Derrière la façade verte d’un négociant en bois se targuant d’engagements écoresponsables, se cache un modèle économique spéculatif aux pratiques douteuses. Une enquête un peu poussée lève le voile sur les dessous controversés de Woodbois Ltd et de sa filiale gabonaise Woodbois Gabon, soupçonnées, en RCA, d’être impliquées dans des trafics avec une société liée au groupe paramilitaire russe Wagner.

En avril 2023, Woodbois Ltd affirmait avoir obtenu un bail de 40 ans sur plus de 50 000 hectares au Gabon, une information démentie par le ministère des Eaux et Forêts. © GabonReview

 

Une enquête approfondie révèle les dessous controversés de Woodbois Ltd, une société basée à Londres qui se présente comme un acteur majeur du commerce du bois africain. Bien que cette entreprise se targue d’engagements en faveur d’une gestion durable des forêts, son modèle économique semble davantage axé sur la spéculation boursière que sur l’économie réelle. Au Gabon, où elle opère via sa filiale Woodbois Gabon, les activités de cette société soulèvent de sérieuses interrogations.

Anciennes liaisons troubles

En mars 2024, les États-Unis ont sanctionné les sociétés Bois Rouge (Centrafrique) et Broker Expert (Russie) pour leur soutien aux «activités malveillantes» du groupe paramilitaire russe Wagner, notamment à travers l’exploitation illicite de ressources naturelles. Ces révélations ont mis en lumière les liens troubles entre Woodbois Ltd et ces entités liées à Wagner.

En effet, il a été établi que WoodGroup ApS, une filiale danoise de Woodbois Ltd, était le principal client de Bois Rouge dans l’Union européenne avant que cette dernière ne soit identifiée pour son implication dans le scandale. Des cargaisons de bois provenant de Bois Rouge ont été acheminées vers la branche danoise de Woodbois en 2023, soulevant des interrogations sur les procédures de sélection des fournisseurs vantées par l’entreprise.

Un modèle économique spéculatif au Gabon

Au Gabon, l’examen minutieux des activités de Woodbois Gabon, filiale locale de Woodbois Ltd, soulève de multiples préoccupations. L’entreprise, issue du rachat d’une PME forestière à Mouila, semble principalement motivée par la perspective de générer des crédits carbone à des fins spéculatives. Son ancien PDG, Paul Dolan, estimait en juillet 2023 que 65 millions de dollars pourraient générer 30 millions de dollars de crédits carbone, sans compter les crédits issus du volet biodiversité.

Cependant, derrière les promesses écologiques et éthiques de Woodbois, se cache une réalité bien différente. Les investigations ont révélé de graves carences en termes de gouvernance et de contrôle interne au sein de la filiale gabonaise. Les salariés subissent des retards de paiement récurrents, les sous-traitants sont floués, et les engagements envers l’État et les communautés locales ne sont pas honorés.

De plus, l’examen approfondi des activités de Woodbois Ltd met en évidence un niveau élevé de désorganisation, des carences en termes de compétences dans le secteur forestier, ainsi que des enjeux de pouvoir entre actionnaires. L’entreprise semble davantage préoccupée par la chasse aux financements et l’émission massive de titres boursiers que par une véritable gestion durable des ressources.

Une communication trompeuse

Pour préserver son image verte et attirer les investisseurs, Woodbois n’hésite pas à recourir à des déclarations mensongères dans la presse financière. En avril 2023, la société affirmait avoir obtenu un bail de 40 ans sur plus de 50 000 hectares au Gabon, une information démentie par le ministère des Eaux et Forêts. Ces affirmations douteuses visent à influencer favorablement la cotation boursière de ses titres, au détriment de la transparence.

De même, Woodbois se vante de mettre en œuvre un processus de sélection rigoureux des fournisseurs, mais le cas Bois Rouge démontre que ces procédures ne sont que de la poudre aux yeux. L’entreprise a également été critiquée par le passé pour avoir acheté du bois auprès d’entreprises impliquées dans des violations des droits de l’homme.

Appel à la vigilance

Face à ces révélations inquiétantes, les autorités gabonaises sont appelées à renforcer la surveillance des pratiques commerciales de Woodbois Gabon. Il est impératif de s’assurer que l’exploitation forestière respecte les lois et réglementations nationales et internationales, et ne contribue pas, même indirectement, à des activités déstabilisatrices ou illicites.

Les investisseurs potentiels sont également invités à la plus grande prudence face aux promesses alléchantes de Woodbois Ltd. Car, derrière la façade verte se cache un modèle économique spéculatif, où le profit semble primer sur l’éthique et la durabilité.

En définitive, cette affaire souligne l’importance cruciale de la transparence, de la gouvernance et du contrôle dans le secteur forestier. La préservation des ressources naturelles et le respect des communautés locales doivent être des priorités absolues, au-delà des discours marketing. Le Gabon, riche en forêts tropicales, se doit d’être particulièrement vigilant face aux acteurs dont les pratiques pourraient compromettre la gestion durable de ce patrimoine inestimable.

 
GR
 

2 Commentaires

  1. Gabon dit :

    Le secteur bois, est une véritable mafia où circulent les mallettes d’argent. De grosses fuîtes de capitaux non déclarées dans le secteur.

  2. Nathan Dzime dit :

    @La Redaction

    Si je suis passé maître dans l’art de critiquer certains de vos articles que je jugeais légers et partisants, je dois aussi vous tirer le chapeau sur cet article ci-dessus.
    En effet, il est d’une qualité certaine, car basé sur les faits vérifiables, et non sur les émotions.

    Je ne suis pas de profession « Journaliste », mais je subodore que ce noble métier, supposé impacter la vie de la Nation, devrait s’exercer au travers des articles de haut vol, au travers d’investigations sans parti pris et sans appriori, mais juste sur les faits. Je retrouve ces qualités dans cet article.

    Bonne continuation.

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