Affaire Léckat : On n’a pas fini avec ça ?
Arrestation spectaculaire, détention au mépris des garanties de représentation, instruction à charge et lecture tendancieuse de la loi. Comme sous le régime déchu, la justice donne l’impression d’être en mission.

Certes, Harold Léckat n’est pas au-dessus de la loi. Journaliste mais néanmoins justiciable, il peut être poursuivi pour «des infractions de droit commun». Encore faut-il respecter la procédure et ne pas transiger avec les principes. © GabonReview
On n’a pas fini avec ça ? Vingt-six mois après la chute d’Ali Bongo, un citoyen a été cueilli à la descente d’avion, conduit dans les geôles, gardé à vue et, mis en détention provisoire. Depuis le mercredi 15 octobre 2025, Harold Leckat vit cette curieuse expérience. Officiellement poursuivi pour «escroquerie et violation des procédures de passation des marchés publics», le directeur de publication de Gabon média time (GMT) a été écroué le 20 du mois courant, après avoir passé cinq jours à la Direction générale des recherches (DGR). On n’a vraiment pas fini avec ça : arrestation spectaculaire d’un suspect prêt à déférer à une convocation, détention dans les locaux de la gendarmerie, allongement des délais puis placement sous mandat de dépôt au mépris des garanties de représentation. Comme le dit en substance l’ancien ministre Ali Akbar Onanga Y’Obégué, «cette affaire révèle soit une incompétence inquiétante soit une instrumentalisation de la justice».
Vices de procédure
Certes, Harold Léckat n’est pas au-dessus de la loi. Journaliste mais néanmoins justiciable, il peut être poursuivi pour «des infractions de droit commun». Encore faut-il respecter la procédure et ne pas transiger avec les principes. Encore faut-il être précis et savoir qualifier les faits. Placer un suspect en garde à vue et l’entendre sans convoquer les autres parties, c’est mener une instruction à charge. Parler de violation d’une règle quand les personnes censées l’appliquer vaquent à leurs occupations, c’est faire une lecture tendancieuse de la loi. Pour passer un marché, il faut être deux. Pour bénéficier d’un marché public, il faut traiter avec les maillons de la chaîne de la dépense. Or, on n’entend parler ni du directeur général ni de l’agent comptable en poste à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) au moment des faits. Dès lors, on est fondé à y voir une basse manœuvre visant à faire taire une voix libre.
Sous Ali Bongo, des journalistes étaient inquiétés pour diverses raisons. À chaque fois et du fait des vices de procédure, des soupçons de règlement de comptes étaient émis. On parlait alors d’atteinte à la liberté de presse. Il en fut ainsi quand, à coup d’arguties juridiques, la justice menaça Alphonse Ongouo, Désiré Ename ou Jonas Moulenda, au point de les contraindre à l’exil. Ou quand les titres dirigés par leurs soins étaient suspendus par l’organe de régulation des médias. Et quand il ne s’agissait pas d’hommes de presse, on parlait d’entrave à la liberté d’expression, comme lorsque Jean-Rémy Yama fut accusé d’«abus de confiance» et de «détournement de fonds», avant d’être jeté en prison, radié de la Fonction publique puis, réhabilité au lendemain du coup de force d’août 2023.
Protéger les droits des personnes
Légitimes ou pas, les soupçons d’instrumentalisation sont renforcés par les dérives procédurales. Depuis toujours, ils prennent racine dans l’attitude de magistrats prompts à recevoir des ordres, à s’acharner sur les uns tout en fermant les yeux sur les agissements des autres. N’en déplaise aux hommes en noir, l’affaire Harold Léckat n’échappe pas à cette tradition. Comme sous le régime déchu, les règles sont contournées, dévoyées, objet d’interprétations fallacieuses. Comme toujours, la justice donne l’impression d’être en mission. Comme souvent, elle laisse le sentiment de ne pas chercher à dire le droit, mais à faire la loi. Entre mise en scène, volonté à peine masquée de protéger certains ou de nuire à d’autres, dissimulation et lecture orientée de la loi, l’attitude du procureur près le Tribunal de première instance de Libreville rappelle celle de ses prédécesseurs dans des affaires impliquant des esprits libres. En clair, en chaussant les bottes d’André Patrick Roponat et Oliver Nzahou, Bruno Obiang Mvé a entamé la crédibilité de son action.
Comment dissiper le soupçon ? Comment faire la lumière dans cette affaire ? Comment lui accorder un traitement équitable ? Au Gabon, la justice est régie par des textes, consultables par tous et applicables à tous, indépendamment de l’histoire personnelle, du niveau d’études, du statut social, du sexe, de l’origine ou de l’affiliation partisane. Au lieu d’en faire une lecture bien à eux ou une application à la tête du client, les magistrats et leurs auxiliaires gagneraient à s’y conformer, hors de toute autre considération. En clair, ils doivent se souvenir de ce principe constitutionnel : dans l’exercice de leurs fonctions, ils ne sont soumis qu’à l’autorité de la loi. Et de personne ni rien d’autre. C’est la seule manière de garantir l’acceptabilité de leurs décisions. C’est surtout le meilleur moyen de protéger les droits des personnes, en l’occurrence ceux d’Harold Léckat et de la CDC.

















3 Commentaires
Si vous fouillez cette affaire, elle est personnelle : y a deerire ça un « puissant » par procuration qui s’est senti humilié un jour par Leckat et veut lui montrer sa force de frappe
Que le président fasse attention à ses amis, parents et connaissances. Ils en font déjà trop
Hummm!
Ça me rappelle l’affaire « HPO »(bien que le personnage, ne soit pas un Saint)…
Encore un dossier creux, vide de sens, juste pour la volonté de nuire pour nuire !
Vive la 5ème République !
Octave,le problème c’est pas seulement les parents ,connaissances,oligui lui-même les traitements qui’il avait REVERSE AUX SYNDICALISTES DE LA SEEG, LE CAS DE GAETAN À MOANDA.RIEN QUE LES 2CAS DANS LES VRAIES RÉPUBLIQUES OLIGUI NE DEVRAIT ÊTRE AU POUVOIR.
Et comment tous les TYRANTS AFRICAINS ONT TERMINÉ?Les gens oublient cela.