Suite aux déguerpissements : L’ère du soupçon

Menées sans discernement aucun, ces opérations sèment la désolation au sein de la population, conduisant certains à s’interroger sur le sens de leur vote.

La confiance semble en voie d’érosion. Pas vraiment de bon augure, à quelques encablures des législatives. © GabonReview (montage)
Deux mois après son entrée en fonction, le président de la République doit composer avec la critique, le bilan des 50 premiers jours étant jugé avec sévérité, notamment par la Coalition pour la nouvelle République (CNR). Auréolé des 94,85 % obtenus lors de la présidentielle du 12 avril dernier, Brice Clotaire Oligui Nguéma peut toujours se prévaloir d’une légitimité certaine. Mais les déguerpissements en cours n’en finissent plus de semer des doutes sur sa détermination à «rendre au Gabonais sa dignité». Menées sans discernement, ces opérations sèment la désolation au sein de la population, conduisant certains à s’interroger sur le sens de leur vote. «Je pleure pour avoir voté ma propre destruction», a-t-on, par exemple pu lire sous la plume d’un internaute. «Le 12 c’était le 12», lui ont aussitôt rétorqué d’autres, volontiers goguenards, ajoutant : «On vous avait dit que le réveil sera brutal».
Atmosphère délétère
Lancée le 4 juin dernier par Plaine-Orety, l’opération de déguerpissement s’est étendue à d’autres quartiers et même à l’hinterland. Officiellement, elle vise un double objectif : mettre fin à l’habitat spontané et permettre à l’État de reprendre possession de certaines zones afin d’y construire des équipements collectifs. N’empêche, du fait d’un déficit de communication, en raison de manquements à la procédure, elle déclenche fureur et rancœur, de nombreux citoyens s’avouant blessés dans leur amour propre. Si le gouvernement se dit prêt à procéder à des indemnisations, son discours ne convainc guère. Aux yeux d’une certaine opinion, l’exécutif s’est rendu coupable de «crime social», «atteinte à la dignité humaine» et «trahison du pacte républicain» en faisant «basculer des familles dans la précarité la plus extrême». Quant au Parlement, il est brocardé, accusé de se complaire dans un «silence assourdissant». La fonction tribunitienne est ici questionnée. La relation au peuple aussi.
Dans cette atmosphère délétère, l’intervention du président de la République n’a pas arrangé les choses. Bien au contraire. Elle a rajouté à l’incompréhension, alimentant toutes les hypothèses, y compris les moins vertueuses. Si certains ont vite établi le distinguo entre déguerpis et victimes de catastrophes naturelles, d’autres y ont vu un aveu, interrogeant la responsabilité de l’État. Au-delà, il s’en est trouvé pour aborder les aspects programmatiques, quitte à gloser sur la bonne gouvernance. «Votre projet de société ne mentionne nullement (ces) opérations de destruction», a lancé un internaute à l’endroit du chef de l’État, ajoutant : «Aucune ligne budgétaire relative à ces projets n’apparaît (…) dans la loi de finances et, aucun appel d’offres public ne semble avoir été lancé pour (désigner les entreprises adjudicataires)». Et de conclure : «Qui finance ces constructions ? Qui les exécute ? Relèvent-elles du patrimoine de l’Etat ou (d’initiatives privées) ?»
Doute sur la nature et les visées des projets en cours
La suspicion est manifeste. En tout cas, ces interrogations font croire à un délitement du lien de confiance entre gouvernants et gouvernés, laissant craindre un retour à l’ère du soupçon généralisé. Déconcertée par la multiplication des chantiers, une partie l’opinion veut en avoir le cœur net. Surtout depuis les révélations du Conseil des ministres faisant état d’un usage abusif du gré à gré. Si l’on s’en tient à sa recommandation relative au renforcement de «la discipline administrative» et à la stricte application des «règles relatives à la commande publique», son empressement interroge. Le Plan national de passation des marchés publics (PNPMP) n’étant jamais annexé à la loi de finances, chacun peut y aller de sa lecture et de ses déductions.
Reddition des comptes, intégrité et transparence du système de passation des marchés publics. Tout au long de la Transition, cette question n’a curieusement jamais fait l’objet d’une attention soutenue. Du coup, d’aucuns s’engouffrent dans la brèche ainsi ouverte, instillant le doute sur la nature et les visées réelles des projets en cours. Récemment encore et à la suite de l’ancien Premier ministre Alain-Claude Billie-By-Nze, de nombreux citoyens pointaient des risques de «spéculation foncière», invitant le gouvernement à mettre un terme aux déguerpissements et à repenser sa stratégie. Le fin mot de l’histoire n’est pas encore connu, mais la confiance semble en voie d’érosion. Pas vraiment de bon augure, à quelques encablures des législatives.

