Si le Gabon a adhéré au Commonwealth, rien n’oblige les autres membres à lui faire la courte échelle. Pourquoi des géants miniers australiens ou britanniques viendraient-ils subitement au Gabon d’où certains d’entre eux sont partis il y a quelques années ?

Sans épiloguer sur sa portée géopolitique, l’adhésion au Commonwealth ne change rien à la réalité nationale. © Gabonreview

 

Le Commonwealth est-il une chance pour le Gabon ? Nous offre-t-il de nouvelles «opportunités» ? Si l’histoire tranchera, on peut anticiper. En juillet 2016, notre pays réintégrait l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), 20 ans après l’avoir quittée. Si le gouvernement s’était alors voulu peu disert, il avait quand même fait part de sa volonté de booster la production pétrolière. Six années plus loin, cet objectif est-il atteint ? La production ayant baissé de 6,7% en 2021, personne ne peut le soutenir. Bien au contraire. Sans l’imputer à l’Opep, on doit se rendre à l’évidence : depuis plusieurs années, le secteur pétrolier est en repli constant, les espoirs de relance reposant sur l’exploration de l’off-shore profond. Sauf mauvaise foi, on doit convenir : sectoriel ou national, le développement repose sur la gouvernance et non sur l’appartenance à une quelconque structure, aussi prestigieuse ou populeuse soit-elle.

Un régime autoritaire

N’en déplaise au gouvernement, le Gabon n’a jamais brillé par sa gouvernance. Selon Economist intelligence unit (EIU), notre pays vit sous un «régime autoritaire.» Autrement dit, la vie publique y présente trois caractéristiques : verrouillage des institutions, refus du pluralisme d’opinion et recours à l’arbitraire. Les relations entre gouvernants et citoyens ? Elles reposent non pas sur la légitimité démocratique mais sur la contrainte. Comment être attractif dans un tel contexte ? Comment croire en un «rayonnement international» quand toutes les élections sont notoirement entachées de fraudes ? Ou quand le régime est présenté comme «l’une des dynasties politiques les plus anciennes et les plus corrompues d’Afrique», selon la sentence du célèbre quotidien britannique The Times ? Le Commonwealth peut-il aider à corriger cela ?  Sans être définitif, on lèvera une ambiguïté : une organisation intergouvernementale n’est pas une organisation d’intégration. N’ayant pas de critères de convergence, ses membres n’ont ni l’obligation de se rapprocher ni un devoir de solidarité.

Si le Gabon a adhéré au Commonwealth, rien n’oblige les autres membres à lui faire la courte échelle. Rien ne les contraint à lui accorder des facilités. Surtout pas à lui donner un blanc-seing. Pourquoi des géants miniers australiens ou britanniques viendraient-ils subitement au Gabon d’où certains d’entre eux sont partis il y a quelques années ? Pourquoi des universités de langue anglaise donneraient-elles la priorité aux étudiants gabonais ? Parce que le Gabon a rejoint le Commonwealth ? Mais cette adhésion n’a ni amélioré la gouvernance politique ni favorisé le passage de la tradition juridique civiliste au régime de Common Law. Elle n’a pas non plus transformé des populations francophones en anglophones. Au-delà, elle n’a pas fait du Gabon un pays de tradition ou de culture anglo-saxonne. Sans épiloguer sur sa portée géopolitique, l’adhésion au Commonwealth ne change rien à la réalité nationale.

Caprice sans portée sur le devenir du pays

Si l’appartenance au Commonwealth était un gage de démocratie ou de progrès social, cela se saurait. A ce jour, rien ne permet de l’affirmer.  A la veille du sommet de Kigali, d’aucuns n’ont pas manqué de le relever. Dans une lettre ouverte, 23 organisations de défense des droits humains ont dénoncé la répression et les violences dirigées contre les opposants politiques dans de nombreux pays. Passé entre le Royaume-Uni et le Rwanda, l’accord de relocalisation des demandeurs d’asile a déclenché un concert de condamnations, Amnesty international y ayant vu un «arrangement inhumain» et «raciste.» Dans le conflit ukrainien, l’Inde a aidé la Russie à contourner les sanctions occidentales, prenant le contre-pied total du Royaume-Uni, indéfectible soutien de l’Ukraine. Où était cette solidarité mécanique tant vantée ? Où l’on arrive à cette déduction : au-delà des liens linguistiques ou de l’appartenance à une organisation, de nombreux choix répondent aux intérêts du moment.

