Le Président de la République du Niger, Mahamadou Issoufou, s’est entretenu, le 20 décembre, à Libreville, avec son homologue gabonais. Il a évoqué, dans un entretien avec la presse gabonaise, la coopération avec le Gabon, la menace terroriste dans le Sahel, les solutions possibles pour enrayer cette menace.

Ali Bongo et Mahamadou Issoufou, le 20 décembre 2019, à Libreville. © Communication présidentielle

 

Vous avez rencontré le président Ali Bongo, quelles sont les questions au centre de votre entretien ?

Président de la République du Niger, Mahamadou Issoufou : Je voudrais vous dire merci et combien je suis heureux d’être ici en terre gabonaise. Je profite de la question que vous me posez pour saluer et remercier le peuple gabonais, le gouvernement gabonais, pour l’excellent accueil qui a été réservé à ma délégation et à moi-même. Avec le président, nous avons eu un excellent entretien qui a porté bien sûr sur les relations bilatérales entre le Niger et le Gabon. Nos relations sont excellentes dans tous les domaines, sur tous les plans, que ce soit sur le plan politique, économique. Je dis « économique » parce qu’au niveau de l’Union africaine, comme vous le savez, nous avons une ambition. C’est la mise en œuvre de l’agenda 2063 et avec le président, on a évoqué le point de la mise en œuvre de cet agenda et en particulier les chantiers comme la Zone de Libre-échange continentale. Chantier par rapport auquel j’ai remercié le président pour le soutien qu’il m’a été apporté par le Gabon en tant que champion de la Zone de libre-échange continentale. On a aussi évoqué des questions relatives à la sécurité. J’ai informé le président de la situation sécuritaire au Niger et de manière générale, dans le Sahel et dans le Bassin du lac Tchad. J’ai eu un excellent entretien avec le président sur tous ces points.

Quel est l’état actuel de la Coopération entre le Gabon et le Niger?

J’ai répondu en partie à votre question en parlant de l’agenda 2063. Vous savez, l’ambition que portent les chefs d’État africains est de réaliser l’Afrique que nous voulons en 2063 à l’occasion du centenaire de la création de l’Organisation de l’unité africaine (OUA).

Cet agenda prévoit un certain nombre de plans et il faut réaliser les plans décennaux. Il y a un certain nombre de projets. Là, nous sommes dans le premier plan décennal de cet agenda, 2013-2023, qui prévoit la mise en place de la Zone de Libre-échange continentale, mais qui prévoit également des programmes relatifs aux infrastructures. On en a d’ailleurs parlé avec le président. L’Afrique a besoin de chemins de fer, d’énergie, de routes, d’infrastructures aéroportuaires et portuaires. Nous avons également des plans comme le plan de développement industriel de l’Afrique puisque si on veut mettre en place une Zone de libre-échange continentale, il faut que les pays africains aient des choses à échanger.

Chaque pays ayant ses avantages comparatifs, on met donc également l’accent sur l’industrialisation en particulier la transformation de nos ressources naturelles, les matières premières, puisque l’Afrique jusqu’ici est simple réservoir de matières premières. Notre ambition est d’en faire un réservoir de produits industriels, contrôler le maximum de la chaîne de valeur afin de développer notre continent. On a évoqué toutes ces questions avec le président qui est très préoccupé par la jeunesse.

Il est préoccupé par tous ces jeunes qui arrivent sur le marché du travail. C’est 10 millions de jeunes Africains qui arrivent, chaque année, sur le marché du travail. Ces jeunes seront 30 millions en 2040-2050. Il faut leur donner des emplois et pour leur donner des emplois, il faut le développement industriel des pays du continent. Cela permettra d’accélérer les échanges entre nos pays. Échanges qui sont à un niveau très faible, moins de 15 %. Notre ambition est celle-là, qu’il y ait davantage d’échanges entre, par exemple le Niger et le Gabon, et les autres pays africains. Il y a une identité de vues sur toutes ces questions entre le président Ali Bongo et moi. L’axe Libreville-Niamey est un axe très fort. C’est un axe qu’on doit continuer à consolider.

La question sécuritaire est préoccupante à tous les niveaux. Qu’est-ce qui est prévu pour qu’elle trouve une solution pérenne non seulement, au niveau de votre État, mais également sur le continent avec les autres chefs d’État africains ?

