En dépit de réelles avancées législatives ces dernières années, l’accès des femmes gabonaises aux plus hautes responsabilités politiques et administratives demeure un combat semé d’obstacles. Bien que le gouvernement se soit engagé à promouvoir leur représentativité dans les sphères du pouvoir, elles restent très minoritaires et se heurtent au plafond de verre.

Quelques femmes gabonaises s’étant illustrées en politique, sous l’ère Ali Bongo, dont à l’extrême droite les deux candidates à l’élection présidentielle d’août 2023 : Paulette Missambo (en haut) et Victoire Lasseni Duboze (en bas). © GabonReview (Montage)

 

Le Gabon a pris des mesures importantes pour ancrer dans la loi le principe de l’égalité des sexes. Dès 2015, la « Décennie de la femme gabonaise » a été instituée par le président Ali Bongo Ondimba, accompagnée de la création d’un ministère dédié.

Un contexte en mutation par la volonté politique et l’action non gouvernementale

En 2018, la Constitution a été révisée pour y inscrire le principe de parité entre hommes et femmes dans la vie politique et professionnelle.

Pourtant, en dépit de ces avancées prometteuses, la sous-représentation criante des femmes aux postes à responsabilité demeure une réalité préoccupante. A l’Assemblée nationale, à peine 19% des députés sont des femmes. Et jamais une Gabonaise n’a encore été élue à la magistrature suprême.

Dans les hautes sphères de l’Etat, le plafond de verre résiste : la nomination de Rose Christiane Ossouka Raponda au poste de Premier ministre en 2020 a constitué une première historique. Mais rares encore sont les femmes à accéder à des fonctions ministérielles ou à la tête d’institutions publiques.

Les causes de cette sous-représentation sont multiples : La persistance de stéréotypes de genre qui confinent les femmes à la sphère domestique et privée, la politique étant perçue comme un bastion masculin ; les inégalités dans la répartition des tâches familiales, qui compliquent singulièrement l’engagement politique féminin ; l’inégal accès aux financements et réseaux politiques, les hommes bénéficiant plus facilement de soutiens et d’opportunités ; la faible médiatisation des femmes en politique, qui renforce leur manque de visibilité ; et l’influence des traditions communautaires accordant moins de poids public aux femmes.

Pour surmonter ces obstacles, diverses pistes existent : instaurer des quotas minimums de femmes ; faciliter leur accès au financement politique ; développer des programmes de formation au leadership… De nombreuses associations, ONG et Fondations, notamment la Fondation Sylvia Bongo Ondimba (FSBO) s’y attèlent dans le pays. Mais des changements culturels en profondeur seront indispensables pour transformer pleinement la place des femmes dans la vie politique gabonaise.

Des femmes prototypes, mais le chemin est encore long

Ces dernières années, quelques femmes pionnières ont fait leur apparition dans les sphères politique, économique, judiciaire et haute administration gabonaises. On peut citer Lucie Milebou-Aubusson (médecin de formation, elle est sénatrice et présidente de la chambre haute du parlement gabonais) ; Rose Christiane Ossouka Raponda (économiste nommée Premier ministre en 2020, première femme à ce poste. Aujourd’hui, Vice-président d la République) ; Nadine Anato (ingénieure, directrice de l’aviation civile gabonaise depuis 2020 après avoir gravi les échelons dans ce secteur) ; Nicole Janine Roboty (diplômée en économie, première femme ministre de l’Économie en 2020, chargée de relancer la croissance et réduire la dette) ; Sylvia Bongo Ondimba (épouse du président de la République, engagée pour les droits des femmes via sa fondation créée en 2011) : Honorine Nzet Biteghe (avocate, ancienne ministre, aujourd’hui sénatrice très investie dans la défense des droits humains) ; Marie-Madeleine Mborantsuo (juriste, présidente de la Cour constitutionnelle depuis 30 ans, garante du respect de la Constitution) ; Madeleine Berre (spécialiste en droit du travail, ministre chargée de l’Emploi, de la Fonction publique et du Travail) ; Jacqueline Bignomba (ingénieur pétrolier, présidente du patronat pétrolier gabonais depuis 2013) ou encore  Anne Nkene Biyo’o (chargée depuis 2020 de la promotion de la zone économique de Nkok pour attirer investisseurs). Quelques autres ont notamment figuré dans les différents gouvernements depuis le premier septennat d’Ali Bongo.

