Célébration du 30 août : Les fractures de la libération

Dans la compréhension des dynamiques internes à notre société, comme dans la définition de nos valeurs, il y a manifestement des lignes de fracture. Comment s’accorder sur un grand récit national quand d’autres ont le sentiment d’assister à une opération de réécriture de l’histoire ?

«Quand Jean-François Ndongou ou Angélique Ngoma peut être décorés de la médaille de la libération, cela montre bien qu’il existe en réalité deux 30 août : celui du peuple gabonais qui a célébré la fin du système Bongo-PDG et celui du PDG, qui a simplement accueilli un nouveau chef», dixit Anges Kevin Nzigou. © D.R.
Durant la célébration de la 2ème édition de la Fête de la libération, de nombreux observateurs ont fait entendre leur désarroi, interrogeant le sens et la portée du coup de force du 30 août 2023. Parmi eux, les membres de l’Association Réconciliation, organisatrice des nuits d’hommage aux victimes des crises post-électorales à Libreville, Port-Gentil et Oyem. Censées s’étaler du 30 août au 4 septembre prochain, ces veillées rappellent les contre-forums organisés sous Ali Bongo. Comme s’ils entendent proposer une vision et une perspective différentes de celles du gouvernement, leurs promoteurs empruntent aux méthodes naguère utilisées par les contempteurs de Richard Attias. À l’évidence, il y a là un message sous-jacent, une volonté d’interpeller les pouvoirs publics voire de les inviter à relire certains événements, notamment l’assaut contre le quartier général de Jean Ping dans la nuit du 31 août 2016.
Droit de savoir
À Tchibanga, le président de la République a justifié le renversement d’Ali Bongo par un «attachement à un idéal de justice et de restauration de la dignité». Mais, une certaine opinion semble ne plus être de cet avis. Dénonçant la «réhabilitation de figures politiques hier encore décriées», notre confrère Harold Leckat évoque une gouvernance à la tête du client, se demandant pourquoi certains «mouvements citoyens (…) et médias (…) qui (ont) contribué à fragiliser le système Bongo (…) se sentent-ils marginalisés, parfois même muselés». Plus direct et tout aussi circonspect, l’avocat Anges Kevin Nzigou a lancé : «Quand Jean-François Ndongou ou Angélique Ngoma peut être décorés de la médaille de la libération, cela montre bien qu’il existe en réalité deux 30 août : celui du peuple gabonais qui a célébré la fin du système Bongo-PDG et celui du PDG, qui a simplement accueilli un nouveau chef», ajoutant : «La véritable célébration du peuple aura lieu le 27 septembre dans les urnes».
Ayant accueilli le coup de force avec soulagement puis consenti à accompagner la Transition, de nombreux mouvements et personnalités n’en finissent plus de de marquer leur étonnement au vu de la tournure prise par les événements. Convaincus d’avoir contribué à créer les conditions de l’avènement du 30 août, ils jugent leur apport sous-estimé ou mal évalué. Encore sous le choc des brimades endurées, ils goûtent peu au traitement de faveur accordé à leurs bourreaux d’hier. Si certains, à l’instar de Bertrand Zibi Abéghé, peuvent se réjouir de la «reconnaissance de la nation», ce sentiment de fierté est loin d’être partagé. Du coup, d’aucuns s’essaient à la catharsis. «Le 30 août 2025 ne peut être un simple rituel de célébration. Il doit être un moment d’introspection collective», a encore affirmé Harold Léckat, comme pour revendiquer son droit de savoir et son droit aux garanties de non-répétition.
Rendez-vous le 27 septembre
À quelques encablures des prochaines législatives, cet appel souligne de profondes divergences. Dans la compréhension des dynamiques internes à notre société, comme dans la définition de nos valeurs, l’attachement à nos croyances ou l’appréciation des comportements des uns et des autres, il y a manifestement des lignes de fracture. Comment se comprendre ou mieux interagir quand certains ont l’impression de ne pas être reconnus à leur juste valeur ? Comment s’accorder sur un grand récit national quand d’autres ont le sentiment d’assister à une opération de réécriture de l’histoire ? Comment s’accorder sur les défis de l’heure ou les enjeux du futur quand les causes, problèmes et acteurs ne sont pas identifiées de façon consensuelle ? Ou quand leur identification suscite la controverse ? Si la Fête de la libération doit s’inscrire dans «le renouveau de la démocratie et de la citoyenneté», il faut répondre à ces questions.
Ayant adhéré au projet de «restauration des institutions», les personnalités et forces sociales naguère engagées dans la lutte pour la démocratie et la bonne gouvernance en appellent encore aux grands principes. Pêle-mêle, elles parlent du «renforcement de l’indépendance de la justice», de «lutte contre l’impunité», de «promotion des droits de l’homme», de «protection des libertés publiques» et de «citoyenneté responsable». Or, dans un passé pas très lointain, ces nobles objectifs ont trop souvent été moqués par de nombreux récipiendaires de la médaille de la libération, devenus comme par enchantement des compagnons de la libération. Pas vraiment du meilleur goût, une telle transfiguration emporte inéluctablement des conséquences. Comme diraient Anges Kevin Nzigou et Harold Léckat, rendez-vous le 27 septembre.

1 Commentaire
On va vous dire en quelle langue qu’Oligui est un pedegiste, que l’UDB c’est le PDG et que le 30 août fut une mascarade, une révolution de palais dirigée contre Sylvia et son fils ?