Président du Parti du Réveil Citoyen (PRC), Thérence Gnembou Moutsona brosse dans la tribune ci-après un tableau peu reluisant de la condition des jeunes gabonais confrontés à des difficultés aussi diverses que variées, y compris au sein de leurs familles. À l’occasion de la célébration, ce jeudi 12 août 2021, de la Journée internationale de la jeunesse, le leader politique ne manque pas de proposer quelques pistes de solution permettant, espère-t-il, d’améliorer considérablement les conditions d’existence de ses jeunes compatriotes, partant du nouveau-né au jeune diplômé à la recherche du premier emploi.

« Le Gabon, qui compte parmi les pays les plus jeunes au monde devrait faire figure de pays modèle » (illustration). © D.R.

 

Thérence Gnembou Moutsona, président du Parti du Réveil Citoyen (PRC). © Photo personnelle

Aujourd’hui, 12 août, est la Journée internationale de la Jeunesse. Partout dans le monde, les jeunes sont à l’honneur, la jeunesse est célébrée. Le Gabon, qui compte parmi les pays les plus jeunes au monde, avec bientôt deux tiers de sa population qui aura moins de 25 ans, devrait faire figure de pays modèle sur toutes les questions relatives au développement, à l’accompagnement et à l’épanouissement de la jeunesse – nous en sommes malheureusement terriblement loin. Avec nos tout-petits qui pour certains grandissent dans des conditions d’extrême précarité, nos enfants et adolescents qui voient leur avenir compromis faute d’accès à une éducation de qualité, nos jeunes actifs dans l’impossibilité d’accéder à un emploi stable et décent qui leur fournisse de solides bases pour leur vie à venir, difficile d’avoir l’esprit à la fête.

Pour autant, la situation ne doit pas nous incliner au pessimisme. Les solutions existent, elles sont à portée de main ! A nous de les trouver, à nous de les mettre en œuvre. A défaut de célébration, la journée invite donc à la réflexion, réflexion sur les solutions pour des lendemains meilleurs.

A nos enfants, nous devons tout d’abord d’engager une réflexion urgente sur leurs conditions de vie, leur bien-être. Plus du tiers de la population gabonaise vit en-dessous du seuil de pauvreté, et les enfants sont particulièrement vulnérables face à cette précarité. Le phénomène est notamment sensible dans les localités rurales.

Selon les dernières estimations en date, 42% des enfants de moins de cinq ans souffrent de privations en matière de santé. Le taux de mortalité infantile était en 2019 de plus de 42 pour mille, soit près d’un enfant sur 24 décédés avant d’atteindre l’âge de cinq ans – trois fois plus que le Brésil ou la Colombie avec un PIB par habitant (PPA) pourtant comparable. Pour y répondre, il est essentiel que l’accès aux médicaments et aux soins jugés vitaux soit assuré pour les populations en situation de précarité. Des infrastructures de santé, notamment des services de néonatologie fonctionnels et bien équipés, et un personnel bien formé doivent être déployés pour assurer aux populations sur tout le territoire un même accès à des soins de qualité.

De même, des solutions doivent être apportées aux problèmes d’hygiène et de nutrition : selon les dernières données connues (2015), parmi les enfants de moins de cinq ans, 40% souffrent de privations dans le domaine de l’assainissement et 35% dans celui de la nutrition. La distribution d’aliments doit être organisée pour les nouveaux nés et les jeunes enfants, l’accès à l’eau potable garanti pour les familles dans le besoin. Les plus vulnérables, enfants abandonnés et orphelins, doivent quant à eux être pris en charge dans le cadre de structures adaptées, à ce jour en nombre nettement insuffisant.

Au-delà des questions vitales, la précarité engendre également des problèmes sociaux, au premier rang desquels le travail des enfants. La pauvreté conduit certaines familles à envoyer leurs enfants au travail, quand ce ne sont pas ceux-ci qui en prennent l’initiative. Les images qui depuis quelques semaines tournent en boucle sur les réseaux sociaux de jeunes Gabonais contraints de travailler dans des décharges pour subvenir à leurs besoins et ceux de leurs familles, ce au détriment de leur santé et de leur éducation, sont intolérables. Allocations familiales et aides à l’accès aux produits et services de base doivent permettre aux familles de subvenir à leurs besoins essentiels sans devoir mettre leurs enfants à contribution.

La violence est également répandue, dans la rue, dans le milieu familial mais aussi dans le milieu scolaire, où les violences deviennent un phénomène de plus en plus préoccupant. Toxicomanie et criminalité sont également tristement monnaie courante chez les jeunes de familles défavorisées. Un travail de sensibilisation, de formation et d’encadrement s’impose.