Deux femmes seulement dans la course à l’élection présidentielle de 2023

Mais les femmes restent trop peu nombreuses au regard des enjeux de parité. Ainsi, pour l’élection présidentielle de 2023, seulement deux femmes figurent parmi les 19 candidats : Paulette Missambo, présidente de l’Union nationale, et Victoire Lasseni Duboze, présidente de l’Union des alliances pour une nouvelle Afrique (UANA).

Leader de l’Union nationale (UN), Paulette Missambo est la plus discrète de tous les hommes politiques en activité. Elle était dernièrement la présidente en exercice de la Plateforme Alternance 2023, regroupant des personnalités politiques, des membres de la société civile et même des formations politiques.

Ancienne ministre d’Omar Bongo, ancienne militante et hiérarque du Parti démocratique gabonais (PDG), la deuxième, Victoire Lasseni Duboze en sera, à 71 ans, à sa deuxième participation après celle de 2009.

Batailles et self-attitudes pour améliorer les choses

Les femmes politiques gabonaises doivent encore amplifier leur voix et tisser des solidarités pour peser davantage, tout en évitant certains écueils. A l’observation, il leur faut notamment : développer leurs compétences en communication, la prise de parole en public, la négociation, etc. Sensibiliser l’opinion publique à l’importance de leur représentation en politique, pour changer les mentalités. Obtenir le soutien des partis politiques et des gouvernements à la promotion des femmes en politique. Promouvoir des réformes législatives et constitutionnelles pour garantir l’égal accès des femmes aux mandats électoraux. Lutter contre les violences faites aux femmes dans la sphère politique. Encourager la solidarité et le mentorat entre femmes politiques pour amplifier leur voix. Défendre des politiques publiques sensibles au genre pour améliorer la condition des femmes. Viser la parité dans les instances politiques. S’appuyer sur le soutien d’ONG et d’organisations internationales comme ONU Femmes.

Il est donc essentiel pour les femmes gabonaises d’agir à la fois sur les compétences individuelles, le changement des mentalités et le cadre légal et institutionnel pour favoriser leur accès au pouvoir politique.

Mais ceci ne va pas sans contraintes. Comme également souhaité pour les hommes, pour prétendre à des responsabilités élevées, les femmes politiques gabonaises doivent cependant redoubler d’efforts et de détermination, sans renier leur féminité. Car elles peuvent apporter une sensibilité et des approches différentes dans la gestion des affaires publiques.

Mais elles doivent aussi éviter certains écueils. Tout d’abord, trouver un équilibre entre engagement politique et vie familiale, pour ne pas délaisser leurs proches. Ensuite, se garder de reproduire des stéréotypes sexistes limitants pour les autres femmes. Elles peuvent au contraire s’appuyer sur leur position pour promouvoir l’égalité. L’intégrité est également fondamentale, pour ne pas sombrer dans la corruption si répandue en politique gabonaise. Enfin, la bienveillance et l’ouverture sont nécessaires pour rassembler largement autour de valeurs humanistes.

Bien sûr, le combat est rude face aux réseaux et intérêts masculins établis de longue date. Avec persévérance, elles finiront par briser le plafond de verre. L’appui d’ONG dédiées à l’égalité femmes-hommes sera précieux dans ce long combat. Si des progrès ont été enregistrés, le chemin vers une véritable parité en politique reste semé d’embuches pour les Gabonaises. Seules des réformes structurelles, l’évolution des mentalités et le renforcement des capacités d’action politique féminines permettront de gagner ce difficile pari. À force de courage et de persévérance, les pionnières d’aujourd’hui ouvriront la voie à une parité réelle demain dans la politique gabonaise.

