Ayant tout misé sur la lutte contre le braconnage, le gouvernement doit élargir sa réflexion à la restauration des moyens d’existence des populations et la lutte contre la pauvreté.

Ayant porté leurs préoccupations à la face du monde, les populations de Mékambo attendent des solutions. Le pouvoir politique gagnerait à «remettre la nature au service de l’homme et non l’inverse.» © Facebook/echosdemeroe/François Vandenberghe/Marcel van Luit

 

Depuis bientôt deux semaines, la ville de Mékambo est au cœur de l’actualité. Si des parlementaires originaires de la contrée y séjournent en ce moment, une délégation gouvernementale y est attendue dans les tout prochains jours. En cause ? La gestion du conflit homme/faune et plus spécifiquement la déprédation des cultures par les éléphants. Comme l’ensemble de la communauté nationale, les populations locales attendent beaucoup de ces missions. Ayant, d’une manière ou d’une autre, formulé des interrogations, elles s’attendent à des réponses. Ayant porté leurs préoccupations à la face du monde, elles attendent des esquisses de solutions. Dans le contexte actuel, les menaces, rodomontades et autres boniments de charlatan ne seront d’aucune utilité. C’est dire si le pouvoir politique est face à ses responsabilités. C’est surtout dire si les événements de ces derniers jours ont mis en lumière un risque jusque-là ignoré : l’opposition définitive des communautés locales aux politiques publiques en lien avec la conservation de la nature.

Des précisions juridiques

En faisant montre d’écoute, en créant les conditions d’une réflexion partagée, en ouvrant des pistes de solutions législatives ou réglementaires, les parlementaires endosseraient pleinement leur rôle politique. Au lieu de défendre les choix gouvernementaux, ils feraient œuvre utile en recueillant et en analysant les récriminations des populations. Leur objectif ne devrait pas être l’exégèse des politiques publiques, mais l’établissement d’un dialogue franc et constructif. En se gardant de références abusives à la loi, le gouvernement pourrait privilégier les moyens non judiciaires de règlement des différends. En optant pour la médiation, il sortirait de la logique coloniale pour une approche émancipatrice. Ce faisant, il se donnerait des chances de cerner les enjeux du moment. Ayant tout misé sur la lutte contre le braconnage, il doit bien finir par élargir sa réflexion à la restauration des moyens d’existence des populations. Ayant érigé la lutte contre le trafic de la faune en pilier de sa stratégie, il doit cependant se pencher sur lutte contre la pauvreté.

Même s’il n’en a jamais vraiment tenu compte, ces préoccupations sont réelles. Leur prise en compte est une condition du succès des politiques de protection de la faune. En tout cas, les parlementaires, comme la délégation gouvernementale, auraient grand tort de ne pas les aborder, la logique du tout-répressif ayant fait la preuve de son inefficacité voire pire. Ayant dévoilé les limites et inconséquences de la gouvernance environnementale, les événements de Mékambo ont fragilisé le gouvernement du point de vue juridique. Un jeune compatriote a-t-il trouvé le mort ? Si cette issue malheureuse est moralement déplorable, elle appelle des précisions juridiques. Sur le lien des écogardes avec les autorités judiciaires, sur la validité de leur serment ou des procédures initiées par leurs soins, comme sur leur droit au port d’armes et les protections y attachés, tant de zones d’ombre subsistent. Au-delà de l’émotion, le pouvoir politique doit élucider un point : la légalité des missions de surveillance.

Témoignages à charge

Certes, les populations de Mékambo n’ont pas toujours agi conformément à la loi. Certes, elles ont parfois laissé le sentiment de défier l’autorité de l’Etat. Certes, la justice n’a pas eu la main trop lourde : sur les 30 personnes interpellées, 26 ont bénéficié de la liberté provisoire, les quatre autres ayant été déférées à la prison centrale de Makokou. Mais tout cela n’exonère nullement la puissance publique de son devoir d’exemplarité. Sauf à se satisfaire de l’arbitraire, elle ne peut confier des missions de police à des personnels évoluant dans l’illégalité. Or, dans l’indifférence quasi-générale, les écogardes n’ont eu de cesse de le crier depuis de trop longs mois : leur statut juridique reste à définir. Cette situation devrait inciter les parties à opter pour la médiation.

Au grand désavantage du pouvoir politique, les grèves des écogardes peuvent maintenant être interprétés comme des témoignages accablants voire à charge. Ayant entretenu le flou sur leur statut, il serait mal inspiré d’opter pour le tout-répressif. N’ayant rien entrepris pour lever les incertitudes sur leurs prérogatives réelles, il pourrait avoir beaucoup de mal à faire triompher la justice. S’il veut parvenir à des solutions pérennes et adaptées, il doit concilier les trois dimensions du développement durable. Comme le lui a récemment recommandé Brainforest, il doit «placer l’homme au cœur des politiques de conservation.» Autrement dit, il gagnerait à «remettre la nature au service de l’homme et non l’inverse.» A cette fin, une arme s’impose d’elle-même : l’écoute. Puissent les uns et les autres le comprendre.

 
GR
 

3 Commentaires

  1. diogene dit :

    «remettre la nature au service de l’homme et non l’inverse.»

    Non seulement ce principe est nuisible mais il est illégitime !
    LA nature nous en faisons partie, nous l’avons salie , dégradée, polluée, déformée, épuisée, avilie.
    User n’est pas abuser !
    Le principe dominant/dominé est une foutaise sans nom.( minoritaire dans la nature et seulement pour assurer la survie)
    Aucun droit ne nous a été donné, nous avons laissé libre cours aux prédateurs, destructeurs de tout poil, bouleversant des équilibres, massacrant sans discernement y compris les hommes (guerres, conquêtes, croisades…) pour le seul objectif avoir du pouvoir et de l’argent!
    Le système économique s’est emballé depuis le début de la révolution industrielle, les machines qui devaient nous libérer des travaux éreintants, pénibles ont opérés le contraire, les hommes doivent travailler comme des machines, rendement oblige !

    Nous pouvons vivre en harmonie, en symbiose pas n’importe comment, pas n’importe où, pas à n’importe quel prix ! Il parait que l’homme c’est l’animal intelligent par excellence et pourtant il excelle en bêtise et cruauté.

    L’alternative existe.
    Il suffirait de regarder les expériences auto gestionnaires de l’Espagne dans les années 36 pour comprendre que nous pouvons nous organiser complètement différemment : pas de monnaie, pas de hiérarchie, échanges et liberté raisonnée, etc… Avez vous assez d’imagination ? J’en doute !
    Nos cerveaux sont ravagés par des micro agressions incessantes !
    Publicités, discours politiques, sermons religieux, médias sensationnalistes, écoles autoritaires, réseaux sociaux véhiculant la pensée unique…nous façonnent comme de la glaise.
    Grand frère nous surveille lâchait G.Orwell qui a d’ailleurs connu l’expérience espagnole mentionnée plus haut.

    L’auto suffisance alimentaire ratée n’est surement pas causée par les éléphants ou autres animaux de la forêt mais par des animaux en costards cravates, champagne, caviar et putes de luxe (Smaltomar)
    Ceci explique la brutalité employée de part et d’autre…A Mékambo !
    Faire preuve d’autorité ce n’est pas être autoritaire .
    A suivre…

  2. Julien N'goua dit :

    Ne demandez pas à l’éléphant de comprendre l’homme. C’est à l’homme de comprendre comment fonctionne l’éléphant. Quand il « détruit » un champ, il ne le fait pas exprès. L’homme PEUT commettre des bêtises pour SON INTÉRÊT. Mas en aucun cas la bête qui suit son instinct.

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