Réaménagement du directoire, état de santé d’Ali Bongo, Congrès à venir, célébration du 12 mars, reformes, refondation et perspectives, tels sont quelques points qu’aborde dans l’entretien ci-après le nouveau premier vice-président du Parti démocratique gabonais (PDG). À en croire Paul Biyoghé Mba, «entre deux maux, il faut toujours choisir le moindre». L’ancien Premier ministre tacle ainsi l’ancien «DCP», faisant savoir qu’il leur faut se relever après avoir pris un coup.  Pour lui, «l’intérêt général doit primer», notamment celui de restructurer le parti, y compris au bénéfice d’Ali Bongo.

Le nouveau vice-président du PDG, Paul Biyoghé Mba, le 7 mars 2024, à Libreville. © GabonReview

Vous venez d’être désigné premier vice-président du PDG. Que s’est-il passé exactement au cours de cette réunion ?

Paul Biyoghé Mba : Je voudrais faire un petit rappel historique. Comme on le dit, jamais un sans deux. Je note simplement que j’arrive pour la deuxième fois vice-président du PDG dans des conditions, des moments très difficiles. La première fois, c’était en 2009, après le décès du président fondateur du PDG. Quelques temps après, j’ai été nommé premier ministre. Et les statuts faisaient que, lorsqu’on est premier ministre, on est premier vice-président du PDG. J’ai donc été premier vice-président de juillet 2009 à mars 2010, dans des conditions difficiles pour faire la transition, les élections, etc. Et puis, voilà, aujourd’hui, 7 mars 2024, je suis à nouveau premier vice-président du PDG. C’est l’histoire qui se répète.

À cet instant précis, je voudrais dire deux choses. C’est que, très sincèrement, remercier toutes celles et tous ceux qui ont passé beaucoup de moments de réflexion, d’évaluation, d’analyse, et qui sont tombés d’accord pour que, une fois de plus, je puisse être le premier vice-président du parti. 

En 2009, quand vous êtes nommés premier vice-président, le président était décédé. Actuellement, le président est en vie. Quelle est désormais la place d’Ali Bongo dans le parti ? 

Vous savez, premier vice-président, ça veut dire que vous n’êtes pas le président. Vous suppléez.

Vous avez les rôles, vous avez les prérogatives, vous avez la latitude de faire des choses, mais vous n’êtes pas le président. C’est un honneur important qui m’a encore été fait. Et je peux vous rassurer, c’est la deuxième chose que, très honnêtement, je ne vais rien négliger pour, un, mériter cette confiance, grande, historique, comme on me fait à nouveau, parce qu’il faut relever un parti, qui était un parti au pouvoir et qui, aujourd’hui, est un parti comme un autre. Je vais tout faire, avec la participation de tout le monde. D’abord pour rassembler à nouveau, parce que les gens sont dispersés. Rassembler les militants de tous niveaux, de tous grades, pour que notre équipe politique, n’est-ce pas, après avoir pris un coup, il faut bien l’admettre… Vous savez, j’ai l’habitude de le dire, dans ma jeunesse, j’ai fait les sports de combat. Quand vous prenez un coup et que vous êtes au tapis, il faut se relever. Et c’est difficile de se relever, mais il faut se relever et poursuivre le combat, et même le gagner. Et c’est ma vision. Nous avons pris un coup. Nous allons nous relever. Je peux même dire que nous sommes déjà quasiment debout. Il faut continuer et il faut le faire avec la participation de tous les militants qui aujourd’hui, sont certains découragés, certains démotivés, etc.

Première chose donc, rassembler tout le monde sur la base de deux choses. Un état de lieu réel, un état de lieu franc et des belles perspectives à portée de main. Des perspectives aussi bien dans le discours que dans l’action. Parce que nous sommes, un parti qui a 56 ans quand même, nous devons de plus en plus aller dans l’action plutôt que dans le discours.

Cette journée toute particulière a été aussi consacrée à une réflexion profonde, sinon une sorte d’autocritique sur la vie du parti, au moment où vous prenez vos fonctions. 

Les assises qui sont convoquées tournent autour de deux axes : l’autocritique et la refondation.