 
GR
 

4 Commentaires

  1. JAS dit :

    LA vraie question est : LE genre doit-il remplacer LA compétence ?
    LA question est cruciale quand LE personne ou LA personne gère les affaires d’ÉTAT.

  2. Désiré NGUEMA NZONG dit :

    Bonjour à tous, Bonjour JAS,

    La question du genre en politique doit être couplée avec les compétences. Le choix des élites (femme ou homme) doit être fondée sur les compétences. Il faut exclure la promotion fondée sur les « collaborations horizontales ».

    Depuis la création du PDG, le régionalisme a toujours été un facteur déterminant de recrutement du personnel politique. C’est ce déterminisme régional (ethnique, clanique, etc) que nous dénonçons aujourd’hui. La République gabonaise a besoin de tous les genres. Moitié/moitié, 50%/50%, koussi/koussa pour caricaturer.

    Inexorablement, il y a un besoin « de sensibilité féminine ». Un autre regard sur la manière de gérer de la Cité. D’où l’impérieuse nécessité d’une parité dans les deux assemblées. Pour le moment, en dépit des lois votées en faveur de la parité, notre « phallocrature » ne fait pas la « belle place » aux femmes malgré leurs compétences distinctives. Faut-il une politique de quota? C’est aux partis d’en décider. Plus de 100 partis politiques pour 2.10 millions habitants. Une curiosité mondiale.

    2023 est une année exceptionnelle. Une crue qui se gardera en mémoire. Sur trois femmes candidates à l’élection présidentielle, deux ont été retenues. Est-ce une avancée pour autant?

    C’est bien la première fois que je parcours un article qui fait un lien en politique entre le genre et les compétences. C’est très intéressant. Je pense que cet article a été écrit par une femme. Il y a du détail et de la sensibilité.

    Cordialement.

    • JAS dit :

      Bonjour Désiré.
      (Je ne suis pas régulier sur Internet)
      C’est toujours avec plaisir que je vous réponds.

      C’est la parité ? J’ai une réponse.
      Juste une observation qui ne vous a pas échappée; l’article dénonce par exemple la présence de 2 femmes parmi 19 candidats ! Est-ce problème de parité ?
      Non.

      Le CGE n’a pas limité la participation des femmes à poser leur candidature.

      Juste pour rappel : Parité veut dire pair(e).
      C’est selon : Autant de femmes que d’hommes – autant de femmes blanches que de femmes noires – …
      (une femme noire avec 2 doctorats s’est faite virer de son poste pour qu’une blanche avec une maîtrise a le poste)
      La parité ?

      La CC présidée est par une femme, et elle ne peut être paritaire puis qu’il 9 juges.

      Un état n’a pas besoin de parité, mais de compétence parce qu’il s’agit de l’État.
      « LA vraie question est : LE genre doit-il remplacer LA compétence ? »
      « LA question est cruciale quand LE personne ou LA personne gère les affaires d’ÉTAT. »

      La parité homme-femme a une expression claire à ce jour en politique, qui demande d’avoir autant de femmes que d’hommes par exemple dans un cabinet – ce qui est difficile à mettre en oeuvre.

      Alors je crois que l’article veut faire ressortir le peu d’angouement des femmes en politique. Cela ne s’appelle pas la parité.

      Comme l’a fait remarqué KIEM il faut promouvoir l’excellence de plusieurs femmes gabonaises ignorées par le règime.

      Cordialement,

  3. KIEM dit :

    Le Professeur Albert Jacquard disait : on ne choisit pas les meilleur(e)s, mais les plus conciliables, c’est dangereux. J’aimerai savoir ce que ce pays a offert à notre fierté nationale, Marie-Madeleine Avome Nzé, docteure en physique nucléaire depuis 1978, à part l’édition spéciale que le défunt Emmanuel Florian Ndong lui avait consacrée quand elle est rentrée au Gabon. Depuis le Lycée Léon Mba elle brillait de toutes les couleurs et avec un caractère bien affirmé, c’est sûr qu’elle n’était pas éligible dans ce système où tout le monde va à la « soupe », tant pis pour le Gabonais lambda.

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