Juriste d’exception, esprit libre et conscience inflexible du Gabon républicain, Jean-De-Dieu Moukagni Iwangou a tiré sa révérence, emportant avec lui une part de la rigueur morale nationale. Dans un texte d’une rare intensité, Alain-Claude Bilie-By-Nze salue «un homme debout», resté fidèle à sa parole et à sa conscience, jusqu’à son dernier souffle, symbole éclatant d’une droiture devenue héritage. Tout pouvait les opposer, pendant un temps, «sauf l’amour du Gabon».

L’hommage d’Alain-Claude Bilie-By-Nze à Jean-De-Dieu Moukagni-Iwangou révèle que tout pouvait les opposer, sauf l’amour du Gabon et la fidélité à la conscience. © GabonReview

 

Ancien ministre d’État, ancien leader dans l’opposition et figure morale du droit gabonais, Jean-De-Dieu Moukagni-Iwangou s’est éteint le 1ᵉʳ novembre 2025 à Libreville, à l’âge de 65 ans. Pour nombre de ses contemporains, sa disparition symbolise la perte d’une conscience républicaine. Mais dans l’hommage vibrant que lui rend Alain-Claude Bilie-By-Nze ce 2 novembre, c’est surtout l’homme de droiture, de raison et de courage tranquille qui demeure.

Une conscience plus qu’un juriste

«Le Gabon vient de perdre l’un de ses esprits les plus libres et les plus rigoureux», écrit Bilie-By-Nze dans un texte d’une rare densité. À ses yeux, Jean-De-Dieu Moukagni-Iwangou «n’était pas seulement un juriste, il était une conscience». Dans un pays souvent tenté par le renoncement et le calcul, il incarnait, poursuit-il, «la fidélité à soi-même, le courage de dire non, et la force tranquille de ceux qui croient que la dignité n’a pas de prix».

Ce portrait, empreint de franchise et d’admiration, dévoile un homme qui faisait du droit un acte de foi. «Fils du Gabon profond, formé à l’école du droit et de l’exigence, il a marqué la magistrature et la vie publique par sa rectitude.» Et s’il entra plus tard au gouvernement d’Ali Bongo Ondimba, il s’était appliqué selon Bilie-By-Nze à une gouvernance «fondée sur les faits, les chiffres et la responsabilité. Il avait cette rigueur de juriste qui impose que chaque décision soit appuyée sur la preuve, chaque réforme sur la raison. Sous sa direction, l’université se renforça comme un espace d’élaboration des savoirs, de transmission des connaissances et de l’excellence.»

Deux hommes que tout opposait, sauf le Gabon

L’ancien Premier ministre confesse avoir connu Moukagni-Iwangou d’abord comme adversaire redoutable, avant de découvrir «un homme de verbe et de raison». Lorsque le destin les amena à collaborer, Bilie-By-Nze dit avoir perçu, derrière la rigueur du juriste, «la profondeur de l’homme, une âme droite, soucieuse du bien commun, et habitée par une foi inébranlable en la République

Cette relation, faite d’estime et de franchise, devint celle de «deux hommes que tout pouvait opposer, pendant un temps, sauf l’amour du Gabon». Leur fraternité républicaine fut un symbole rare dans la vie politique nationale : celle de deux esprits exigeants, refusant la compromission au nom de l’intérêt supérieur de la Nation.

Le testament d’un homme debout

Mais au-delà du souvenir, Bilie-By-Nze voit dans ce départ un legs : «il laisse surtout un exemple : celui d’un homme qui aura su vivre en accord avec sa conscience, quitte à payer le prix de la solitude.» Une phrase qui résonne comme un testament moral. L’ancien Premier ministre y lit une leçon adressée aux générations montantes : «l’engagement politique ne vaut que par la cohérence, et que le droit reste l’arme pacifique des hommes libres

Pour conclure son hommage, Bilie-By-Nze cite les mots qui furent la signature de l’homme : «Je m’appelle Jean-de-Dieu Moukagni lwangou, je suis né à Mouila, j’habite à Akanda, je suis prêt à répondre de mes actes». Et l’ancien Premier ministre d’en conclure : «Une vie, une signature, une leçon», mais aussi une profession de foi qu’il érige en modèle : «Puisse cette profession de foi demeurer le credo de tous ceux qui prétendent servir la République.»

Ainsi s’achève l’adieu d’un homme d’État à un autre. Dans ce texte d’une grande pudeur, Bilie-By-Nze ne célèbre pas seulement un compagnon de route, mais l’incarnation même de la droiture : celle d’un Gabonais debout, digne, fidèle à sa parole, et dont le souvenir s’impose désormais comme une conscience vivante de la République.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. messowomekewo dit :

    Des gabonais de la trempe de Jean De Dieu MOUKAGNI se compte sur les doigts d’une main. Tant la course vers les postes gangrène le pays et aliène les esprits. Que vous alliez à l’université ou à l’administration centrale en passant par l’hôpital la norme a foutu le camp; personne ne veut dire clairement « comment on doit faire » par peur de déplaire au prince. Dans un pays qui se veut démocratique, l’unanimité est une exception, la norme gouverne la marche vers le progrès pour tous. Dans les domaines les plus sensibles, la formation des élites se faire dans la complaisance et la confusion la plus totale, ceux détenteurs des titres et grades les plus ronflants, cactus sous les aisselles, essaient de dicter leur loi; cependant quand on gratte un peu et que le vernis se décolle, on réalise qu’il y a un fossé entre leurs prétentions et la réalité des faits, donc la norme. Mettons plus de rigueur et de sérieux dans ce que nous faisons et la cinquième république se portera mieux, au delà de tout triomphalisme.

Poster un commentaire