L’autocritique, ça veut dire que nous-mêmes, on doit regarder de manière tête froide. Les PDGistes, les dirigeants, tous militants doivent regarder tête froide ce que nous avons fait. En particulier, ces 10, 15 dernières années, pour arriver à perdre le pouvoir que nous avions de manière lourde. Parce que nous l’avons perdu, ce pouvoir-là. Donc, qu’est-ce que nous avons fait ? Il faut d’abord connaître les causes pour que, demain, nous ne le commencions pas. 

Il y a une analyse profonde de cette situation-là et cet exercice, nous allons bien sûr le faire le 16 mars le prochain. Et je souhaite que ça se passe de la manière la plus franche possible. Je dis toujours qu’un abcès, le meilleur moyen de le soigner, c’est de l’inciser. Ça fait mal au moment où l’incision avec le scalpel. Mais après, quand on a vidé le pus, le soir, on dort mieux. On va vider l’abcès de manière responsable, de manière respectueuse vis-à-vis des uns et des autres. Il ne faut rien bâcler, il ne faut rien cacher. Ça ne sert à rien.

Quand nous aurons vidé le sac, quand nous aurons fait cette autocritique, parce qu’en réalité, ce qui nous est arrivé, c’est nous-mêmes les responsables. C’est le PDG qui est responsable, les cadres du PDG qui sont responsables de cette situation. Il faut le dire. Si on s’était bien comporté, on ne serait pas là aujourd’hui. Si on est là aujourd’hui, c’est parce que nous avons eu des manquements, des lacunes. Mais il ne faut pas rester là. Puisque je vous ai dit qu’il faut relever le parti. Il faut donc le refonder.

Il faut commencer à apporter des aménagements, des restructurations. Et c’est ce qui a commencé aujourd’hui. On a institué des vice-présidents. Des vice-présidents qui existaient avant, qui ont été créés en 2003 et qui ont disparu en 2010 et qui reviennent en 2024. On remet une structure qui a fait ses preuves. Grosse et importante réforme !

On a revu le Secrétariat exécutif. Parce que le Secrétariat exécutif, c’est lui qui assure au quotidien l’administration du parti. On a revu un nouveau Secrétariat exécutif composé de 4 ou 5 membres avec des personnes qui, pour certaines d’entre elles, connaissent bien ce milieu. Et d’autres qui arrivent avec des expériences et une énergie nouvelle. Avec ça, on va continuer, ça ne va pas s’arrêter là. Parce que nous, on va préparer, au niveau de la nation, les assises du dialogue national où je pense que le PDG sera fortement attaqué. Il va falloir expliquer à nos compatriotes ce que nous avons fait. Nous avons fait de mauvaises choses. Mais nous avons aussi fait de bonnes choses. Ensuite, il faut préparer le Congrès. Le congrès du PDG qui sera alors là un véritable Congrès de refondation du parti puisque nous, nous continuons. Et à l’issue de ce Congrès, il y aura des décisions définitives qui vont être prise. Parce que la structure qui a été mise aujourd’hui en place, les vice-présidents et les secrétaires, ce sont des structures transitoires qui sont des structures un peu ad hoc pour faire un travail précis. C’est une administration de mission. La mission, c’est de préparer le parti dans l’immédiat aux assises, au dialogue national et préparer un Congrès. Et de manière plus profonde, mettre le parti sur les rails.

Sur les rails pour qu’il puisse affronter les difficultés qui se posent et avancer, retrouver sa place comme parti de pouvoir. Comme parti de pouvoir. 

Oui, vous parlez d’associer tout le monde, pourtant, vous avez radié une grande militante, madame Joséphine Nkama (Patience Dabany). 

Vous savez que dans tout parti, tout organisme, il y a des règles de fonctionnement. Tout parti qui se respecte, toute structure qui se respecte a un code de bonne conduite. Mais dans la décision qui a été prise, j’ai noté comme tout le monde qu’il est bien dit que les raisons de cette radiation lui seront notifiées prochainement. Il y a des raisons que je ne connais pas. Mais, il y a des raisons qui font qu’elle soit radiée. Et c’est dit dans la décision qui est prise qu’elles lui seront notifiées prochainement. Attendez qu’elle ait reçu la lettre de notification.

