Analysant le rapport d’exécution budgétaire du 3e trimestre, Mays Mouissi, analyste économique bien connu des Gabonais, démontre qu’au moment où le gouvernement gabonais «soutenait urbi et orbi que l’austérité était indispensable à la relance de l’économie gabonaise», se montrant particulièrement rigoureux envers les classes moyennes et populaires, il ne s’est pas appliqué la même rigueur pour ses dépenses, autorisant des dépenses incompréhensibles.

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Mays Mouissi, analyste économique, banquier et bloggeur. © mays-mouissi.com

Après la chute des prix du pétrole intervenue au 3e trimestre 2014, le gouvernement gabonais, encouragé par les bailleurs de fonds internationaux, a pris une série de mesures d’austérité dans l’objectif de rétablir ses équilibres macroéconomiques. Alors que nous appelions à un programme équilibré axé principalement sur la réduction du train de vie de l’État, une réforme fiscale d’ampleur, la réalisation d’économies récurrentes sur le fonctionnement de l’État notamment par une gestion plus orthodoxe des ressources publiques et la suppression des institutions non indispensables, redondantes et budgétivores, le gouvernement a choisi de mettre les Gabonais des classes moyennes et populaires à contribution pour réaliser son programme d’austérité.

C’est ainsi que les grandes mesures du programme d’austérité gouvernemental toujours en vigueur reposent sur la réduction de salaires des fonctionnaires, le gel des recrutements et des avancements dans l’administration publique, la baisse des effectifs publics, la réduction de la liste des produits de première nécessité bénéficiant d’une défiscalisation à l’importation, etc. Comme pour donner une impression d’équilibre dans l’effort, le gouvernement a annoncé simultanément l’interdiction d’achat de véhicules hauts de gamme ainsi que les voyages en première classe ou en classe affaires pour les fonctionnaires (hors membres du gouvernement). Cependant, l’analyse du rapport d’exécution budgétaire du 3e trimestre montre que si le gouvernement s’est montré particulièrement rigoureux dans son austérité envers les classes moyennes et populaires, il ne s’est pas appliqué la même rigueur pour ses dépenses.

2,1 milliards FCFA pour les voitures du cabinet du ministre des Finances

Au moment même où le gouvernement soutenait urbi et orbi que l’austérité était indispensable à la relance de l’économie gabonaise, il autorisait le ministre de l’Économie et des Finances à équiper son cabinet de véhicules pour un montant total de 2,1 milliards FCFA (voir rubrique 30.948 du Rapport d’exécution budgétaire du T3, page 25). Quelle était l’urgence de cette dépense ? En quoi cette dépense (programmée et/ou décaissée) était-elle prioritaire sur des dépenses d’éducation et de santé ? Seul le gouvernement peut répondre, tout comme il est le seul à pouvoir expliquer la légalité et l’opportunité d’une dépense de 2 milliards FCFA inscrite au budget de l’État pour financer la construction d’une infrastructure et l’équipement d’une représentation provinciale d’un parti politique. Quid de la neutralité de l’État ? Qui porte la responsabilité ?

Extrait du Rapport d’exécution budgétaire du T3, page 25

 1,5 milliard FCFA pour commémorer les 10 ans du décès d’Omar Bongo

L’année 2009 marquait le 10e anniversaire du décès d’Omar Bongo Ondimba, deuxième président de la République gabonaise. Le gouvernement gabonais n’a pas fait d’économies à la dépense pour marquer cette occasion. Pas moins de 1,5 milliard FCFA de fonds publics ont été prévus pour l’occasion. Un montant sans précédent quand on sait que 2 ans auparavant, en novembre 2017, la famille de Léon M’ba, premier Président du Gabon, a célébré les 50 ans de son décès dans une grande sobriété. Il faut croire que tous les anciens présidents ne sont pas logés à la même enseigne budgétaire.

Extrait du Rapport d’exécution budgétaire du T3, page 44 et 45

Et pourtant, les dépenses improductives et par conséquent les sources d’économies faciles, ne manquent pas à la l’analyse du Rapport d’exécution budgétaire du 3e trimestre 2019. Pêle-mêle nous pouvons citer :

  • Les 500 millions FCFA dépensés en 2019 pour une nouvelle compagnie aérienne nationale qui n’existe pas (programme 17.640) ;
  • Les 321 millions FCFA consacrés à la journée nationale du tourisme (programme 4.206) ;
  • Les 455 millions FCFA affectés au cabinet du Premier ministre pour la prise en charge de la fête du Travail (programme 8.360) ;
  • Les 291 millions FCFA affectés à la journée nationale de l’évaluation (programme 8.346) ;
  • Les 550 millions FCFA affectés à la journée de la femme (programmes 22.759 & 19.682) ;

Comme pour les dépenses précédentes, on peut s’interroger sur l’opportunité de consacrer de telles sommes à des événements commémoratifs quand on sait l’urgence qu’il y a à financer le réseau routier national ou les universités nationales en grandes détresses.

