En cédant aux pressions, l’ancien maire de Libreville s’est rendu complice de la violation d’un principe constitutionnel : la libre administration des collectivités locales. Comme si la conférence nationale de 1990 n’avait jamais eu lieu, il a placé les intérêts de sa «famille politique» au-dessus des lois de la République, de l’Etat et de ses démembrements.

Comment ne pas déceler dans l’intrigue ayant débouché sur la démission du maire de Libreville, une traduction concrète du si puéril slogan : «Qui boude, bouge» ? © linvestigateurafricain

 

Au risque de nourrir la défiance, les détenteurs de l’autorité publique doivent chercher à concilier la forme et le fond. Menée de façon cavalière, l’opération Mamba alimenta bien des doutes. Décrite comme une lutte pour le contrôle de l’argent public, elle vira en eau de boudin. Conduite avec brutalité, l’opération Scorpion ne déroge guère à ce constat. Suscitant circonspection et raillerie, elle est perçue comme une chasse à courre contre d’anciens affidés devenus encombrants. La démission du maire de Libreville échappera-t-elle à cette lecture ? On peut en douter. Déjà, de nombreux observateurs pointent des angles morts et autres zones d’ombre. Sur l’objet des concertations préalables ou la compétence des acteurs, comme sur l’authenticité de la lettre de démission ou sa paternité réelle, les supputations vont bon train.

Complice de la violation d’un principe constitutionnel 

Au fil des révélations, on croit reconnaître les méthodes jadis reprochées à l’Association des jeunes émergents volontaires (Ajev) : mise en accusation par voie de presse, recours aux services de renseignement, instrumentalisation de l’administration, négation des principes de fonctionnement de l’Etat et, lecture spécieuse des textes. Evoque-t-on la validation de factures et mandats de paiement pour le décaissement d’une somme de 338 millions de nos francs pour des travaux d’assainissement non effectués dans la commune de Libreville ? Aussitôt, on pense aux 353 containers de kévazingo, devenus une véritable Arlésienne. Parle-t-on d’un courrier du gouverneur dénonçant des nominations fantaisistes et intimant au maire l’ordre de soumettre toute nouvelle décision à sa sanction ? Immédiatement, on songe aux accusations, portées par le procureur de la République contre la nomenklatura du ministère des Forêts, mais jamais étayées ni prouvées à ce jour. Discute-t-on d’une réunion au cabinet du Premier ministre, en présence d’officiers supérieurs ? Reviennent en mémoire, les conciliabules naguère organisés par Brice Laccruche-Alihanga.

Certes, ce malheureux épisode peut être lu comme une affaire interne à la majorité municipale. Certes, en affirmant avoir agi dans le «souci de préserver la sérénité au sein de (l’institution) et de maintenir la cohésion et la bonne entente au sein (du) Parti démocratique gabonais (PDG)», le maire de Libreville lui-même l’a prétendu. Mais, l’alinéa 2 de l’article 63 de la loi sur la décentralisation est clair : les sessions extraordinaires sont convoquées par le maire, soit à sa propre initiative soit à la demande d’au moins la moitié des conseillers municipaux. Sous aucun prétexte, le gouverneur ne peut s’arroger cette compétence. Par voie de conséquence, la session du 17 juin dernier n’aurait jamais dû se tenir. Vu sous cet angle, Eugène Mba n’aurait jamais dû rendre son tablier. En cédant aux pressions, il s’est rendu complice de la violation d’un principe constitutionnel : la libre administration des collectivités locales.

Mélange des genres

Comme si le PDG se confondait à l’Etat, Eugène Mba a sombré dans une manœuvre de politicaillerie, assimilant les collectivités territoriales aux organismes spécialisés d’un parti politique. Comme si la conférence nationale de 1990 n’avait jamais eu lieu, il a placé les intérêts de sa «famille politique» au-dessus des lois de la République, de l’Etat et de ses démembrements. D’un point de vue juridique ou institutionnel, sa décision ne fait pas sens. Pis, elle ravive le souvenir d’un passé peu glorieux, pas si instructif finalement. Quelle différence entre son attitude et celle des zélateurs, incapables de tracer une ligne de démarcation entre les fonctions de directeur de cabinet du président de la République et celles de directeur de cabinet du président du PDG, synchroniquement occupées par Brice Laccruche-Alihanga ? Comment ne pas y voir une rémanence du mélange des genres alors de saison ? Comment ne pas y déceler une traduction concrète du si puéril slogan : «Qui boude, bouge» ? Mutatis Mutandis, comment ne pas risquer la comparaison entre les accusations formulées par Marie-Françoise Dikoumba et celles jadis portées par Olivier Nzahou ?

Au-delà des circonstances, ce parallèle ne manque ni d’intérêt ni d’à-propos. Pourtant, à l’occasion du 59ème anniversaire de l’indépendance, le président de la République s’était posé en chantre d’une décentralisation renforcée. Promettant «bâtir une nation puissante», il s’engageait à «développer (la) résilience (de nos institutions) afin de garantir le bon fonctionnement de notre société.» Y sommes-nous ? En prenons-nous le chemin ? Si ces questions restent posées, le vaudeville de l’Hôtel de ville n’incite guère à l’optimisme.

 
GR
 

2 Commentaires

  1. Maroga Guy dit :

    LE PDG qui a la majorité au conseil municipal de Libreville aurait pu faire convoquer ce conseil par au moins la moitié des conseillers pour être en conformité avec l’alinéa 2 de l’article 63 sur la loi sur la décentralisation. Ne pas avoir opté pour cette logique pourrait signifier deux choses :

    1/ les conseillers PDG n’étaient pas unanimes et peut-être pas du tout en accord avec la décision prise par les « haut lieux -Présidence et directoire du parti » de « liquider » le maire. De ce fait ces « haut lieux » ne pouvaient pas essayer de convaincre les conseillers au risque de voir des ratés.

    2/ Comme sur bon nombre de manquements le Parti Etat qu’est le PDG et la Présidence de la république démontrent encore au peuple qu’ils sont les plus forts et que le reste n’a qu’à se taire…au risque de se voir parfois ôter la vie comme lors du bombardement du QG de campagne de Jean Ping et autres assassinats survenus lorsque des citoyens se lèvent pour revendiquer.
    Rien de mieux que montrer au sein même du PDG que il n’y a pas de place pour des esprits indépendants ou respectueux de la loi. Au PDG on doit être au service du Parti et du président du Gabon. La république, on s’en fout!!!!!

  2. Yvon dit :

    Vous accordez trop d’importance au CLAN Bongo qui sont TOUS des voleurs, des assassins. On ne s’en sortira jamais avec ces Bongo. Jamais. Et tant que vous soutiendrez ces voleurs, le Gabon ne s’en sortira jamais.

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