Quel rôle a joué le président Ali Bongo dans cette réorganisation du parti ? 

Bah écoutez, le président Ali Bongo Ongdimba est dans une situation que tout le monde connaît.

Parlons franchement, sur le plan légal, bien sûr, il jouit de sa liberté. C’est ce qui a été dit. Mais sur le plan physique et de santé, soyons francs, regardons-nous dans les yeux, nous pouvons rapidement aboutir à la conclusion que, bon, il y a probablement beaucoup de manquements. Beaucoup de manquements dans ce qui se fait. Je ne connais pas le dossier en profondeur, mais je crois qu’il y a quand même beaucoup de manquements. Alors, le problème est le suivant : soyons francs. Entre deux mots, il faut toujours choisir le moindre. Vous avez la possibilité, vous avez deux mots devant vous. Un président qui est là, mais qui fait que son absence a des conséquences sur le fonctionnement réel du parti. Et vous avez le parti. On sauve quoi ? On sauve quoi ? D’après vous ? Je pense que l’intérêt général doit primer. Et l’intérêt général de restructurer le PDG va bénéficier fortement à Ali Bongo et aux autres.

Mettons l’accent sur l’intérêt général, c’est-à-dire faire en sorte que son parti, le parti laissé par son père, Omar Bongo, puisse vivre, qu’il ne disparaisse pas. Parce qu’il y a des risques qu’il disparaisse si rien n’est fait. Il y a de la compétition politique. Il y a d’autres partis qui s’organisent. Aujourd’hui, le PDG est un parti comme les autres. Le président Oligui Nguema a bien pris une décision qui s’applique au niveau de l’Assemblée nationale et du Sénat : plus de majorité, plus d’opposition, tout le monde est pareil, sur le même pied d’égalité. Donc, le PDG est un parti comme un autre. Un parti qui est en compétition avec les autres partis. Les autres partis sont totalement structurés. Ils ont des présidents, des vice-présidents, etc. Le PDG n’en a plus. On est dépassé par rapport aux autres.

Il fallait au moins rattraper, s’adapter. Les décisions d’aujourd’hui, on s’adapte. 

On dit que le président de la Transition ou la Transition, les dirigeants de la transition ont joué aussi un rôle.

Ça peut se dire. La politique, parfois, il y a des invisibles, etc. Mais moi, je n’ai pas vu une action visible de la Transition. C’est possible que ça s’est fait… Vous savez, le Gabon était un pays…on se connaît tous. On se connaît tous. On a des relations. Vous et moi, on se connaît. Même si on ne se voit pas souvent. Peut-être qu’il y a quelqu’un qui a pu émettre un avis de manière informelle. Peut-être, mais pas de manière formelle. En tout cas, non. Pas du tout. 

Est-ce que des manifestations sont prévues dans l’agenda du bureau provisoire ? 

Oui ! Le 12 mars. Le 12 mars, c’est mardi. Il y aura une rencontre soft pour célébrer le 12 mars. Parce qu’en réalité, nous avons tout reporté au 16 mars. Parce que le 12 mars, c’est un mardi et c’est un jour férié. C’est un férié, on ne peut pas mobiliser les uns et les autres. Et en plus, nous avons lancé déjà les réflexions sur les assises. Tout le monde n’a pas encore répondu et les synthèses sont en train d’être faites. En revanche, samedi 16 mars, on va vous préciser le lieu ultérieurement, il y aura alors là une manifestation beaucoup plus importante. C’est ça, la première grande manifestation du PDG depuis le coup de liberté du 30 août. Ce sera un grand événement.

 
GR
 

3 Commentaires

  1. Ngomboh ghedogha dit :

    Politique quand tu nous tient!!!!! on pose la question de savoir qui est le président du parti, on dit des choses qui n’ont rien a voir avec la question posée. Est ce toujours Ali Bongo qui tient les manettes du PDG?

