Suite au recours en inconstitutionnalité formé par le Copil citoyen, la Cour constitutionnelle et le gouvernement ont agi comme s’ils n’ont cure du qu’en dira-t-on, engageant même une bataille de leadership.

En rusant avec les principes, la Cour constitutionnelle et le Gouvernement ont agi comme si elles se complaisent dans le hors-sujet. En engageant cette bataille de leadership, elles ont donné une image peu reluisante de notre démocratie. © Gabonreview

 

Sur tous les tons et de plusieurs manières, les Gabonais le disent depuis bientôt deux ans : ils n’en peuvent plus des restrictions de liberté décidées sous prétexte de la lutte contre la covid-19. Même s’ils ne se faisaient pas beaucoup d’illusions, ils s’attendaient à un traitement méticuleux du recours en inconstitutionnalité formé par le Copil citoyen contre l’arrêté n° 0559/PM du 24 novembre 2021. Au final, ils ont eu droit à un spectacle désolant, indigne et générateur d’incertitudes. Aux observateurs de tout bord, cette séquence a rappelé combien nos institutions peuvent s’échapper des règles et procédures, au risque de s’arroger des compétences reconnues à d’autres. Au-delà, ce bras de fer a conduit à un constat des plus amers : la propension des dirigeants à agir conformément à d’obscurs intérêts.

Hors-sujet

En se refusant à répondre à la question de fond, la Cour constitutionnelle a laissé le sentiment de valider le contenu de l’acte querellé, éludant le débat sur le respect des libertés publiques. En se prononçant sur la forme, elle a instauré la confusion entre ses attributions et celles du juge administratif. Par contre, en reconduisant le même texte, le gouvernement s’est montré peu disposé à suivre les recommandations de la juridiction constitutionnelle, faisant étalage d’une rare arrogance. En agissant avec une célérité jamais observée, il a indiqué n’avoir cure du qu’en dira-t-on, encore moins du sentiment des populations. Comme s’en étonne le Copil citoyen «en moins de cinq heures de temps, (…) (il) a successivement procédé à la saisine des deux chambres du Parlement, aux auditions et à la publication au journal officiel d’un texte engageant les libertés publiques et droits des citoyens.» Simplement surréaliste !

En rusant avec les principes, les deux institutions ont agi comme si elles se complaisent dans le hors-sujet. En engageant cette bataille de leadership, elles ont donné une image peu reluisante de notre démocratie. Invitée à dire si l’arrêté n° 0559/PM est discriminatoire, s’il rompt «le principe de l’égalité des citoyens devant la loi» ou s’il instaure «une double citoyenneté», la Cour constitutionnelle a répondu par un bref exposé des motifs de la loi n° 003/2020 fixant les meures de prévention, de lutte et de riposte contre les catastrophes sanitaires. Appelée à dire si le fait d’»inciter le plus grand nombre à se faire vacciner» n’est pas attentatoire aux libertés, elle a choisi de rappeler la procédure. Mis en demeure d’informer le Parlement des mesures contenues dans son texte, le gouvernement ne s’est guère senti obligé d’obtempérer, se contentant d’inscrire la mention «l’Assemblée nationale et le Sénat informés» dans l’arrêté n° 0685/PM du 24 décembre 2021. A quel moment a-t-il été entendu par les deux chambres du Parlement ? Quand a-t-il transmis son texte au secrétariat général du gouvernement pour publication ? Hormis en version numérique, le numéro 143 bis du journal officiel est-il disponible ?

Nouveau recours du Copil citoyen

Même si le gouvernement ne l’entendra jamais de cette oreille, la validité de son nouvel arrêté dépend des réponses à ces questions. Comme on peut s’en douter, ce sera l’un des principaux enjeux des prochaines initiatives du Copil citoyen. Déjà, certains lui conseillent de saisir le juge administratif, quitte à mettre «dos à dos les responsabilités de la juridiction administrative et de la juridiction constitutionnelle.» Autrement dit, sur la constitutionnalité du texte, comme sur sa légalité, tant de doutes subsistent. La Cour constitutionnelle aurait-elle fait œuvre utile en s’attaquant au fond ? Aurait-elle été mieux inspirée en se déclarant incompétente ? Le gouvernement aurait-il dû agir avec moins de précipitation ? Aurait-il dû prendre le temps de couper les cheveux en quatre ? Sur tous ces points, les avis de nombreux juristes convergent : les deux institutions ont failli. Ainsi la Cour constitutionnelle est-elle accusée d’avoir confirmé «sa jurisprudence antérieure d’extension de son champ de compétence». Ainsi le gouvernement se trouve-t-il indexé en raison de ses «incongruités.»

