Politologue africaniste et chercheur, Delphine Lecoutre a récemment consacré deux articles aux militants de la diaspora d’opposition du Gabon en France. Dans une interview accordée à RFI ce 13 octobre, l’auteure française revient sur les agissements de ces résistants parmi lesquels des «ntchameurs», qui mènent pacifiquement de véritables actions coup de poing contre le régime d’Ali Bongo.

Selon Delphine Lecoutre, la contestation contre le régime d’Ali Bongo est très active en France car les manifestants profitent d’un «espace de liberté politique et civique qui n’existe pas au Gabon». © RFI

 

RFI : Pourquoi selon-vous la diaspora de l’opposition est-elle toujours active, alors qu’au Gabon l’opposition semble plutôt atone ?

Delphine Lecoutre : Si la diaspora gabonaise d’opposition reste active en France, elle a un slogan : «on ne lâche rien», c’est d’abord parce qu’elle profite d’un espace de liberté politique et civique qui n’existe pas au Gabon. Là-bas, l’espace politique et civique est extrêmement restreint et contraint.

Quels sont les modes d’action de cette diaspora ?

D’abord, elle organise des sit-in et marches de la place du Trocadero jusqu’à l’ambassade du Gabon à Paris. Ces manifestations avaient lieu initialement toutes les semaines, elles étaient hebdomadaires. Désormais, elles sont mensuelles. Ces sit-in et marches sont aussi organisés en province. Ensuite, il y a des actions d’éclat qui sont menées par de petits groupes de «ntchameurs». Ce mot est dérivé de «Ntsame», en langue fang, qui signifie désordre, bagarre, révolte. Donc, ces «ntchameurs» mènent pacifiquement de véritables actions coup de poing, elles prennent la forme de véhémentes interpellations de représentants de l’Etat gabonais qui sont signalés lors de leurs passages en France. Ces «ntchameurs» occupent également des lieux symboliques du pouvoir gabonais sur le territoire français. Ils ont à plusieurs reprises piétiné le portrait du président Ali Bongo à l’intérieur de l’ambassade à Paris. Ils ont aussi envahi l’hôtel particulier Pozzo di Borgo qui avait été acquis par l’Etat gabonais en 2010. Ce qu’ils veulent ces «ntchameurs», c’est opposer une violence symbolique ici en France, aux violences physiques et psychologiques et violation des droits humains qui sont exercés par le régime d’Ali Bongo en territoire gabonais.

Vous parlez de contestation hybrides innovantes, qu’entendez-vous par là ?

En fait, ce sont des modes de contestations inspirés à la fois par les pratiques culturelles gabonaises, les méthodes de persuasion publique non violentes et les techniques modernes de contestation tels que les réseaux sociaux. A titre d’exemple, les skatcheurs-kongosseurs. Le kongosseur est un dérivatif du mot d’origine camerounaise kongossa qui signifie rumeur, commérage, ragot… et c’est très utilisé dans la culture gabonaise. Et ces skatcheurs-kongosseurs utilisent le Kongossa pour parodier de manière humoristique et satirique, les agissements de régime gabonais : ils les tournent en dérision pour mieux les dénoncer. Ils se filment et diffusent ensuite leurs réalisations sur les réseaux sociaux.

Ils font preuve de beaucoup d’imagination et humour, mais leurs discours sont souvent très radicaux…

Tout à fait ! Ils appellent régulièrement à l’insurrection populaire au Gabon. Ils prononcent des propos diffamatoires en s’en prenant directement aux gens du régime, n’hésitant pas à parler de leurs vies personnelles. Ils n’hésitent pas non plus à multiplier la diffusion de fake news, ce qui porte d’ailleurs atteinte à leur crédibilité. Et ils vont même jusqu’à dire qu’Ali Bongo est mort et chaque fois qu’ils le voient à la télévision, ils disent que ce n’est pas lui mais un sosie. D’autres sont persuadés qu’Ali Bongo est bien vivant, mais ils posent tout de même la question de la vacance du pouvoir et interrogent sur qui dirige réellement le Gabon aujourd’hui. Tout ça tourne non-stop en boucle sur les réseaux sociaux.

Mais n’est-on pas plutôt dans une bulle médiatique ? Quel est l’impact au Gabon de toutes ces actions ?

C’est vrai qu’on se trouve dans une véritable bulle médiatique. La diaspora est très volubile, elle a envahi l’espace des réseaux sociaux et des médias en attaquant le régime, qu’elle gêne d’ailleurs énormément en termes de communication. Et ces réseaux sociaux sont regardés très activement par les Gabonais qui se détournent des chaines de télévision nationales, qu’ils considèrent comme biaisées en termes d’information. Donc, toutes ces vidéos qui sont balancées, les lives diffusés au quotidien sur les réseaux sociaux, apportent beaucoup de dynamisme à cette contestation politique. Et cela auto-entretient la flamme de l’alternance démocratique, ça montre leur détermination. Enfin, ça maintient une grande pression sur le régime et c’est vrai que finalement tout ça a un impact. Mais il ne faut pas oublier que ce ne sont pas eux qui mènent la lutte au quotidien. Eux, ils sont à l’abri derrière leurs ordinateurs et ne prennent absolument aucun risque. Ceux qui mènent la lutte sont ceux qui sont au Gabon. Ce sont ces organisations de la société civile qui mènent des actions au quotidien, même si celles-ci se passent souvent en dehors des écrans radars de la communauté internationale.

Propos retranscrits par Stevie Mounombou

 
GR
 

3 Commentaires

  1. Serge Makaya dit :

    Par contre, cette française ne vous dira rien du SALE JEU du Quai d’Orsay en Afrique en général et au Gabon en particulier. Hypocrite comme ses autres compatriotes. A Ntare Nzame!!

    Nous ne pourrons pas libérer le Gabon sans casser les œufs. Les Bongo-Valentin tiennent les gabonais d’une main de FER. Mais avec la bénédiction de la France qui a besoin de cette famille comme parfait VALET…

  2. Klaus dit :

    Vraiment du n’importe te quoi dis si elle s’intéresse vraiment au affaire de l’Afrique en particulier du gabon elle doit se posé des bonnes questions que elle-même connaît

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