Interrogé sur l’état désastreux de nombreuses routes gabonaises, le nouveau ministre des TP, Flavien Nziengui Nzoudou, a choqué en invoquant froidement leur non «priorité».  En réaction de quoi Michel Ndong Esso, enseignant de philosophie, revient sur la problématique des infrastructures routières au Gabon à travers le prisme de la déclaration du concerné ministre. Explorant les implications de la politique gouvernementale en matière de construction et d’entretien des routes, particulièrement dans le contexte de la Transition, il met en lumière des questions de négligence et de corruption, tout en interrogeant la pertinence des choix prioritaires du ministre. L’analyse du contraste frappant entre les besoins des populations et les décisions officielles.

Interpellé sur le calvaire des populations du département du Haut-Como, privées de routes depuis plusieurs décennies, le membre du Gouvernement a purement et simplement affirmé que ce tronçon routier n’était pas une priorité dans le plan d’aménagement des routes nationales. © Facebook (image d’illustration)

 

Michel Ndong Esso, Enseignant de philosophie, Membre de la plateforme Renaissance Haut-Como. © D.R.

Invité à éclairer la lanterne des citoyens sur l’agenda de son département ministériel pendant la Transition, le Ministre des travaux publics n’a pas forcement rassuré tous les Gabonais après son passage sur le plateau des Grands dossiers de Gabon 1ère, le 17 décembre dernier. Ses tentatives d’explication sur l’abandon de certains axes routiers ont refroidi les ardeurs d’une catégorie de compatriotes.

Interpellé sur le calvaire des populations du département du Haut-Como, privées de routes depuis plusieurs décennies, le membre du Gouvernement a purement et simplement affirmé que ce tronçon routier n’était pas une priorité dans le plan d’aménagement des routes nationales. Quel n’a pas été le désarroi des compatriotes originaires de cette partie du Gabon et des usagers de cet axe routier coupé de la civilisation !

La notion de priorité est-elle un argument pertinent pour justifier l’état délabré du réseau routier national ?

La réponse à cette question est bien évidemment négative. Sur un réseau routier estimé à 10 000 km, nous comptons seulement 2000 km de tronçons praticables pour quelques 1055 km de trajets bitumés. Pour tout dire, à peine 20% de nos routes sont en bon état. Comparé à ce qui se fait chez nos voisins, ces chiffres placent le Gabon en queue de peloton dans la sous-région. A titre de comparaison, le Cameroun et le Congo Brazzaville ont respectivement 10535 km et de 3111 km de routes bitumées. Paradoxalement, les retombées de la production pétrolière, l’extraction des minerai et l’activité forestière ont doté le Gabon des moyens financiers les plus importants de la sous-région durant le règne des Bongo.  Malgré d’impressionnantes dotations budgétaires, les programmes de constructions des routes n’ont produit que des résultats mitigés. Constat accablant, la plupart des localités de l’hinterland sont difficilement accessibles par voie terrestre. Même les voiries du Grand Libreville contrastent avec les standards de la modernité.

Sauf à vouloir nous faire croire que les 8000 Km de routes non praticables ne sont pas prioritaires, il faut dire que les raisons de ce retard accusé sont ailleurs. Il est connu de tous les Gabonais que l’argent destiné à la construction des routes a souvent pris d’autres directions. Autrement dit, la corruption des élites politiques et administratives est le véritable fléau de la route Gabonaise. Nul besoin ici de rappeler les scandales financiers sous l’ancien régime ou de ramener à la mémoire les noms des personnalités hautement impliqués dans la prédation à grande échelle de l’argent public. Comme l’a reconnu le Ministre lui-même, le milliard est devenu le jouet de noël de certains hauts fonctionnaires, au nez et à la barbe de la justice.

De quelles priorités parle le membre du Gouvernement ?

Mais la corruption n’est pas le seul mal de notre pays. Au temps de Bongo père, le Gabon était administré selon une géopolitique discriminatoire qui mettait en avant l’ethnie et le clan. La distribution des avantages et la cooptation des élites obéissaient à cette seule logique. Il en était ainsi des nominations à la tête des ministères de souveraineté et des administrations stratégiques. Seul un ressortissant Fang de l’Estuaire pouvait prétendre à la Primature et seul un originaire du Haut-Ogooué pouvait hériter des portefeuilles de la défense et des finances. Pire, la planification des investissements sur le territoire national répondait à ces critères discriminatoires. Ainsi, certains districts ont été mieux loties que les Chefs-lieux de Provinces. Des écoles et des routes ont été construites ici plutôt que là. 60 ans plus tard, la cartographie des infrastructures sur le plan national laisse paraitre de sérieux déséquilibres.  Il y a des départements voire des provinces qui manquent du strict nécessaire. Ni routes, ni hôpitaux et encore moins d’électricité. Bref, la notion de priorité telle qu’avancée par le Ministre des Travaux publics risque fort de rappeler ce passé ténébreux. Ce qui ne cadre pas avec la rupture prônée par les autorités du CTRI.

Pour rappel, les événements du 30 août dernier ont redonné espoir à tous les Gabonais. La mission principale du Gouvernement de Transition est de traduire cet espoir dans les faits par une amélioration significative des conditions de vie des populations. Dans cette perspective, la réhabilitation des voiries urbaines et la construction des routes nationales figurent parmi les urgences et les priorités absolues. Tous les Gabonais, d’où qu’ils soient, méritent de circuler sur des routes dignes de nom. C’est dans cet état d’esprit que nous invitons Monsieur le Ministre des Travaux publics à reconsidérer son approche vis-à-vis de l’axe routier Kougouleu-Medouneu. Comme le reste des compatriotes, les Gabonais de Medouneu ont besoin d’espérer en un avenir meilleur. Osons croire que les propos ici querellés n’étaient qu’un lapsus. Vive la restauration.

Par Michel Ndong Esso, Enseignant de philosophie, Membre de la plateforme Renaissance Haut-Como

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GR
 

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