En fait, il en va des États comme des entreprises : chacun cherche à défendre ses positions puis à en conquérir d’autres. Par conséquent, il est de la responsabilité chacun de se protéger et de les sécuriser. Pour ce faire, il faut se doter d’un cadre juridique clair tout en faisant montre d’un attachement à la règle de droit. Sur ces points, le Commonwealth ne peut se substituer à un État souverain. Champion des bricolages juridiques et montages institutionnels douteux, le gouvernement gagnerait à le comprendre. Autrement, cette adhésion finira par être perçue comme une foucade de plus, un caprice sans portée réelle sur le devenir du pays et de son peuple.

 
GR
 

7 Commentaires

  1. udfr dit :

    Enfin un article éclairé sur cette adhésion soit disant salvatrice, qui va sortir le Gabon de tous ces maux….sans compter que la langue nationale deviendra l’anglais à long terme…bon courage..

  2. Yvette Ndong dit :

    Demandez à Mme veuve Ali Bongo qui en est l’initiatrice avec son fils adoptif Nourredine qu’elle souhaite placer à la tête du pays.

  3. Alain dit :

    Cette article d’analyse journalistique est complètement orientée et faite sans une
    connaissance réelle et recherche profonde du pourquoi de l’adhésion du Gabon au Commonwealth. Mais également de l’ensemble des règles qui régissent l’entrée d’un Etat dans cette organisation. Dire que le Gabon est l’Etat le plus dictatorial connu en Afrique, c’est juste montrer son opposition à dirigeants politiques. C’est vrai. Le Gabon n’est pas un modèle de démocratie. Mais le Rwanda ou même l’Ouganda, plus encore les pays comme Singapour, Inde… Eclairons les gabonais sur les avantages et les inconvénients de notre adhésions dans cette organisation avec toute objectivités. Au lieu de distraire.

    • Fiacre dit :

      Pour y gagner vraiment, il nous faut sortir d’abord définitivement de la nébuleuse françafrique. Tant que nous y serons, le pays sera toujours malade. il n’y a rien à gagner avec la France. Mais peut-être avec l’Angleterre. Peut-être…

  4. ACTU dit :

    Cet article vient à la virgule près vient des tiroirs de la cellule africaine de l’Elysée. Discours repris par les media Français (les TF, Frances 2…3.. 24 etc..).
    La France pleure le départ non seulement du Gabon du Togo mais aussi du Mali, bientôt le Sénégal et bien d’autres. Nous tous nous savons sauf la France.
    Malheureusement la saignée vat être lourde et longue.

    On dit souvent qu’il n’y que des imbéciles qui ne changent pas. Je n’ose quand même pas croire que la France soit si imbécile au point de ne pas voir qu’elle doit changer parce que le monde lui-même change sans arrêt.

    Bon courage !

  5. Lavue dit :

    Dans ce que dit Roxanne, il y a une très grande part de vérité. Il serait bon que le gouvernement, mais surtout ceux qui gouvernent réellement le pays en tiennent compte. Depuis 2009, on a l’impression de régresser dans beaucoup de domaines. Le sentiment général est que les équipes gouvernementales qui se succèdent n’apportent pas un vent de renouveau. ALI en qui beaucoup d’espoirs de Gabonais avait été placé en 2009, a complètement déçu, déboussolé, il est obligé de reprendre la « poltik » de papa OMAR, axée sur le clientélisme et l’instrumentalisation à l’extrême des institutions. Et là, il n’ y a pas le moindre doute, c’est tellement visible. Comptez vous-mêmes le nombre de premiers ministres depuis qu’il s’est installé à la tête du pays, le nombre de scandales financiers commis par ses proches, les ascensions aussi fulgurantes que fantaisistes de jeunes sans parcours professionnel avéré, l’instrumentalisation de la justice et le nombre de prisonniers d’opinion incarcérés sans procès et souvent libérés dans le flou le plus total, en dehors tout respect des principes juridiques.

    Si on aborde le coté social, c’est l’incapacité qui frappe aux yeux. Comment comprendre que les caisses CNSS et CNAMGS ne puissent pas assurer les pensions de moins d’un million d’habitants dans un pays aussi riche? L’école et l’université gabonaise en continuelle déliquescence n’a jamais été la préoccupation du Gouvernement. Incapable ne serait-ce que de construire de simples salles de classes ou d’assurer aux enseignants des conditions financières et matérielles à la hauteur de leurs honorables tâches.
    Quant aux infrastructures, en 13 ans la route demeure un vœux pieux, l’intégration nationale et le développement de l’arrière pays peuvent toujours attendre. Par contre l’endettement du pays lui a atteint des sommets jamais égalés, avec la complicité des parlementaires totalement infantilisés. Pour quels résultats tangibles?

