Justice pour Éric Digondi : une plainte qui brise le silence sur les abus du B2
Alors que les intimidations et les menaces n’ont pas cessé, Éric Digondi, ancien détenu et victime de torture, décide de franchir un pas vers la réparation. Le 28 décembre 2024, il a déposé une plainte contre plusieurs agents des services de renseignement (B2) et magistrats, les accusant de séquestration, torture, et dissimulation de preuves. Un acte courageux qui pourrait marquer un tournant dans la lutte pour la justice au Gabon.
La plainte d’Éric Digondi s’inscrit dans un contexte lourd de violations des droits humains. En mai 2015, suite à l’incendie de l’ambassade du Bénin à Libreville, il est arrêté de manière brutale près de son domicile, en plein jour. «Des hommes en civil m’ont embarqué de force sous les yeux de mon voisinage», relate-t-il. Transporté dans un véhicule où il subit des violences physiques, il découvre plus tard qu’il a été pris en charge par des agents du B2, dirigés ce jour-là par le lieutenant Kanou Jean.
Une fois arrivé dans les locaux du B2, Éric Digondi affirme avoir subi des séances de torture orchestrées par des agents identifiés comme le capitaine Élingui, le capitaine Ossami, le lieutenant Angreco, et d’autres militaires cagoulés. Des méthodes brutales, des auditions nocturnes (entre 21h et 23h) et des privations sévères d’alimentation et de soins marquent son passage dans ce lieu.
«On m’a menotté les mains et les pieds, enfermé dans une cellule sans enregistrement au registre officiel, comme si je n’existais pas», explique-t-il. Les abus atteignent leur paroxysme lorsque, affaibli par des douleurs abdominales dues aux coups, il perd connaissance en cellule.
La dissimulation et le silence des autorités
Conduit à l’hôpital militaire du PK9 par ses bourreaux, Éric Digondi est présenté comme un « exécuteur de crimes rituels ». Pourtant, des examens médicaux révèlent des caillots sanguins dans l’abdomen, signes évidents des sévices subis. Les documents médicaux, notamment un certificat et des clichés radiologiques, disparaissent mystérieusement, laissant l’accusé sans preuve de son état de santé. Il parvient néanmoins à conserver une ordonnance, devenue un élément clé de sa défense.
Malgré des irrégularités flagrantes dans les procédures, Éric Digondi est présenté devant les magistrats en juin 2015. Ces derniers ne tiennent pas compte des conditions de sa détention ni des preuves de torture. Il est placé en détention provisoire jusqu’à son acquittement, prononcé deux ans plus tard, en mai 2017.
Une plainte aux multiples enjeux
Dans sa plainte déposée au tribunal de première instance de Libreville, Éric Digondi accuse nommément plusieurs agents du B2, notamment le capitaine Élingui (retraité), le capitaine Ossami, le lieutenant Angreco, et le lieutenant Kanou Jean. Il demande également que les responsabilités des anciens magistrats, notamment le procureur de l’époque et son substitut, soient examinées. «Il est temps que justice soit faite et que la vérité éclate, non seulement pour moi, mais pour toutes les victimes de ces abus», insiste-t-il.
Face aux menaces persistantes, Éric Digondi reste déterminé. «Des militaires rôdent autour de mon domicile. Mais ma foi en la justice me pousse à dénoncer ces actes et à exiger réparation», affirme-t-il.
Pour Éric Digondi, cette démarche n’est pas seulement personnelle. Il espère que cette plainte permettra de faire la lumière sur l’incendie de l’ambassade du Bénin en 2015, pour lequel aucun véritable coupable n’a été identifié, selon les déclarations de l’ancien procureur de la République Sidonie Fiore Owe. «Je demande que les auteurs de cet acte criminel soient identifiés, car la justice ne peut prospérer dans l’ombre des mensonges et de l’impunité», déclare-t-il avec conviction.
Le courage d’Éric Digondi pourrait ouvrir une voie pour d’autres victimes de violences similaires, en attendant les premières réactions des autorités judiciaires. Sa plainte est un cri d’espoir pour une justice qui se veut réparatrice et protectrice des droits fondamentaux des citoyens.
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