Le président de la République se retrouve confronté aux effets pervers de certaines options. Chacune des options emportant des conséquences, il doit faire un choix cornélien.

Pour permettre au président de la République de sortir par le haut, chaque organe doit jouer pleinement son rôle, avec célérité. Subsidiairement, il faut inviter les candidats UBD encore à lice à changer de discours, à établir le distinguo entre le chef de l’Etat et le président-fondateur de leur parti. © GabonReview (montage)

 

Il reste moins d’une semaine pour faire le moins mauvais choix. Quelques jours pour redonner confiance aux Gabonais, les remobiliser et leur permettre de choisir en toute sérénité. Quelques jours pour conjurer le risque d’un Parlement raillé, objet d’un permanent procès en illégitimité et victime d’une comparaison avec la tristement célèbre chambre introuvable de la 12ème législature. Sonnés par l’avalanche de preuves, de nombreux acteurs politiques ont d’ores et déjà fait connaître leur religion : «l’annulation pure et simple de ces élections sur l’ensemble du territoire national», selon le vœu de l’ancien Premier ministre Julien Nkoghé Békalé. Ecœurés par certains agissements, nombre d’observateurs leur ont emboité le pas, invitant le président de la République à trancher afin de «restaurer l’idée même de République». Seront-ils entendus ? L’avenir le dira, mais on peine à le croire.

Expérience symétrique à août 2023

Dans cette histoire, le président de la République doit faire un choix cornélien, chacune des options emportant des conséquences. Chef du gouvernement, il est tenu de s’informer de l’action des ministres, puis de leur indiquer, le cas échéant, les mesures correctives, à défaut de les inviter à rendre leurs tabliers. Annuler reviendrait sinon à reconnaitre sa propre responsabilité, du moins à faire amende honorable. Poursuivre sur la lancée équivaudrait à accorder une prime aux fautifs, à se poser en chef de clan et non plus en garant de la cohésion nationale, avec tous les risques y associés. Dans cette histoire, le président de la République est pris entre deux feux. Chef de l’Etat, mais président-fondateur de l’Union démocratique des bâtisseurs (UDB), il a des raisons de se satisfaire des résultats : à l’issue du premier tour, son parti a obtenu 54 députés. Or, il en faut 73 pour parvenir à cette majorité absolue tant recherchée.

Comme jamais depuis août 2023 et davantage depuis mai 2025, le président de la République se retrouve confronté aux effets pervers de certaines options : privé de bouclier, il ne peut rejeter la faute sur le gouvernement et son chef ; à la tête d’une formation politique, il n’est plus au- dessus de la mêlée, mais spectateur engagé. De par sa tonalité, la campagne du premier tour a, du reste, laissé transparaître ces glissements, certains candidats s’étant outrageusement réclamé de lui, au point d’inviter les populations à lui donner «ses députés». Une rhétorique contre-productive et pas très différente de celle en vigueur quand certains avaient cru bon de placer candidats à la présidence de la République et postulants à la fonction de député sur un même coupon, vicieusement dénommé «bulletin unique». En août 2023, la présidentielle fut noyée dans les législatives et, les potentiels députés sommés de faire campagne à la place d’Ali Bongo. Cette fois-ci, Brice-Clotaire Oligui Nguema est au cœur d’une expérience symétrique, se retrouvant malgré lui associé à certains candidats.

Adopter une approche holistique

Comment sortir de ce piège ? Comment maintenir la puissance tribunitienne inhérente à la fonction de président de la République ? C’est la question à laquelle doivent répondre, dans les meilleurs délais, les entités impliquées dans l’organisation des élections. Au lieu de raisonner au cas par cas, la Commission nationale d’organisation et de coordination des élections et du référendum (Cnocer) et l’Autorité de contrôle des élections et du référendum (Acer) doivent adopter une approche holistique, l’objectif étant de parvenir à une solution acceptable par tous, applicable sur l’ensemble du pays et compréhensible par les populations. Quant à la Cour constitutionnelle de la Transition, elle doit enregistrer puis traiter les recours avec diligence, au lieu de se livrer à des manigances confinant à l’atteinte au droit à la justice. Ne lui en déplaise, les articles 365 et 366 du Code électoral sont explicites : non seulement «la procédure applicable (…) est celle prévue par les règles régissant la matière électorale», mais en plus, le contentieux est «jugé sans frais»

Pour faire émerger une solution viable, il faut commencer par ne pas exhumer des dispositions liberticides, prises en opportunité par le régime déchu. Puis, il faut appliquer la loi dédiée, dans toute sa rigueur. Pour permettre au président de la République de sortir par le haut, chaque organe doit jouer pleinement son rôle, avec célérité. Subsidiairement, il faut inviter les candidats UBD encore à lice à changer de discours, à établir le distinguo entre le chef de l’Etat et le président-fondateur de leur parti. L’ampleur du choc peut-il inciter les uns et les autres au sursaut républicain, quitte à changer de braquet ? La balle est dans le camp des protagonistes.

 
GR
 

0 commentaire

Soyez le premier à commenter.

Poster un commentaire