Décédé le 16 du mois courant, l’ancien Premier ministre aura incarné la méritocratie à la gabonaise et une certaine idée du Gabon. Mais, son retrait de la course à la présidence de la République en 2009 lui a valu quolibets et accusations gratuites.

Prédisant que «ce qui nous attend pourrait être plus compliqué que ce que nous avons connu», Casimir Oyé Mba disait travailler à «la construction de (l’) avenir.» © Vincent Fournier/Jeune Afrique

 

Le regard tourné vers l’avenir, un homme s’en est allé le 16 septembre courant à Paris (France). Avec cette mort, un symbole de la méritocratie à la gabonaise et une certaine idée du Gabon s’éteignent. Issu d’une famille modeste, il s’est hissé au sommet de la finance internationale par le travail et la compétence. Technocrate éprouvé, il prît la tête du gouvernement au plus fort des revendications pour un changement démocratique. Baron du parti au pouvoir, il en claqua la porte pour protester contre la consécration des privilèges de naissance. Pressé de fonder sa propre boutique, il choisît de faire cause commune avec d’autres personnalités. Investi par l’Union nationale (UN) à la présidentielle de 2016, il se retira en réponse à la demande populaire d’une candidature unique de l’opposition. Malgré ce geste de grande classe, l’opinion publique n’a pas toujours été tendre avec lui. Était-il incompris ? Peut-être. Avait-il une trop haute idée de la République et un sens peu commun de l’Etat ? Sans doute.

Un «homme d’Etat»

Traité de «peureux», le défunt vice-président de l’UN n’était ni hâbleur ni téméraire. Jouant peu sur les émotions, c’était un adepte des stratégies maîtrisées. Résolument cérébral, il demandait à chacun d’assumer les conséquences de ses actes. Au quotidien, son comportement était dicté par la réalité juridique et institutionnelle. Quant à ses prises de position, elles résultaient d’une mise en perspective des principes de bonne gouvernance : primauté de la règle de droit, transparence, ouverture et responsabilité. Comme le reconnait aujourd’hui l’ensemble de la classe politique, c’était un «homme d’Etat.» Autrement dit, quand certains pensent à la prochaine élection, lui pensait à la prochaine génération. Ainsi, pouvait-il s’échapper des considérations partisanes ou politiciennes, quitte à tomber dans l’impopularité.

Son retrait de la course à la présidence de la République en 2009 lui a valu quolibets et accusations gratuites. Mais, jamais il ne s’épancha sur cet épisode mettant en scène des puissances étrangères. Soucieux des relations entre le Gabon et ses partenaires, il prît sur lui. Fidèle à son engagement de 2009, il demeura un membre actif de l’opposition, initiant le contentieux pré-électoral. «2016 ne sera pas 2009», lançait-il en mai 2016, depuis New-York. Affirmant son «aversion pour les successions à caractère dynastique», il disait ne rien attendre du pouvoir actuel. «Je ne suis pas un déçu d’Ali Bongo : je ne lui ai rien demandé et il ne m’a jamais rien promis», précisait-il en juin 2016. Comme pour bien situer le débat sur le terrain des idées, il ajoutait : «Je n’ai aucun problème personnel avec lui.» Il n’en fallait pas plus pour déclencher une chasse à courre, de nombreux internautes essayant de réduire le combat pour l’alternance et l’Etat de droit à une querelle d’égos, un combat de coqs.

Passer le témoin à la génération suivante

Bien sûr, Casimir Oyé Mba pouvait laisser l’impression de ne pas être un habile manœuvrier. Mais, il faisait la politique avec le cerveau, pas avec le cœur. Sa froideur dans l’analyse en a fait un homme déterminé mais ouvert. S’il était prêt au compromis, il abhorrait la compromission. Invariablement, il répétait sa conviction : les positions maximalistes conduisent toujours ou à l’impasse ou à de spectaculaires retournements de veste. En septembre 2016, il afficha son scepticisme quant à la pertinence du Dialogue national d’Angondjé et du Dialogue national pour l’alternance. Convaincu de la «victoire de Jean Ping», il prît cependant part au second. Face au blocage du jeu politique, il se prononça ensuite pour une participation groupée de l’opposition aux élections couplées d’octobre 2018, indiquant y voir sinon une voie vers l’alternance, du moins un moyen pour préparer la relève et passer le témoin à la génération suivante. Une fois encore, il fut mal compris.

Pourtant, l’ancien Premier ministre n’a eu de cesse de demander aux Gabonais de le juger à travers son «parcours et les responsabilités (qu’il a) exercées» Affirmant ne «pas (leur) avoir fait honte», convaincu d’avoir «plutôt réussi», il les invitait à lui faire confiance, même s’il reconnaissait les «avoir déçus» en août 2009. Prédisant que «ce qui nous attend pourrait être plus compliqué que ce que nous avons connu», il disait travailler à «la construction de (l’) avenir.» «Notre conception (des fonctions publiques) n‘est ni monarchiste ni autoritariste. Elle est participative», énonçait-il en 2016. Peine perdue. Entre Casimir Oyé Mba et le peuple gabonais ce fut la chronique d’un rendez-vous manqué…

 
GR
 

9 Commentaires

  1. diogene dit :

    Il restera l’homme qui a trahi la conférence nationale en se prosternant aux pieds d’un Omar affaibli !

