Abslow rudoie la question du bonheur affiché, malgré leurs conditions de vie difficiles, par les Gabonais lors des visites présidentielles. Le chroniqueur du vendredi à GabonReview  se demande si ce bonheur est réel ou s’il s’agit d’une opération de marketing politique ne visant qu’à améliorer l’image du Président. Pointant du doigt ceux qui exploitent la misère du peuple pour le bénéfice d’une minorité, il souligne que le bonheur véritable ne peut exister en l’absence de la satisfaction des besoins fondamentaux tels que l’eau, les hôpitaux, les écoles, les routes, le travail ou la nourriture. Il faut déchiffrer le message au-delà des apparences.

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Quand on s’est planté, il faut avoir la lucidité de le reconnaître. Se peut-il vraiment que les Gabonais soient heureux sans qu’ils en soient eux-mêmes conscients ? Les Gabonais que nous avons vus le long du chemin sur les différentes étapes de la tournée républicaine du Président, en mode sourires et rires écarlates, nous enseignent qu’il est difficile d’être plus exigeants que celui qui se contente de peu.

Comme une réponse concrète à l’affirmation de leur président il y a quelques années : « je ne serai heureux que quand les Gabonais seront heureux ». Si on en juge par la liesse et l’exhibitionnisme dont ils font preuve durant la tournée républicaine du ‘patron’ dans leur localité, les kangolais, les ntoumois, les lambarénéens, les ndjoliens, les owendois et akandais qui l’ont reçu récemment, nous ont paru bien heureux.

Moi qui connais ces villes du fait de mes pérégrinations à la recherche de la vie, j’ai été surpris par le contraste entre ce bonheur affiché et la misère que j’y vois à chacun de mes passages, misère confortée par les plaintes des natifs de ces mêmes localités. Mea culpa ! Je me suis certainement toujours mépris sur leur réalité. Peut-être que ces Gabonais qui se plaignent ne voulaient pas que je vienne grignoter un peu de leur bonheur.

D’ailleurs, un aîné qui ne manque jamais de venir porter la contradiction sur ma page m’a dit ceci alors que je m’étonnais de ce bonheur factice : « il ne t’appartient pas de choisir ce qui rend les gens heureux ». Comme pour me dire que chacun a ses propres critères de bonheur et que ce qui me rend heureux n’est pas nécessairement ce qui fait le bonheur des autres. Il a sans doute raison.

On parle pourtant de bonheur qui est « la condition de celui qui possède tout, qui est favorisé par la vie ou par son sort ». Mais alors, comment se peut-il que des gens qui se plaignent au quotidien de tout, soient curieusement devenus heureux au moment de la visite du Chef, seule personne capable de changer leur environnement et par conséquent leur triste vie ?N’y a-t-il pas anguille sous roche ? Ces visages hilares, ces foules en transe, ces témoignages élogieux sont-ils authentiques ?

Tout ce bonheur revendiqué que nous montre la presse officielle sur le passage du Président, n’est-il pas une belle opération de marketing politique pour lifter l’image d’un Président dont la crédibilité est gravement écornée ? Et si cette tournée républicaine n’était qu’un tour de passe-passe qui n’a de visée que de prouver aux partenaires extérieurs, suivez mon regard, qu’ABO bénéficie encore d’une côte de popularité suffisante pour justifier son dernier raout ?

Tous les maquillages seraient alors permis et tout ce bonheur factice ne serait alors qu’un branding de vitrine, une opération cosmétique derrière laquelle se cache une réalité aux antipodes de ces extases populaires arrachées aux pauvres bougres à coups d’espèces sonnantes et trébuchantes. On peut se demander, à la vue de cette comédie du bonheur, qui est le plus à blâmer ? Ceux qui la financent ou ceux qui acceptent de la jouer ?

Ceux qui exploitent la misère du plus grand nombre pour le bonheur du plus petit nombre sont plus vils que ceux qu’ils exploitent. Car, ils n’ont pas compris que « jouer la comédie pour quelqu’un, c’est essayer de lui faire comprendre qu’il n’est pas là », écrivait Roland Dubillard. « La conscience a été donnée à l’homme pour transformer la tragédie de la vie en une comédie », disait Démocrite.

Oui, ABO n’a pas été là où l’attendait son peuple depuis 2009. Il a encore moins été là depuis 5 ans, ainsi qu’il l’a lui-même reconnu. Comment pourrait-il être présent aujourd’hui et demain alors qu’il est diminué par la maladie ? Le fait qu’il hésite à se porter candidat à deux mois de l’élection présidentielle, témoigne de ses propres doutes intérieurs. Je persiste et je signe en disant qu’aucun peuple ne peut être heureux en manquant du strict nécessaire.

Peut-on être heureux quand on manque d’eau courante ? Peut-on être heureux quand on manque d’hôpitaux ? Peut-on être heureux quand on manque d’écoles ? Peut-on être heureux quand on manque de routes, de travail, de nourriture, de loisirs et peut-être d’avenir… ? La comédie jouée par le peuple sur sa route, est un message qu’il doit décrypter au-delà des apparences.

ABSLOWMENT VRAI !

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GR
 

1 Commentaire

  1. Désiré NGUEMA NZONG dit :

    Bonjour,

    Y aura t-il un chapitre 3 à cette comédie gabonaise?

    Dans « Seul un extra-terrestre est assez bien pour diriger les extra-terrestres », paru le 22 avril, vous expliquez en préambule de ce paper review « … le caractère malléable, interchangeable … profondément et incroyablement versatile du peuple gabonais… »

    En poursuivant dans votre analyse, vous décrivez ce peuple qui se plaint tout le temps et déteste ses dirigeants. Mais accepte « … de taire ses récriminations le temps (…) d’un meeting… ». Vous concluez que les contradictions de ce peuple en font un « … peuple sans idéal, sans identité, sans amour propre, sans fierté, sans boussole et finalement sans âme. »

    Vous revisitez cette première version dans cet article « La comédie du bonheur simulé ». J’aurai intitulé cet article : La comédie du bonheur (dis)simulé ». En faisant le lien avec la thèse défendue plus haut.

    Vous êtes plus modéré (apaisé) mais « droit dans vos bottes » (1). Car, nous notez avec rigueur l’amplitude entre le déficit matériel et immatériel des populations gabonaises et leur immense joie d’applaudir ceux qui sont à l’origine de leur pauvreté. La question demeure: Que veut le peuple gabonais!? Comment se projette t-il dans le temps?

    Votre réflexion me paraît essentielle. Fondée. Sage (cette fois-ci). Se rappeler que Rabelais disait que la sagesse ne peut rentrer que dans un esprit bon, et que science sans conscience n’est que ruine de l’âme.

    (1) « Je persiste et je signe qu’aucun peuple ne peut être heureux en manquant du strict nécessaire ».

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