Le bâtonnier du Gabon a livré sa part de vérité sur le report de la prestation de serment de 32 jeunes avocats, le 30 octobre, suite à une requête introduite au Conseil d’Etat par maitre Gisèle Eyue Bekale. Décriant cette saisine, Lubin Martial Ntoutoume s’est interrogé sur les réelles motivations de son confrère à saboter la vie et le destin des jeunes ayant «trinqué» plusieurs années avant d’être admis à prêter serment.

Le bâtonnier du Gabon, maitre Lubin Martial Ntoutoume entouré des membres du conseil de l’ordre lors de sa déclaration. le 13 novembre 2020. © Gabonreview

 

Le bâtonnier du Gabon, maitre Lubin Martial Ntoutoume, a livré à l’opinion sa part de vérité sur la crise qui secoue le barreau, suite au report de l’audience de prestation de serment de 32 jeunes avocats, le 30 octobre dernier. Lors d’une déclaration le 13 novembre à Libreville, il a relevé, dès l’entame de sa prise de parole, que dès son arrivée en 2018, il s’était donné pour «défi de régler l’épineux problème de jeunes postulants à la profession d’avocat ayant attendu pour certains sept ans et dix ans pour d’autres avant de prêter serment».

Dans cette perspective, il a entrepris des démarches auprès du ministre de la Justice et du Parlement jusqu’à obtention de la promulgation, par le président de la République, de la loi autorisant les jeunes avocats à prêter serment devant l’assemblée plénière de la Cour de Cassation.

Alors que le Conseil de l’ordre et les parents des 32 postulants retenus dans la première vague, se préparaient à la prestation de serment, le barreau a été soudain informé par le Conseil d’Etat qu’une requête en référé d’heure à heure avait été déposée à son greffe par maitre Gisèle Eyue Bekale. Dans cette requête, l’avocat demandait au Conseil d’Etat d’ordonner la communication des pièces qu’elle réclamait au Conseil de l’ordre ainsi que le sursis à exécuter des actes dont elle demandait la communication.

Vu l’urgence de l’affaire, le Conseil d’Etat avait fait une notification au Conseil de l’ordre pour l’audience qui devrait se tenir le lendemain à 12 heures. Sans tarder, le Conseil de l’ordre a mandaté son secrétaire, maitre Tony Minko, et d’autres avocats pour plaider à l’audience. Dans leur plaidoirie, les avocats ont demandé le report de l’audience et le temps nécessaire afin de préparer leurs écritures et les déposer, vu qu’en matière administrative, la procédure est essentiellement écrite.
 Une défiance qui fait désordre

Dans son délibéré, le président du Conseil d’Etat a fait droit à leur demande sur l’obligation de leur impartir un délai afin de produire les écritures et renvoyé l’affaire à l’audience du 11 novembre à 12 heuresSans s’arrêter à ce niveau, le président du Conseil d’Etat a curieusement ordonné à titre conservatoire, le report de l’audience de prestation de serment des jeunes avocats. Disant son ordonnance exécutoire sur minute.

Chose que le Conseil de l’ordre a trouvée étonnante, vu que le juge n’a pas été saisi sur cette question. D’où le dépit du bâtonnier. Car, «en deux ou trois heures, le destin des nombreux jeunes gabonais venait de basculer», a-t-il déploré et de s’interroger: «nous nous demandons tous autant que l’opinion sur l’objectif poursuivi par notre confrère en saisissant le Conseil d’Etat». Sur le fondement de la requête de maitre Gisèle Eyue Bekale, le bâtonnier précise que l’acte demandé par son confrère est disponible au secrétariat du barreau. En revanche, les délibérations du Conseil de l’ordre sont secrètes, conformément à la loi. N’ont droit à ces délibérations que les postulants à la profession d’avocat, les patrons de stage des postulants et le Garde de Sceaux.

Or, a précisé maitre Lubin Martial Ntoutoume, maitre Gisèle Eyue Bekale n’a pas de postulant et n’est encore moins patron de stage. D’où sa question : «pourquoi saisit t-elle le Conseil d’Etat ? Peut-elle justifier que le bâtonnier a refusé de lui répondre ? C’est à elle d’expliquer pourquoi elle vient mettre en danger la vie de 32 jeunes gabonais ayant beaucoup souffert».

Sur la qualité des dossiers retenus, le bâtonnier est formel que tous les retenus sont juristes qualifiés. Parmi eux, a-t-il précisé, «se trouvent des professeurs agrégés de droit dont la notoriété est reconnue au Gabon et à l’extérieur du pays. Des jeunes gabonais ayant prêté serment en France. Docteurs en droit, certains enseignent et d’autres sont en formation depuis 4 ou 5 voire 10 ans. Que reproche t-on à ces jeunes ? Je mets quiconque au défi de me prouver le contraire».

Face à ce qu’il considère comme une démarche de défiance de son confrère, le bâtonnier n’a pas mâché ses mots : «Le règlement intérieur est clair. Un ordre est un ordre. Quand vous ne voulez plus y demeurer vous sortez. Parce qu’il y a des lois qui régissent le fonctionnement de l’ordreSi notre confrère a décidé de défier l’ordre, alors elle saura ce qu’est appartenir à un ordreAu moment venu, le Conseil de l’ordre avisera», a lancé Lubin Martial Ntoutoume.

Pour la suite, le bâtonnier s’est dit serein vu que l’affaire est pendante devant le Conseil d’Etat et les deux parties attendent la prochaine audience«Pourquoi devrons-nous avoir peur de recruter 30 ou 60 jeunes gabonais qui ont  des candidatures de qualité. N’en déplaise  à certains. C’est déplorable que pour ce qui peut se régler en famille, la seule chose que ce confrère ait trouvé à faire c’est de porter sa demande devant le Conseil d’Etat. Ça fait désordre parce que le conseil d’Etat n’a pas besoin de s’immiscer dans nos affaires pour une question de communication de pièces», a regretté le bâtonnier.

Pour le bâtonnier, rien n’empêchera l’arrivée de cette cohorte très relevée dans la profession.  «Nous sommes sereins. La prestation de serment se tiendra et elle doit se tenir. Nous n’avons aucune intention de glisser sur une quelconque peau de banane  ou tomber dans un quelconque piège. Nous continuons à mener des actions sereinement  pour le bien de notre ordre. Les élections auront lieu bientôt, dès que la situation sanitaire du moment nous le permettra», a conclu Lubin Ntoutoume.

 
GR
 

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