  2. DesireNGUEMANZONG dit :

    « Si tu prends soin de ton pays, il prendra soin de toi » dit un proverbe australien. En 56 ans, le PDG n’a jamais pris soin du Gabon et de ses habitants.es. Mais de ses adhérents.es (très zélé. es parfois). Le « coup de liberté » du 23 août 2023 en est le révélateur. Le PDG a perdu la main. Contraint de la donner en partie même si il s’y etait refusé à le faire. Mais en réalité, le PDG a perdu plus de la moitié de ses effectifs incorporés dans le processus de transition. Les autres démissionnaires.

    C’est donc pourquoi je ne partage pas le point de vue du Premier vice-président du PDG (Paul Biyoghe Mba, PBM dorénavant) qui souligne la perte de pouvoir du PDG. C’est très symptomatique de la conception même du pouvoir au PDG. Le pouvoir n’a de signification que s’il est totalitaire et oligarchique. Une majorité relative du PDG n’est pas une option. « Ni majorité ni opposition  » est un concept dur à avaler comme de la pierre. Pour le moment, le PDG est fragmenté. Fragilisé par le « coup d’accordéon » donné par le CTRI à ce parti politique devenu infernal, incontrôlable et anachronique.

    Comme le montre cette dernière réunion, c’est le courant de Billie-by-Nzé (2BN ci-dessous) qui semble prédominé cette assemblée. 2BN a divisé au PDG. Et c’est à PBM (sortie de sa maison de retraite) de venir ramasser les morceaux de la vaisselle cassée par ce dernier. 2BN joue son avenir politique. Car, en dehors du PDG, il n’a aucun avenir politique puisqu’il est incapable de créer son parti politique en raison de son incapacité à le financer et à le conduire en assumant son rôle de leader politique. 2BN est d’abord un homme de missions: faire la sale besogne. Le PDG c’est un peu son bac à sable dans lequel il vient construire ses châteaux de sable. Ses conceptions les plus farfelues de la gouvernance politique fondée sur l’acceptation (et la promotion) de la fraude électorale et le rejet de « coup d’Etat » libérateur d’un régime sanglant et coercitif.

    Je vais me répéter peut-être : son passage radiophonique à RFI n’est que du brassage d’air. Du « tourisme politique « . Il a beaucoup parlé mais n’a pas convaincu. Certains y voient un retour politique en fanfare réussi pour nous faire comprendre que 2BN est « invictus ». Non. Dans ce retour hideux se joue sa (sur)vie politique. Toutefois, PBM dit une chose importante (en substance): le PDG demeure, mais les hommes passent.

    Le fond de ma pensée est le suivant : le PDG doit disparaître et ses archives déclassifiées. Les gabonais.es ont besoin de savoir la vérité depuis la création du PDG à nos jours. Chercher à donner une nouvelle virginité au PDG,c’est chercher à gommer l’histoire ou bien à démontrer son irresponsabilité historique. Il y a bien eu des collisions tangentielles entre le PDG et la gestion du pays qui a connu un échec. Le nier est un crime historique. Le reconnaître une attitude d’humilité. Mais ce n’est pas dans l’ADN du PDG. Car ces ronds-de-cuir n’ont rien à faire des excuses dont mérite le peuple gabonais. On est tombé; on doit se relever. Le combat continue. C’est tout!!!
    Certainement il vaut mieux laver le linge sal en famille. Crever les abcès puants loin des regards.

    Un point important pour finir: l’arrêt du financement des partis politiques doit être envisagé comme un postulat pour la restauration des institutions. Comment le PDG va t-il financer ses prochaines « tenues » politiques vu qu’il n’arrive même pas à payer ses employés et ses cotisations patronales? Le PDG est comme Cronos (assimilé à Saturne), il a mangé tous ses enfants à la naissance à l’idée de perdre son pouvoir. La transition va peut-être les faire renaître chacun. Et « les invisibles » apparaîtront quand ceux qui les voient aujourd’hui disparaîtront dans le poison haineux de leur verve maudite…

  3. DesireNGUEMANZONG dit :

    J’ai écris la date 23 août 2023 dans mon commentaire, date du « coup de liberté »: lire plutôt 30 août 2023. Merci de votre compréhension.

    Monsieur Désiré Nguema Nzong.

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