4 Commentaires
Les mapanes en plein centre ville: les wc des uns sont la cour des autres; les odeurs nauséeuses qui saturent les poumons à proximité d’une vendeuse de grillades de poissons rassis dans la sueur moite du climat équatorial.
Nous nous compplaisions n’est-ce pas? Vous êtes sûrs que nous ne méritons pas mieux?Certains continuent de confondre dignité et laisser-aller, insalubrité, « je fais comme je veux qu’est-ce qu’il va m’arriver ». Eh bien, la dignité c’est d’abord un habitat décent, une nourriture saine et décente, des soins décents et une éducation de qualité. A mon avis, c’est le sens de tout ce qui est esquissé en ce moment par les Autorités publiques.
Même nos villages ne sont pas des espaces aussi Kafkaiens où rêgne l’anarchie, la saleté… et les maladies y aférentes.
Je comprends aujourd’hui que du temps des rois-paresseux, beaucoup de mes compriotes, y trouvaient leur compte…en faisant dans le meême temps mine de dénoncer tous ces mots. Cela s’appelle la sorcellerie! Et nous n’avons plus besoin des sorciers dans nos villes et villages. Nous aspirons au mieux être. D’autres pays sont prêts à les accueillir, qu’ils y aillent!
Le travail doit être fait, et il le sera, l’accompagnement des impactés aussi.
Maintenant concernant l’article en lui-même, je dois avouer ne pas comprendre l’amalgame volontaire qui y est fait, entre la dénonciation des expulsions et la passation des marchés de construction; si ce n’est « utiliser la misère des pauvres gens pour souffler sur les braises » et prendre position pour un parti. Bilié-Bi-Machin serait-il actionnaire de ce journal dont j’ai souvent admiré le professionnalisme? Je suis perplexe!
Patriotiquement Vôtre!
Nathan. Allez faire vitre kounabelisme ailleurs.. Qu’est ce qui a été construit à ce jour ? Foutez nous la paix et trouvez vous un boulot… Être payé pour dire n’importe quoi sur les réseaux sociaux, ce n’est pas un boulot… digne..
Bonjour Monsieur Maganga Octave,
Rassurez-moi en répondant à la question suivante : avez-vous voté la nouvelle Constitution gabonaise?
Même si vous ne l’avez pas voté, il ne serait pas inutile de parcourir les articles 9, 13 et 14.
En résumé, le patriotisme (qui n’a pas la même définition que le kounabélisme) et la tolérance sont parmi les valeurs qui cimentent la vie de notre pays. De plus, la liberté d’opinion et de pensée y est garantit.
C’est donc pourquoi GabonReview, en tant que journal libre en ligne, assume entièrement le contenu de sa ligne éditoriale. Et les commentateurs.trices sont en droit de lui reprocher son « mercantilisme intellectuel ». C’est in fine ce que Monsieur N. NDZIME NGOGO dénonce. On a dépassé le stade du filigrane de la pensée.
La récurrence des articles sur l’ex premier ministre en est le révélateur inquiétant. En soi, elle ne garantie ni l’objectivité ni la neutralité du journal. Pour beaucoup de commentateurs.trices, c’est une grande déception.
Je lis souvent Monsieur N. NDZIME NGOGO. C’est un panafricanisme et anti-
colonialiste. Très féru d’histoire sur les échanges controversés entre le continent africain et européen. On est pas forcé de partager ces théories. C’est mon cas.
En revanche, sur la question de la modernisation du Gabon entreprise commencée depuis deux ans, nous devrions tous faire des efforts pour soutenir l’action du
gouvernement. Libreville ne se fera pas en un jour! Ni le Gabon en 14 ans. Mais il est besoin de poser une première pierre pour créer un mur, une maison, une ville, un pays prospère. Et comme on le dit, « le maçon est jugé au pied du mur ». Les actes valent mieux que les paroles.
Monsieur O. Maganga, soyez actualiste. Regardez le pays! En 56 ans, faites un
bilan rigoureux. Je ne pense pas que ce soit de gaité de cœur que le Chef de l’exécutif ordonne la fin de l’emprise des populations sur le domaine public.
Notre grille de lecture de la situation actuelle diffère en fonction de nos intérêts respectifs. Il y a ceux qui aspirent à « l’essor vers la félicité » et ceux qui continuent à nous raconter que c’était mieux avant. Monsieur ACBBN, après 20 ans de carrière politique, quel bilan peut-il faire de son action publique? Même un bilan de campagne présidentielle devient pour lui
une équation quantique qu’il ne saurait résoudre. Tout juste capable de verser dans le juridisme et une posture politique immature.
Monsieur O. Maganga, mettez de l’eau dans votre vin.
« A la fin de l’envoi, je touche ».
Mes salutations.
Top dans le mille, rien à ajouter, c’est exquis