Expert en droit international, Richard Sédillot a conseillé plusieurs pays dans le dossier de la restitution de biens culturels. Dans cette interview accordée à Gaboreview, il explique le mécanisme mis en place pour le retour des objets d’art africains happés par la prédation coloniale. Si le Gabon est tout aussi concerné par la question, le pays n’a jamais formulé une demande de restitution assure-t-il.

Richard Sédillot. © D.R.

 

Gabonreview : Quelles sont les différentes étapes du processus juridique engagé dans le cadre de la restitution de biens culturels aux pays Africains ?

Richard Sédillot : Il était largement temps que les pays qui détiennent l’immense majorité des biens culturels africains acceptent d’entamer un mouvement de restitution. Avant que le Président Macron ne décide d’initier cette démarche, la France opposait aux demandes qui pouvaient lui être adressées les principes d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité des biens culturels faisant partie des collections nationales. Il était ainsi admis qu’un bien culturel qui avait intégré les collections nationales ne pouvait en sortir, quelles qu’aient pu être les conditions de son acquisition, fussent-elles imminemment critiquables. En d’autres termes, le fait que le bien ait rejoint les collections nationales semblait anéantir tout débat sur les conditions dans lesquelles il les avait rejointes.

La situation est-elle différente aujourd’hui?

On admet enfin, aujourd’hui, que les conditions d’acquisition des œuvres doivent être prises en considération, d’une part, et qu’il est temps que les biens culturels africains puissent s’offrir au regard des habitants des pays où ils ont été conçus d’autre part. Le principe d’inaliénabilité suppose toutefois qu’une loi ad’hoc soit adoptée, concernant tel ou tel bien dont la restitution est décidée. C’est ainsi que la France a adopté, il y a quelques années, une loi permettant la restitution des têtes maories exposées dans certains musées français. La loi du 24 décembre 2020 a permis la restitution de 26 œuvres d’art au Bénin et au Sénégal. Dans l’attente de l’adoption, pouvant un jour intervenir, d’une loi cadre, seules des lois ad hoc permettront les restitutions qui pourront être décidées à l’avenir.

Combien de pays sont concernés ? Ce processus concerne-t-il aussi les non francophones ?

Outre le Bénin et le Sénégal, cinq pays ont à ce jour formé des demandes de restitution : Madagascar, la Côte-d’Ivoire, le Mali, l’Ethiopie et le Tchad. Je suis intervenu en qualité de conseil sur ces questions pour certains demandeurs à la restitution. Des pays non francophones ont également formé de semblables demandes, et notamment certains pays asiatiques qui ont aussi connu une période de colonisation propre à favoriser le déplacement de biens culturels essentiels. J’ai évoqué ci-dessus la restitution des têtes maories à la Nouvelle-Zélande. Des biens ont également été restitués à l’Egypte.

Tous les pays ayant négocié cet accord juridique sont-ils au même niveau ? Quelle est la situation du Gabon ?

Comme je l’indiquais, une loi a récemment été votée s’agissant des restitutions conçues en faveur du Bénin et du Sénégal. Nous avons également vu que quelques autres pays sollicitent le retour de biens culturels emportés lors des périodes coloniales. A ma connaissance, le Gabon n’a pas encore formé de demandes, bien que de nombreuses œuvres gabonaises se trouvent dans les collections nationales françaises.

Comment ce pays d’Afrique centrale justifie-t-il sa position ?

Je ne saurais vous dire quelles sont les raisons qui ont, jusqu’à présent, dissuadé le Gabon de former de telles demandes.

Concrètement quels sont les avantages de cet accord ?

Aujourd’hui, concrètement, et si un accord intervient entre l’Etat demandeur et l’Etat requis, à l’issue de négociations aux aspects culturels, muséographiques, historiques et bien évidemment juridiques, une loi peut ensuite être adoptée consacrant la restitution. Lorsque les biens retrouvent le pays où ils ont été conçus, ils peuvent alors être présentés aux habitants de ce pays. C’est le processus qui a été suivi au Bénin et qui a permis l’organisation d’une splendide exposition, digne de la qualité des œuvres restituées.

 
GR
 

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