Depuis le 6 février dernier au musée du Quai Branly en France, l’artiste franco-gabonaise Myriam Mihindou fait résonner les larmes des pleureuses punu dans une œuvre monumentale et immersive. « Ilimb, l’essence des pleurs » célèbre ce rituel ancestral d’accompagnement des âmes par une expérience sensorielle puissante, mêlant sculptures, installations terriennes et environnement sonore. Un hommage vibrant aux traditions funéraires de l’ethnie gabonaise qui transcende les frontières entre la vie et la mort.

Myriam Mihindou à l’ouvrage, au musée du Quai Branly Jacques Chirac. © Facebook.com/museeduquaibranlyjacqueschirac

 

Au cœur du musée du Quai Branly, l’artiste franco-gabonaise Myriam Mihindou déploie une œuvre totale, « Ilimb, l’essence des pleurs« , puissant hommage aux rituels funéraires des pleureuses de la culture punu. Une expérience immersive et initiatique qui fait résonner les larmes libératrices.

La démarche de Myriam Mihindou puise aux racines mêmes de son identité culturelle gabonaise. Invitée en résidence par le Quai Branly, l’artiste a choisi d’explorer le rôle crucial des « pleureuses » dans les cérémonies funéraires de l’ethnie punu, dont est issu son père. Ces femmes, véritables conductrices d’âmes, guident les défunts vers l’au-delà par leurs larmes, leurs chants et leurs danses cathartiques. Elles apaisent aussi la douleur des vivants en les aidant à traverser les affres du deuil.

Vues de l’exposition «Ilimb, l’essence des pleurs», de Myriam Mihindou, au Quai Branly, à Paris. © Thibaut Chapotot/Musée Du Quai Branly

Aux frontières de la métaphysique

L’installation saisissante frappe d’emblée le visiteur. Des tiges métalliques portent d’imposantes céramiques figuratives représentant des harpes punu, instruments ancestraux reproduits puis transformés symboliquement par Mihindou. Certaines pièces géométriques abstraient les formes d’origine tandis que d’autres, richement décorées de corps tourmentés et bouches ouvertes sur des cris muets, incarnent l’intensité gestuelle des pleureuses.

Serpentant telle une rivière asséchée, une longue traînée de fibres végétales trace un sillon terrien d’où émergent de petits monticules sculptés de visages extatiques aux bouches entrouvertes – pleureuses muettes semblant sourdre de la terre nourricière, proclamant leur lien indéfectible aux cycles de la vie.

Sur une vaste surface herbeuse trônent cinq imposantes sculptures totémiques. Assemblages céramiques anthropomorphes évoquant des vestiges archéologiques, elles dressent leurs statures minérales et leurs cris fossilisés dans une présence menaçante, échos déchirants des lamentations rituelles.

Myriam Mihindou. © artvisions.fr

Un dialogue entre l’art et le patrimoine

Mais au-delà de sa dimension visuelle saisissante, le chef d’œuvre de Myriam Mihindou se déploie dans une expérience multi-sensorielle. Des haut-parleurs dissimulés dans l’espace diffusent en boucle un environnement sonore lancinant, alternant élégies vocales, lamentations éraillées et chœurs de battements de mains. Mihindou a recueilli ces archives sonores auprès de sa famille et au cœur des communautés punu, véritable transmission des pleurs ancestraux. Le visiteur est littéralement immergé dans ces ondes de tristesse vibrante qui enveloppent l’espace d’une pulsation organique.

En faisant la promotion de ce rite méconnu par une œuvre à la puissante charge émotionnelle, Myriam Mihindou plonge le spectateur dans l’essence même du deuil et de la condition humaine. Elle transcende les frontières entre les vivants et les morts, célébrant la capacité des larmes à guérir, apaiser et relier les âmes dans un cycle éternel de renaissance. Une exposition qui, au-delà de la transmission d’un héritage culturel inestimable, rappelle aux visiteurs la nécessité vitale de nos rituels collectifs face au mystère de la mort. Un indispensable exutoire libérateur pour nos sociétés modernes bien trop pudiques sur le sujet.

Cette exposition constitue une étape marquante dans la carrière de l’artiste et une contribution significative au dialogue interculturel. À découvrir à Paris (France) au musée du Quai Branly-Jacques Chirac jusqu’au 10 novembre 2024.

 
GR
 

0 commentaire

Soyez le premier à commenter.

Poster un commentaire