A l’issue d’une session extraordinaire du Conseil municipal de la commune d’Oyem le 6 mai, le maire d’Oyem s’est retrouvé sous le coup d’une motion de déchéance adoptée par la majorité des conseillers participant aux travaux. L’accusant entre autres d’avoir fait décaisser de 210 millions de francs sans l’accord du Conseil municipal, les élus municipaux lui ont en autre, retiré la signature. La loi ne permet cependant pas à un Conseil municipal de destituer un maire.

Christian Abessolo Menguey s’exprimant le 6 mai 2021. © Capture d’écran Gabonreview

 

«Irrévérencieux, irrespectueux, voleur !». Ces mots qualifieraient, à en croire certains conseillers municipaux de la commune d’Oyem, le maire de cette ville Christian Abessolo Menguey. Tous participaient, le 6 mai, à une session extraordinaire du Conseil municipal du chef-lieu de la province du Woleu-Ntem. Ouverte par le préfet du Woleu, Brice Arcadius Moussirou, représentant le gouverneur de la province, les travaux de cette de cette rencontre qui ont duré un peu plus de 9h d’horloge, ce sont déroulés sous tension avec un point à l’ordre du jour : «les travaux qui devaient être initiés à la tribune d’Oyem et pour lesquels la majorité des conseillers n’ont pas donné quitus au maire», a fait savoir, à l’issue de la séance, le conseiller municipal et ancien maire d’Oyem, Rose Allogo Mengara.

210 millions décaissés sans l’accord du Conseil municipal ?

Rose Allogo Mengara (au centre), lors de la session du 6 mai 2023. © D.R.

A l’origine de la convocation de cette session houleuse, la démolition des travaux d’aménagement de la place des fêtes d’Oyem par l’Autorité nationale de vérification et d’audit (Anavéa), le 23 avril 2023. L’organisme de contrôle reproche, pour ainsi dire, à Christian Abessolo Menguey la poursuite des travaux sur le chantier alors que la suspension avait été imposée pour voir clair dans la procédure de sortie des fonds. Le maire aurait sorti, entre avril et septembre 2022, une somme de 70 millions de francs CFA sans que les travaux ne soient lancés ; puis 140 millions de francs CFA le même jour en février 2023 presqu’au moment où l’Anavéa procédait à sa mission de vérification. Un état de fait qui semble avoir attiré l’attention de l’autorité de contrôle qui a donc requis la suspension des travaux.

A en croire les conseillers municipaux, les travaux devaient être lancés après le quitus du Conseil municipal sur la base d’un rapport que devait fournir une commission devant spécialement statuer sur le projet. Au mépris de ce préalable, Christian Abessolo Menguey aurait lancé un appel d’offre pour la réalisation des travaux avec comme pièces versées au dossier, pour faciliter la sortie des fonds, une délibération portant le vote de 39 conseillers et une fiche de présence mentionnant la présence de 38 conseillers. Pour les conseillers municipaux, il y a du faux en écriture sur les documents, dans sa démarche, le maire d’Oyem aurait convoqué une commission pour statuer sur les travaux à réaliser.

Une motion de déchéance votée par la majorité des conseillers

«Nous nous sommes rendu compte que la base juridique n’a pas été respectée. La commission mise en place n’est pas au-dessus du Conseil municipal», a déclaré Rose Allogo Mengara. «C’est sur la base du mépris du Conseil municipal que nous avons demandé à monsieur le maire de pouvoir se retirer de façon digne», a-t-elle poursuivi indiquant qu’au mépris de l’autorité incarnée par le préfet, Christian Absessolo Menguey a, à la suite de cette demande, préféré lever la séance. «A la suite de cette mauvaise attitude à l’égard des aînés que nous sommes et des conseillers municipaux qui statuent sur tous les actes du Conseil de la ville d’Oyem, nous avons donc décidé d’une motion de déchéance et nous lui avons retiré la signature», a-t-elle fait savoir.