Ces problèmes sociaux sont étroitement corrélés à la problématique du décrochage scolaire, qui en est à la fois une cause et une conséquence. Car si le Gabon s’enorgueillit d’un taux de scolarisation proche de 90% dans le primaire, le taux de décrochage scolaire est lui aussi relativement élevé : seuls 57% des filles et 48% des garçons sont scolarisés dans le secondaire. Chaque année, 20.000 nouveaux élèves entrent en situation de décrochage scolaire. Le Gabon se distingue par un taux de redoublement parmi les plus élevés en Afrique selon les dernières statistiques de la Banque mondiale. Et le taux de réussite au baccalauréat général au premier tour est d’à peine 30% en 2021, bien inférieur les années précédentes.

Est en cause notamment le manque de moyens, humains comme matériels. Les infrastructures sont insuffisantes : les projets de rénovation, d’agrandissement et de construction ne manquent pas, mais sans concrétisation jusqu’à présent. Les équipements et matériels pédagogiques font également défaut : bureaux, chaises, manuels…, sans même parler d’équipements informatiques. A quoi s’ajoute le manque d’enseignants : le nombre moyen d’élèves par enseignant au Gabon est de 46 dans le primaire et 48 dans le secondaire, bien supérieur à la norme dans les pays à revenus intermédiaires, qui est de 21. Conséquence : des classes pléthoriques, qui peuvent atteindre jusqu’à 100 élèves. Au problème quantitatif s’ajoute de surcroît le problème qualitatif puisqu’une forte proportion d’enseignants ne dispose pas d’un bagage pédagogique suffisant. Sans compter le problème des grèves à répétition, dues aux retards dans le versement des primes et salaires.

Des moyens à la hauteur de l’enjeu doivent être mis en place : l’extension et la construction d’établissements doivent être concrétisées, la carte scolaire revue pour garantir que tous les élèves aient accès à une école à proximité, les solutions d’enseignement à distance généralisées, les salaires et primes des enseignants révisés et dûment versés, la formation continue du corps enseignant assurée, la mise à disposition des manuels et fournitures de base et la gratuité des inscriptions offertes aux populations défavorisées.

La scolarité est évidemment un objectif majeur – pour autant, elle n’est pas une fin en soi. Elle devrait permettre aux jeunes de construire leur avenir, leur garantir un emploi stable et épanouissant, ce qui est aujourd’hui le cas pour trop peu d’entre eux. Avec un pourcentage de près de 20%, le Gabon était en 2019 le pays d’Afrique centrale le plus touché par le chômage. Et encore beaucoup des emplois sont-ils précaires : sur un peu plus d’un million d’actifs, près de 225.000 évoluent dans le secteur privé informel, avec l’instabilité qui en est le corollaire. Et encore ces chiffres datent-ils d’avant la crise sanitaire, qui n’a fait qu’aggraver la situation. Sur ce marché du travail très tendu, nos jeunes concitoyens ont particulièrement de mal à trouver leur place. Selon la Banque Mondiale, les 15-24 ans représentent plus de 35% des chômeurs au Gabon, les 25-34 ans près de 26%. Un état des lieux dramatique sachant que pour les jeunes sans emploi, il n’existe à ce jour aucun filet de sécurité. Et la situation est d’autant plus préoccupante que de nombreux nouveaux jeunes actifs s’annoncent sur le marché de l’emploi. On ne saurait dans ces conditions s’étonner qu’un nombre croissant de nos jeunes compatriotes fasse le choix de rester travailler à l’étranger après leurs études : ils sont près de 10.000 à ce jour, qu’il nous faut encourager à revenir apporter leur pierre à l’édifice de reconstruction du pays.

Dans ce contexte, pour pallier l’urgence, des mesures s’imposent, pour tous les Gabonais, avec un programme national de relance de l’emploi et de réduction de l’extrême pauvreté, mais aussi plus spécifiquement pour les jeunes. La lutte contre le chômage des jeunes doit être considérée comme une grande cause nationale. Il est primordial que soient mis en place un programme de création d’emplois aidés dans les secteurs porteurs et des mesures incitatives pour encourager les entreprises à embaucher les jeunes.