    • Maganga Octave dit :

      @Diogene. Au-delà du fait que vous portez bien votre nom en affichant un cynisme puant, vous ne savez rien. Vous vous livrez à des déductions fondées sur la méconnaissance des choses. La conférence nationale avait-elle prononcé un moratoire constitutionnel ? Non. L’idée fut évoquée mais pas adoptée. Des lors que la Constitution restait en vigueur en quoi Omar Bongo était il affaibli ? Les manifestations de rue ? La conférence nationale y avait mis fin puisque les manifestants y prenaient part. Croyez-vous que c’est un hasard si les principaux acteurs de la Conférence nationale, notamment ceux qui avaient une culture juridique, n’avaient pas accepté de figurer dans le gouvernement ? Certains savaient qu’ils s’étaient laissés déborder par les luttes au sein des forces vives. Ce n’est pas parce que vous savez gribouiller que vous devez écrire n’importe quoi tout le temps

      • Gayo dit :

        Donc c’est un hasard si par la suite Oye Mba a été un des piliers du régime Bongo? @Maganga Octave soit vous êtes simplement. Votre commentaire passionné pour défendre Oye Mba en témoigne. Parlez nous de son bilant en tant PM et ministre plusieurs fois.

        • Maganga Octave dit :

          @Gayot. Que dites vous en français ? Vous croyez que tout est prédestiné, preecrit. Je comprends pourquoi le Gabon va si mal. Quant à Oye Mba citée moi un scandale connu dans lequel il est mêlé. Citez moi un seul de ses enfants qui occupent des fonctions publiques. Quand on n’a rien a dire,on la ferme au lieu de jouer les intéressants avec des déductions de bistrot

        • Maganga Octave dit :

          @Gayot. Que dites vous en français ? Vous croyez que tout est prédestiné, preecrit. Je comprends pourquoi le Gabon va si mal. Quant à Oye Mba citéz moi un scandale connu dans lequel il est mêlé. Citez moi un seul de ses enfants qui occupent des fonctions publiques. Quand on n’a rien a dire,on la ferme au lieu de jouer les intéressants avec des déductions de bistrot

  2. Fiona Fiona dit :

    @Diogene. Parlez de ce que vous maîtrisez. La conférence nationale était elle souveraine comme celle du Benin ? Les conferenciets avaient ils acte le départ de Bongo au terme de la transition ? Bien au contraire, ils lui avaient reconnu le droit de terminer le mandat. Ce faisant, la Conférence elle-même avait renforce Omar Bongo.Parfois, apprenez à écouter et à poser des questions. Vous n’êtes pas obligé d’etalet votre ignorance tout le temps

  3. MONSIEUR A dit :

    Ancienne présidente du Comité de suivi des actes de la conférence nationale de 1990, Mme. Marie-Agnès Koumba est décédée le 14 septembre 2021.

    Le Premier Ministre du GABON à la période de la conférence nationale de 1990 M. Casimir OYE MBA est mort dans la nuit du 15 au 16 septembre 2021.

    Les deux Personnalités, membres de l’UN, étaient les solides soutiens de Mme. Paulette MISSAMBO candidate à la prochaine élection du nouveau Président de l’UN.

    Bizarre. Vous avez dit bizarre? Comme c’est bizarre!

  4. IPANDY dit :

    Chez les Bantous ils nous aient interdit de dire du mal sur les morts.
    Nous préférons simplement nous rappeler de leurs côté positifs.

    Roxane nous presente un homme qui se souciait de l’avenir, des générations futures.

    Ma question est de savoir à quel moment il s’en est soucié?
    OMAR BONGO ONDIMBA avait reconnu avant de partir que ses collaborateurs et lui ont fais du Gabon ce qu’ils voulaient et que Dieu devait les châtier un jour.

    Oye MBA comme tous les puissants ministre de l’époque ont participé au déclin que connaît ce pays.

    Il est vrai qu’on avait enregistré de scandale financiers ou autre.
    Mais il n’a jamais démissionné, même quand les intérêts du peuple étaient menacé. Il est resté au gouvernement aussi longtemps que le président BONGO le lui avait permis. Il a protégé ses intérêts.

    Alors quand se souciait il des générations futures?

  5. Paul Bismuth dit :

    Il y a des hommes d’Etat dont on se souvient du fait des actes qu’ils posent, qu’ils soient bons ou mauvais. Je me souviens de « Cam la Classe » en tant que seul nom de notre paysage politique.

    En tout état de cause je lui souhaite de reposer en paix 🙏🏾

Poster un commentaire