ne dénoncent – ils pas une justice inique et ne réclament- ils pas la libération ces détenus d’opinion? Une seule réponse: LA PEUR
    A chacun sa conscience et le peuple gabonais observe…

  2. Georges Bruno NGOUSSI dit :

    Je salue cette brillante et pertinente déclaration qui ne peut laisser insensibles tous ceux qui pensent comme moi que vivre c’est avant tout être au service des autres comme le recommande notre Seigneur Jésus Christ qui a donné sa vie pour tout humain, afin que ce dernier mesure la valeur de l’amour du prochain. Ce qui fait qu’aujourd’hui, sans attendre en retour une quelconque reconnaissance, je me suis lancé avec tous mes biens dans la lutte contre le mal non seulement en priant, mais aussi en mettant à la disposition de quiconque voudrait partiper à cette lutte, mes instruments (plateformes médiatiques) pour se faire entendre au Gabon et partout ailleurs. Je prends à témoin mon compatriote Privat NGOMO que j’adresse un vibrant hommage pour son élan de solidarité avec les autres qui sont restés détenus à la PCL, afin vérifier ma présente insertion. Que Dieu vous bénisse et vous fasse grâce pour l’atteinte de vos objectifs.

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