Plus fondamentalement, nous devons repenser l’offre de formation dans l’enseignement supérieur pour être plus en adéquation avec le marché de l’emploi. L’offre est aujourd’hui trop restreinte, et inadaptée aux besoins réels du terrain. Nous devons revisiter les parcours d’apprentissage en incluant des pans de l’économie insuffisamment pris en compte à ce jour, repenser les filières techniques et professionnelles. Et plus structurellement, pour répondre durablement au défi qui se présente à nous, nous devons impérativement repenser de front économie et formation dans la perspective d’investir de nouvelles filières pourvoyeuses d’emploi. Nous devons développer à la fois de nouveaux secteurs d’activité et de nouvelles filières de formation adaptées aux besoins de ces métiers d’avenir. Ecotourisme, agro-industrie, aquaculture, énergies renouvelables, recherche et développement pharmacologiques, innovation scientifique et technologique, industrie culturelle… : toutes les idées créatrices de valeur sont à explorer !

Enfin, en parallèle, il est important de favoriser l’entrepreneuriat. Car si le pays se félicite de 4.625 entreprises créées par des Gabonais en un an, ce chiffre reste dérisoire rapporté au million d’actifs que compte le Gabon. Le phénomène est particulièrement sensible dans les métiers du commerce, dans lesquels ne travaillent que 2% des Gabonais ; moyennant quoi, le secteur est investi par des étrangers. On ne saurait s’étonner du manque d’appétence des Gabonais pour l’entrepreneuriat sachant que le pays se classe 169ème sur 190 à l’indice Doing Business 2020 et que ces métiers n’ont pas toujours été valorisés par le passé. Pour relancer la dynamique entrepreneuriale, particulièrement chez nos jeunes, il est donc nécessaire de mettre en place des conditions d’accompagnement, notamment d’allègement fiscal et parafiscal, favorables à l’investissement, de faciliter l’accès aux financements à des taux attractifs, via les organismes de micro-crédit et les banques commerciales, et d’accompagner ces jeunes entrepreneurs par du coaching.

Enfin, au-delà de tous ces besoins immédiats et élémentaires que nous devons adresser d’urgence, notre jeunesse doit pouvoir librement s’épanouir, s’exprimer. Le besoin s’en fait d’autant plus ressentir après de longs mois de restriction de liberté liée à la crise sanitaire. La culture et le sport constituent d’importants vecteurs d’épanouissement personnel et de cohésion sociale, pourtant ils ont été laissés en déshérence. Les JO offrent une triste illustration de notre faible investissement dans la pratique sportive, avec seulement cinq sportifs de haut niveau en mesure de porter nos couleurs, et encore malgré des conditions d’entraînement particulièrement insuffisantes. De même, la scène artistique, sur laquelle tant de nos voisins commencent à briller à l’international, reste muette. Les talents sont pourtant nombreux au Gabon – littéraires, musicaux, graphiques… – mais ne trouvent pas à s’épanouir dans le pays ; de fait, les droits d’auteur n’étant pas protégés, ils ne peuvent pas vivre de leur art. Sport, art, culture doivent être intégrés au système éducatif, des infrastructures dédiées développées, des mesures de soutien et de développement mises en œuvre.

Plus généralement, tout terrain d’expression doit être encouragé et développé. Notre jeunesse doit pouvoir largement s’informer, échanger, générer des idées. Télévision, radio, téléphonie mobile, internet doivent être déployés sur tout le territoire, et leur accès garanti. Le vivre-ensemble et le goût de la vie en communauté, si malmenés ces derniers temps, doivent être remis au goût du jour. L’engagement social des jeunes et leur participation à la société civile doivent par ailleurs être encouragés, au travers d’associations par exemple, ou sur la scène politique. C’est d’ailleurs dans cet esprit que le PRC a choisi de leur donner la parole au sein de son Bureau national, avec un membre délégué, et au travers d’une instance indépendante, le Conseil national des Jeunes. Qui mieux que les jeunes pour penser le présent et l’avenir des jeunes ? C’est de la jeunesse elle-même que doivent avant tout venir les solutions. Donnons-leur la parole, encourageons-les à s’exprimer. Soyons à l’écoute de leurs idées, de leurs besoins, de leurs envies.

A tous les Gabonais, en ce jour particulier, je veux dire aujourd’hui : mobilisons-nous pour notre jeunesse, car pour un pays à la population aussi jeune que le Gabon, abandonner les jeunes générations reviendrait à se condamner inexorablement au déclassement. Quant aux jeunes Gabonais, en ce jour qui est le leur, je veux leur partager mon optimisme : le présent est difficile mais l’avenir peut être différent. Ne perdez pas espoir.

Par Thérence Gnembou Moutsona, Président du Parti du Réveil Citoyen (PRC)

 
GR
 

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