Eu égard au tollé ainsi déclenché, le gouvernement ne doit pas feindre l’indifférence. La Cour constitutionnelle non plus. S’il veut ramener un peu de sérénité, l’exécutif doit faire la lumière sur les conditions de rédaction, d’adoption et de publication de l’arrêté n° 0685/PM du 24 décembre 2021. Quant à la juridiction constitutionnelle, elle gagnerait à ne pas outrepasser les prétentions des requérants et à se garder de soulever des moyens d’office.  Mais pour en faire la démonstration, un préalable s’impose : un nouveau recours du Copil citoyen.  Ironie du sort…

 
GR
 

9 Commentaires

  1. Ndong Esso Michel dit :

    Sauf erreur de ma part,je pense que la forme est prépondérante au fond. Autrement dit, l’on juge d’abord sur la forme avant de s’intéresser au fond. Dans ce cas, je ne trouve aucunement la démarche de la cours hors-sujet. Comment aurait-elle s’attaquer au fond si déjà la forme pose problème. Aussi, il convient de rappeler que la cours ne s’auto-saisit pas. S’il a fait le travail à la place du juge administratif, c’est seulement parce qu’elle a été saisie. Auriez-vous voulu qu’elle se déclare incompétente et qu’elle renvoie les requérants devant le juge administratif?

    • Maganga Octave dit :

      @Ndong Esso Michel. Et pourquoi ne pouvait elle pas les renvoyer devant le juge administratif ? Et pourquoi doit elle soulever des moyens que les requérants n’ont pas convoqué, en violation de ses propres textes ? Un juge répond à la question qui lui est posée ou alors il demande aux requérants de mieux se pourvoir

      • Paul Bismuth dit :

        Ndong Esso Michel

        Un juge incompétent pour connaître d’un litige doit se déclarer incompétent sinon sa décision est irrégulière (elle est entachée d’incompétence).

        3M aurait dû renvoyer les requérants vers le juge indiqué (conseil d’Etat). De toute façon dans ce pays il est difficile de dire qui fait quoi au niveau des institutions, tant chacune fait ce qu’elle veut. Mais curieusement quand il faut endosser la responsabilité des conséquences désastreuses, il n’y a plus personne.

  2. Gayo dit :

    Gabon pays de non droit. La constitution c’est Ali Bongo, Marie Madeleine Mbouranstsuo Bongo et leurs intérêts.

  3. Serge Makaya dit :

    Ma petite fille Roxanne, vraiment tu écris bien le français. Félicitations à toi. Mais vois-tu, ton bel article n’aura aucune raisonnable sur ces démons qui gèrent le Gabon depuis 1967 avec l’appui du Quai d’Orsay.

    Je ne cesserai de vous le faire savoir: les Bongo (en réalité, les Valentin aujourd’hui) ne sont que des marionnettes entre les mains de la francafrique. Mais pourquoi avez vous du mal à me croire, puisque je n’ai cessé de vous faire savoir que moi même j’ai travaillé dans les renseignements ? A l’époque, il est vrai, ce n’était aussi performant que maintenant, mais ce n’était pas mal non plus. Omar Bongo n’était qu’un préfet ou sous préfet de la France à l’époque. Le défunt Ali Bongo autant. Les français vont nous imposer encore une fois bientôt leur nouveau valet. C’est à nous de leur dire d’allez se faire FOUTRE avec leurs manipulations de nos pays d’Afrique.

    Si on ne se réveille pas, notre pays restera un pays d’esclavage masqué comme savent si bien faire ces français.

    Les personnes qui gèrent actuellement le Gabon sont elles mêmes des instruments entre les mains de la francafrique ou Quai d’Orsay. Marie Madeleine Mborantsuo, Sylvia Bongo (ce sont-elles surtout qui gèrent actuellement le Gabon) sont aux ordres du Quai d’Orsay. Mettez vous ça en tête une bonne fois pour toutes SVP. A Ntare Nzame !! Cessez d’être des naïfs.

    • My Comment dit :

      @ Serge Makaya , Bonjour
      tu dis ce que savent désormais tous les gabonais. Que proposes tu de concret?

      • SERGE MAKAYA dit :

        LA SEULE SOLUTION SANS EFFUSION DE SANG SERAIT LA RÉVOLTE DE NOS DÉPUTES ET SÉNATEURS. ILS ONT ÉTÉ « VOTES » PAR LE PEUPLE (?). S’ILS AIMENT LEUR PAYS 1 MILLION DE FOIS PLUS RICHE QUE LA FRANCE, QU’ILS LIBÈRENT NOTRE NATION. IL PEUVENT LE FAIRE. AINSI, IL N’Y AURA PAS DE SANG DE GABONAIS QUI COULERA. CE SERA TRÈS DIFFICILE A RÉALISER, MAIS PAS FORCEMENT IMPOSSIBLE. QUE CEUX QUI ONT L’HABITUDE D’ÊTRE DES TRAÎTRES S’EFFORCENT DÉSORMAIS D’ÊTRE DU BON COTE DE L’HISTOIRE.

        MÊME LES BONGO QUI NE GOUVERNENT PLUS, EN RÉALITÉ, PEUVENT NOUS AIDER A LIBÉRER LE PAYS. CE SERA POUR EUX UN BON SACRIFICE, ET ILS SERONT PARDONNES DE LEURS ERREURS DU PASSE.

  4. Germain MBA dit :

    REPUBLIQUE BANANIERE, CHACUN FAIT CE QUI LUI SEMBLE BON. WAIT N SEE

  5. Yvette Ndong dit :

    CONSTITUTION ? NON ! MAIS PLUTÔT CONSTI TORCHON.

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