 Mays Mouissi

Source principale :

  • Rapport d’exécution budgétaire du 3e trimestre 2019 produit par la Direction générale du budget et des finances publiques (DGBFIP) de la République gabonaise

 

 

 
GR
 

5 Commentaires

  1. Gayo dit :

    Merci infiniment Mays Mouissi pour ton travail remarquable. Sinon on ne s’attendra pas à autre chose qu’à des pratiques illégaux, la gabégie et aux injustices telles que la construction à 2 milliards du siège du PDG. Quand Dieu voudra qu’enfin on tourne la page Bongo, il sera immoral de ne pas dissoudre le PDG. Ce parti a appartenu à l’état et profité de ce statut en prelevant notamment des cotisations de tous les travailleurs gabonais. De plus le parti continu d’abuser des biens de l’état. Le parti devra être dissout et ses biens revenir à l’état. Car le pdg ne peut bénéficier de biens acquis hors du cadre légal et pendant le parti unique, faussant ainsi le jeu démocratique par rapport aux autres partis par des avantages indus.

  2. Bill Ngana dit :

    Bigre ! Je m’en doutais un peu. Ceux qui gèrent les finances publiques dans notre pays ne se privent pas de se faire plaisir, comme le démontre par exemple l’administration du Trésor public, qui loge ses agences dans des locaux d’un confort capable de faire mourir d’envie et de jalousie, les fonctionnaires des autres administrations. Au moment où l’opération « Scorpion » permet à nos modestes regards de se prolonger au-delà de ces fenêtres qui donnaient sur des prés opaques, on s’aperçoit finalement que le Parlement, qui valide les dépenses du gouvernement, ferme volontairement yeux et oreilles sur ces dépenses totalement futiles, au détriment des populations qui leur donnent pourtant toute leur confiance. Même s’ils veulent prouver leur appartenance partisane, mais, quand même ! Les parlementaires ne doivent pas donner un chèque en blanc au gouvernement, qui agit comme les taximen de Libreville, chantres du bluff : quand ils sortent et que vous les laissez faire, tant mieux, mais si vous protestez, alors ils arrêtent leur manœuvre. Ici, en laissant faire, cela se traduirait par « tout pour le gouvernement, mais rien pour les autres », ces autres-là, les citoyens ordinaires, qui ne demandent pourtant que si peu de choses : des routes praticables en toute saison pour circuler librement ou vendre leurs produits agricoles, gages de leurs seuls et modestes revenus. Des routes ? Que nenni… De même, pas de fournitures de bureau dans les administrations, à Libreville ou, pire encore, en province ; pas suffisamment d’écoles salubres, car celles qui existent donnent l’impression d’être abandonnées, avec des bâtiments aux ouvertures, plafonds et planchers défoncés, sans mobilier ni fournitures usuelles pour les enseignants ; une université abandonnée à elle-même, surtout la première du pays, devenue exiguë et forcée de faire payer aux étudiants des frais parfois incompréhensibles, etc… Nous arrêterons-là cette description largement incomplète et honteuse, qui déchire le cœur des Gabonais désireux de se sentir fiers de leur pays. On espérait que certains de nos dirigeants seraient assez avisés pour comprendre que notre pays est en compétition permanente avec ses voisins d’Afrique centrale, où les autres font de leurs pays des références en matière de développement. Au même moment, les nôtres concentrent les efforts de la nation sur des objectifs sans lendemain, d’autant que ces véhicules acquis à coups de milliards, sont emportés par les bénéficiaires lorsqu’ils quittent leurs fonctions. Tout ceci parait encore plus odieux, lorsqu’on y adjoint le résultat des enquêtes préliminaires de l’opération « Scorpion », qui rapporte la distraction de plusieurs dizaines de milliards de FCFA, perdus ainsi « pour à rien »…

  3. Mezzah dit :

    Ne soyons pas dupes les Bongo sont actionnaires dans toutes les sociétés ce qui explique entre autre les dépenses liées à l’acquisition des véhicules même si le personnel du ministère des finances en profite.
    Il n’y a rien à espérer de ces gens. Il faut les éradiquer je dis bien éradiquer.
    Tous ceux qui ferment les yeux aujourd’hui le payeront très cher demain.

    • Gayo dit :

      Tu as vu très juste. Une famille affairiste aux commandes. Ça a bien seigné le pays. Entre Ali qui doit comtinuer à bâtir son immense fortune et les alliés qui doivent aussi en profiter, ne reste plus rien pour la construction du pays.

  4. moundounga dit :

    Bjr. yes avec Mezzah. Amen.

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