Avec le président qui est préoccupé par la situation sécuritaire dans le Sahel, on a eu à échanger, de manière assez approfondie, sur les menaces auxquelles nous sommes exposées ; la menace terroriste, des organisations criminelles. Vous savez dans le Sahel, le bassin du lac Tchad, cela fait plusieurs années déjà que nous sommes confrontés à ces menaces. Avec le président on a évoqué la situation et on s’est dit que la meilleure solution c’est que nos armées nationales, nos capacités nationales soient renforcées. Il faut équiper nos armées. Il faut mettre en place des forces spéciales dans nos pays pour endiguer cette menace à laquelle nos armées, les armées classiques, ne sont pas habituées.

Il faut des forces spéciales bien équipées pour faire face à la menace. Le deuxième niveau de solution c’est la mutualisation des moyens au niveau de tous les pays. Par exemple, en ce qui concerne le Sahel, nous avons mis en place, au niveau du G5 Sahel, la force conjointe avec les armées du Mali, de la Mauritanie, du Burkina Faso, du Niger et du Tchad. Voilà un exemple de mutualisation des capacités entre pays de la même région. Même chose pour le Bassin du lac Tchad. On a mis en place dans quatre pays ce qu’on appelle la Force mixte multinationale pour lutter contre Boko Haram. C’est une force mixte qui a été mise en place par le Cameroun, le Nigéria, le Niger et le Tchad. Là également c’est un deuxième exemple de mutualisation des capacités entre pays confrontés à la même menace. Après, au niveau régional, avec le président, on en a parlé, en ce qui concerne la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) par exemple, puisque la menace s’étend sur l’ensemble de l’Afrique occidentale, et de plus en plus sur l’Afrique centrale, par le biais des pays qui sont membres de l’Autorité du Bassin du lac Tchad (Le Tchad et le Cameroun).

Il faut renforcer la solidarité à l’échelle du continent. Il faut qu’il se mobilise puisque cette menace aujourd’hui, c’est le Burkina ou le Mali ou le Niger qui sont menacés, mais une fois que les terroristes auront vaincu ces pays-là, ils vont s’attaquer à d’autres. Il faut une forte solidarité à l’échelle du continent. Mais au-delà du continent, il faut la solidarité au niveau mondial. Le terrorisme est une menace planétaire. J’ai coutume de dire « à menace planétaire, riposte planétaire ». Il faut une riposte à l’échelle mondiale. C’est pour cela que là aussi, nous avons demandé à ce que la solidarité internationale se manifeste à l’endroit du peuple du Sahel et du Bassin du lac Tchad. C’est pour cela que nous souhaitons que le Conseil de sécurité nous soutienne en ce qui concerne la mise, sous chapitre 7, de la force conjointe du G5 Sahel. Dans le même ordre d’idée, nous avons demandé au Conseil de sécurité également à ce que la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali) ait un mandat plus fort au-delà du mandat du maintien de la paix et un mandat offensif qui lui permettrait de lutter avec les forces conjointes contre le terrorisme.

Avec le président, on a fait un tour d’horizon par rapport à toutes ces questions, à toutes les solutions possibles afin d’enrayer cette menace. La sécurité est un bien public mondial, c’est le monde entier qui est concerné. Avec le président, on s’est dit d’ailleurs que si jamais on n’arrivait pas à enrayer cette menace, cela va avoir des conséquences sur le développement de nos pays. Or, si nos pays ne se développent pas, s’ils ne créent pas suffisamment d’emplois, toutes cette jeunesse, tous ces jeunes qui vont arriver sur le marché de l’emploi et qui seront sans emplois seront tentés de migrer. Cela va augmenter les flux migratoires et l’Europe va être concernée par cette forte migration qui viendrait de l’Afrique.

Propos recueillis par Désiré Clitandre Dzonteu

 
GR
 

1 Commentaire

  1. diogene dit :

    Nous serions tous menacés ? Mais quand Byia offrait son pays comme base arrière de Boko Aram qui s’est insurgé ? Les dictatures africaines sont trop proches des dictatures islamistes pour les combattre.
    Qui peut crier sauvons la république ?

    Les pays africains qui ont eu de nombreuses connivences avec ses terrorismes, qui les ont aidés, soutenus ont l’air de parfait couillons aujourd’hui où le loup est dans la bergerie grâce aux bergers naïfs et incompétents, corrompus et imprévoyants, démocraticides et maffieux…

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