Christian Abessolo Menguey n’a pas assisté au vote de défiance mais le quorum étant largement atteint, avec 22 sur les 37 conseillers participant à la session, les travaux se sont poursuivis pour aboutir au vote. «Nous demandons simplement et purement son départ du Conseil et nous lui retirons la signature des actes parce que nous constatons qu’ayant la signature, il fait des passe-droits», a dit Fernand Angoué Obame, un autre conseiller municipal.

La décision n’a pas été au goût des conseillers proches du maire et issus, comme lui, du parti au pouvoir, le Parti démocratique gabonais (PDG). Si la destitution est actée, il reviendra ainsi au ministère de l’Intérieur de mettre une délégation spéciale pour la gestion de la mairie jusqu’aux prochaines élections comme ce fut le cas avec Léandre Zue. Il y a cependant que la loi organique relative à la décentralisation (n°001/2014 du 15 juin 2015) ne permet pas un Conseil municipal de destituer un maire.

 
GR
 

3 Commentaires

  1. Shaq Hilaire dit :

    Ça commence à venir !!! Afin des élus qui commencent à jouer leur rôle de vérification, de contrôle avant validation dans la gestion publique !!! Maintenant, attendons voir la suite ? Je suis presque sûr qu’ils reviendront sur leur décision quand la haute hiérarchie du parti fera son intervention !!!

  2. Yann Lévy Boussougou-Bouassa dit :

    Certains édiles et autres présidents de conseils locaux au Gabon n’ont pas tout à fait saisi que c’est le conseil qu’ils président qui, par principe, administre la collectivité.

    A une époque, dans un certain conseil départemental dans la province de l’Ogooué-Maritime , les élus dénonçaient la concentration du pouvoir de décision par son exécutif. Ce qui est intéressant à savoir c’est que de plus en plus d’élus exercent leur contrôle de l’action de l’exécutif. C’est ce qu’il faut faire si on veut retrouver une gestion orthodoxe des fonds publics dans ces administrations locales. A cet égard des sanctions, au-delà du cadre administratif, doivent être prises vis à vis des ordonnateurs indélicats si les faits qui leur sont reprochés sont avérés.

  3. Désiré NGUEMA NZONG dit :

    Voilà ce qu’est la démocratie (du moins un début): la transparence, d’une part; et l’efficacité des mécanismes de contrôle pour réduire la latitude discrétionnaire des dirigeants, d’autre part.

    Oyem montre l’exemple. Comme le point de départ d’un laboratoire démocratique. Je voudrais féliciter ces conseillers municipaux (pour leur courage) favorables au départ de leur Maire. Ils ont eu à coeur de favoriser le bien-être collectif de la commune d’Oyem en dénonçant une forme de gabegie (mauvaise gestion, en l’occurrence financière). Une chose en politique qui est primordiale. Ce cas oyemois montre que la politique de l’autruche (comme celle des trois singes) n’est pas une bonne politique (1). Le népotisme encore moins (2).

    C’est une province qui compte sept ministres au gouvernement de la République de notre pays dont le Ministre délégué aux Travaux Publics (3). Elle (la province) sera observée dans les mois qui vont suivre voire des années durant. Vont-ils apporter des propositions constructives (concrètes) pour l’effort du développement du pays? Cette question du rôle des ministres a été pertinemment mise en exergue par un journaliste de GabonReview.

    Cordialement.

    (1) La politique l’autruche est l’attitude qu’à une personne, face à une menace, à « s’enterrer sa tête dans le sable » pour ne pas voir la réalité. Il s’agit de fuir un débat, une confrontation. La politique des trois singes consiste à ne rien voir, à ne rien entendre et à ne rien dire;
    (2) Abus qu’une personne en place fait de son influence (pouvoir) en faveur de sa famille, de ses amis sans considération de l’équité ou du mérite;
    (3) GabonReview nous l’a annoncé la bouche en coeur.

Poster un commentaire