«L’impunité a assez duré» : c’est le cri d’indignation poussé par Ika Rosira face aux abus de pouvoir dont sont victimes les entrepreneurs et les citoyens ordinaires du Gabon. À travers l’exemple poignant d’un restaurateur évincé à deux reprises par des «propriétaires » tout-puissants, la chroniqueuse de GabonReview met en lumière les dérives d’un système où le copinage et l’arrogance de certains dirigeants étouffent les rêves et les talents. 2024 doit être l’année du sursaut populaire, clame avec force notre muse. L’année où les opprimés taperont du poing sur la table et dénonceront enfin «la gangrène» rongeant le Gabon des affaires.

© GabonReview

 

Un jour, tu trouves un lieu. Tu contactes le propriétaire. Tu conclus Un bail commercial et tu ouvres ton premier restaurant. Ça marche bien. Les clients affluent. Le menu plaît aux gens. L’argent commence à remplir tes yeux de fierté. La réussite est au rendez-vous et…

À la fin du premier trimestre d’exercice fructueux, le proprio t’annonce pour des raisons “fallacieuses” que le contrat est rompu. Que tu dois libérer les lieux. Tu vois ton rêve-réalité se transformer en cauchemar-réalité. Alors tu portes plainte et c’est ta propre famille, tes amis, tes proches qui te supplient de renoncer à lutter contre ce “grand quelqu’un” par peur des “représailles”.

Alors tu capitules. Tu connais tes compétences, tu peux te refaire. Tu trouves alors un autre lieu et tu reproduis le miracle. Tu es inarrêtable! Tu es passionné et ta passion fait des bébés avec l’argent. Pourtant le ciel s’embrase à nouveau. Le nouveau proprio emboîte le pas de son prédécesseur et décide lui aussi de réinventer la roue en t’expulsant pour des raisons “fallacieuses”. Leur ambition commune c’est d’ouvrir leurs propres restaurants en pensant que c’est le lieu qui définit ton succès.

Porter plainte dans un pays comme le Gabon… est un processus contraignant et ces propriétaires qui se pensent au dessus des lois parce qu’ils ont eu la grâce de bénéficier de titres fonciers et des moyens de construire dans des zones stratégiques, ne parviennent pas à recréer ta magie et leurs plans finissent par échouer lamentablement.

Ta troisième expérience est décisive. Jamais deux sans trois dit-on. Alors tu claques la porte à ton rêve et décide de te reconvertir en simple service traiteur pour exercer ton talent culinaire. Chaque soir, tu t’endors en priant que les étoiles s’alignent en ta faveur et te permettent un jour, de devenir à ton tour « propriétaire » pour redonner vie à ce rêve de restaurateur (que tu as rangé dans un tiroir avec des perspectives douteuses de réalisation concrètes). Si tu meurs ce soir, ce rêve ira se déposer sur la tête de quelqu’un qui ne cédera pas ou peut-être pas à la torture morale, mentale et même économique que ces gens t’ont fait subir.

Ce n’est pas une fiction. C’est un exemple parmi tant. Le Gabon des entrepreneurs est un puits sans fond d’abus en tout genre. Le Gabon des employés administratifs et manuels l’est tout autant. On nous vend l’entrepreneuriat comme solution aux problèmes personnels et aux crises économiques et financières. On nous vend les formations diplômantes et certifiantes comme garantie d’une source de revenus stables. On n’est confrontés à des réalités qui dépassent l’entendement humain.

Si ce n’est pas la promotion-canapé sans distinction de sexe, si ce n’est pas la parenté, si ce n’est pas de porter le bon nom de famille ou de multiplier les pratiques douteuses… On a l’impression que la réalité discrimine volontairement ceux qui veulent se démarquer positivement, conserver leurs valeurs profondes, accumuler des compétences et même aligner les diplômes.

Combien de doctorants, de masters, de détenteurs de licences et de baccalauréat chôment ou sont sous-payés dans ce pays? Combien d’entrepreneurs ou de porteurs de projets mendient les opportunités pour joindre les deux bouts et pourtant ce ne sont pas les besoins qui manquent dans ce pays.

On peut énumérer pendant toute une année et même toute une décennie les problèmes qui minent le progrès dans notre pays, mais tant qu’il y aura des gens de pouvoir qui n’assument pas leurs responsabilités et qui ne pensent qu’à s’engraisser la panse au détriment de la nation toute entière. On n’ira nulle part.

On offre des postes de direction aux gens, en espérant qu’ils apporteront des changements. Mais en réalité, on peut faire le tour des ministères et des entreprises pour effectuer un sondage sur le taux d’implication, le taux de motivation des gens ou les perspectives d’avancement des gens, pour chiffrer le taux de découragement, le nombre de burn out, le fait que dans les administrations publiques et privées, la gangrène s’octroie les idées, le travail, les projets et même les rêves des uns et des autres impunément.

Ils sont bien installés comme un Léviathan. Tu coupes une tête, il en repousse une autre encore plus teigneuse. Ils sont bien là, ces dirigeants qui ne réussissent à se faire passer pour des gens compétents que parce qu’ils usurpent les compétences des naïfs qui leurs confient leurs idées, leurs projets et leurs rêves.

Arrêtez de laisser les dés truqués d’avance dans le game. Arrêtez de faire mentir les étoiles. Arrêtez de penser que vous êtes éternels et que le commun des mortels vous subira impunément. On va finir par dénoncer tous les faux prophètes de l’entrepreneuriat, tous les dirigeants de nos administrations qui réclament le coca sous la table ou des services sexuels à leurs congénères.

Un jour ou l’autre, on va taper du poing sur la table et renverser vos bulles et vous obliger à manger à votre tour les miettes qui tombent de nos tables. Vous allez cesser de vous prendre pour des Dieux et redescendre sur terre. Et si vous ne prenez pas l’exemple de tous ces ministres et tous ces gens de pouvoir transformés en chiens, nourris à la gamelle des prisons locales comme tous les petits mécréants locaux, privés de leurs libertés de mouvement… Il est temps de « réaliser » que dans notre pays en mutation inespérée, le karma a de l’humour en poutoulou.

Alors aujourd’hui, première semaine 2024, l’heure est à prendre le taureau par les cornes et dénoncer dans les médias et sur les réseaux sociaux qui sont au service de la propagation d’informations pertinentes, bien sûr, toutes les malversations dont nous sommes témoins. De la surfacturation aux problèmes liés aux égos démesurés de nos dirigeants, du harcèlement moral et mental aux tentatives d’intimidation, de la diffamation à la manipulation narcissique de nos institutions et de nos ressources humaines, minières, forestières et j’en passe… Cette année doit être une année durant laquelle le pouvoir revient au peuple et non aux monsieur et aux madame je-sais-tout, je-peux-tout, je ne pète pas, je ne rote pas et je ne fais pas caca, s’il vous plaît.

Qu’on entende les cris dans nos têtes sortir de nos bouches. Qu’on entende nos douleurs profondes s’étaler sur le bitume. Qu’on sache que l’impunité d’hier ne le sera plus demain et que ceux qui jouent aux Dieux au Gabon retrouveront bientôt leur statut d’individus lambda tôt ou tard.

Si le CTRI nous a enseigné une chose, c’est que lorsque des gens se concertent pour couper la tête d’un boa, elle finit par rouler à leurs pieds et leur seul souci à venir, c’est de choisir à quelle sauce le digérer.

Rendez-vous au prochain round.

Votre Ika

 
GR
 

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