    Alors faire du bruit, venir tenir un discours aux Gabonais sur l’intégration au Commonwealth n’est qu’une distraction de plus. C’est peut-être bien d’avoir intégré cette organisation, mais c’est l’avenir qui nous le dira. Une chose est sûre, rien ne remplace la qualité des hommes, le RWANDA n’a pas amorcé son développement parce qu’il a intégré le Commonwealth, mais parce qu’il a un vrai chef à sa tête, qui œuvre pour le développement réel du pays, qui sait où il va. Il inspire confiance aux partenaires étrangers par une gouvernance de qualité. C’est par là que ça passe, est-ce le cas du Gabon? Je crains que non.

    Merci Roxanne de nous apporter tes analyses, ô combien pertinentes.

    • ACTU dit :

      La question n’est certainement pas ici de douter de l’échec des gouvernants de Bongo et fils.
      Le sujet annonce serait selon l’auteur qui considère <>,c’est-à-dire une caprice , ou une décision prise sur un coup de tête…
      Pour ma part, Je ne pense pas qu’on peut dire que ce soit une décision prise sur un coup de tête. Il n’y a que les autorités de Paris qui le pensent. Comme si les gouvernants du Gabon et les Gabonais ne pouvaient plus jouir de leur droit de choisir quel partenaire ils veulent.
      Oui, la Classe politique française estime que le Gabon ne doit décider de rien sans la France.
      L’exemple le plus récent c’est lorsque le Gabon a voté la résolution aux Nations-Unis, On a entendu des discours de menace et de mépris venant de la France avec les mêmes raisons et arguments évoqués par l’auteure ici .
      Vous dites :<>
      Je partage votre approche.
      L’auteure de cet article dit que le Rwanda serait démocratique. Ce qui n’est pas le cas.
      L’auteure de cet article pense que l’adhésion du Gabon serait faite sur un coup de tête je ne le pense pas un seul instant.
      L’adhésion du Rwanda et du Gabon voire du Togo ont ceci de commun c’est qu’ils sont tous contre la France en Afrique.
      1-Pour le Rwanda, il vous souviendra que Kagame a souvent pointe la France du doigt comme étant responsable du génocide de son ethnie. Cela l’auteure de cet article ne l’a jamais évoqué dans ses articles ce qui biaise totalement l’analyse.
      2-La Famille au pouvoir au Gabon a juré de régler ses comptes a la France pour le sujet des biens mal acquis et d’autres humiliations subies par leur père de la part de la France qui la mis au pouvoir en plus du fait qu’Ali ait toujours estime et juste titre que le modèle Anglo-Saxon serait mieux pour le Gabon
      3-C’est la même chose pour le Togo
      Bref, tous ces trois pays, anciennes colonies françaises veulent de la fin de la France Afrique.

      L’auteure de l’article aurait souhaiter que la Common Law soit éditée avant l’adhésion .
      J’aimerais quand même lui rappeler que la transcription de lois en lois nationales est un processus progressif qui est introduite au parlement.
      Mais ici il ne s’agit pas de cela. Les Etats membres s’assurent tout simplement qu’il y a similarité et compatibilité des droits.
      Le Brexit par exemple donnera lieu à la transcription en lois britanniques des lois et règlements l’espace de l’Union Européenne. Ceci n’arrivera que longtemps après le Brexit, dans un souci d’harmonisation des lois et règlements.

      Bref, l’article a beaucoup de contrevérités. Cela prendrait trop de temps a les expliquer.
      Quelque soit la laideur d’un pouvoir, lorsque ceux-ci posent un acte qui pourrait profiter même à quelques Gabonais il convient d’en prendre note et non de noyer le vrai sujet dans un débat différent de celui dont il question. C’est cela aussi l’honnêteté intellectuel ou faire la part des choses.
      Avantages :
      Nos étudiants sont ceux et celles qui tireront le plus grand avantage de cette adhésion. Car ils auront accès à de outils de recherches très performants (Ressources, Publications, revues scientifiques, Scholarships,) qui leur mettront au même niveau que les autres étudiants et chercheurs du monde entier .
      Oui, le Commonwealth est un espace de compétition. C’est cette compétition qui créant l’émulation sans barrière pousse les pays a travailler.
      Le fait que le Cameroun juste a cote de nous soit membre de cet organisme lui donne une plus-value dans divers domaines que nous n’avons pas.
      Etc….
      Il faut tout simplement retenir que l’adhésion du Gabon et du Togo au Commonwealth, le renforcement des relations entre le Mali et la Russie ou encore l’adoption hier(03/07/2022) de la République Centrafricaine du BITCOIN (cryptomonnaie) appelée SANGOCOIN sont quelques illustrations du début de la fin de la France en Afrique !

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